Sport: l’Afrique s’invite à la table des hôtes des grandes manifestations



jelya une forme d’injustice criante à observer la manière dont l’alternance des continents se concrétise dans l’organisation des événements sportifs d’importance majeure. Au nom de l’universalité du sport, une règle implicite veut qu’il y ait une distribution équitable des grandes compétitions sportives. Ainsi des Coupes du monde, notamment du football, des Jeux olympiques, des championnats du monde d’athlétisme, du cyclisme et d’autres disciplines populaires. Le problème réside dans le fait que les valeurs nobles véhiculées dans ces compétitions sont prises au piège de contraintes d’exposition mises en œuvre dans le respect d’autres considérations. À part les notables exceptions de l’Afrique du Sud en 1995 – Coupe du monde de rugby – et en 2010 – Coupe du monde de football -, force est de constater que l’Afrique n’a rien eu si ce n’est la portion congrue des grandes manifestations sportives organisées à travers le monde durant le XXe siècle.

Comment justifier ce fait?

L’Afrique, grande absente des hôtes des grandes manifestations sportives

D’une part, le continent semble limité par son manque de moyens, d’autre part, par son incapacité à répondre aux cahiers des charges imposées par les différentes fédérations internationales. Au-delà, il convient de retenir que le continent africain n’est pas considéré comme une terre d’accueil pour et par les mastodontes sportifs à l’échelle planétaire. En cause, l’idée qu’on s’en fait de ne pas être en mesure d’attirer à la fois des publics venus d’un peu partout de la planète mais aussi de permettre le suivi des événements par le biais d’une audience télévisuelle mondiale. Il y a aussi que les acteurs économiques gravitant autour et dans le sport ne paraissent pas avoir assez de résilience pour construire des schémas alternatifs. À leurs yeux, le continent est loin de constituer une aubaine marketing pour valoriser suffisamment les droits médias.

2025, un tournant avec l’affrontement Tanger-Kigali

Néanmoins, le mois de septembre pourrait marquer un tournant avec l’attribution du championnat du monde de cyclisme sur la route 2025. En effet, Tanger et Kigali sont les deux seules villes à s’affronter dans ce dossier. Elles espèrent être choisies pour accueillir l’ensemble des épreuves de l’édition 2025 de cyclisme qui se tendent pour la première fois en Afrique. Le 24 septembre 2021, à l’occasion des championnats du monde en Belgique, l’Union cycliste internationale (UCI) devra en effet décider d’accorder l’épreuve à une ville candidate ou l’autre.

Pour comprendre le défi, il faut passer à la loupe ce qui se passe dans la ville hôte, qui devient pendant une semaine le centre du monde de la planète vélo. Concrètement, l’UCI sanctuarise une région pour la dédier complètement à la petite reine à travers 11 épreuves. L’édition 2020, l’échéance prévue en Suisse, attendait 1 200 coureurs émis de 90 pays. Elle a dû être déplacée à la hâte en Italie en raison du principe de précaution adopté par les autorités helvètes face à l’épidémie de Covid-19. L’opportunité est de haute facture: les staffs des équipes et les journalistes représentent près de 10 000 personnes, sans compter les spectateurs étrangers qui vont immanquablement impacter l’économie des villes concernées, en l’occurrence, en 2025, Kigali et Tanger. L’exemple du Yorkshire qui a reçu l’édition de 2019 est assez édifiant (Voir encadré sur « impact économique du championnat du monde de cyclisme UCI »).

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Une vraie aubaine financière et de communication

Ce gigantisme n’effraie pas les deux villes candidats. Contrairement aux Jeux olympiques ou à la Coupe du monde de football, le championnat du monde sur la route UCI ne nécessite pas de construction d’infrastructures ou de transformations urbaines titanesques. De fait, la dimension de la compétition garantit que les revenus générés ne sont pas détruits dans les dépenses pharaoniques. Ce qui permet de balayer les critiques généralement entendues sur la capacité des pays africains à prendre en charge une organisation aussi importante.

Au-delà des retombées économiques significatives, la forte audience médiatique offrira une magnifique vitrine de communication. Les compétitions cyclistes sont également appréciées à la télévision par des passionnés de la petite reine, qui adhérent aussi pour la promesse de beaux panoramas environnementaux et architecturaux. Pas besoin de commentaires pour vanter l’attrait touristique du Maroc ou du Rwanda auprès des téléspectateurs. Ceux-ci viendront pour les joutes sportives mais ressentiront assurément une belle émotion face aux paysages à couper le souffle.

Il faut rendre grâce à David Lappartient, le président de l’UCI. Il a su ôter les œillères qui favorisent les considérations partisanes, idéologiques ou culturelles. Dans une approche pragmatique, il a su répondre à la demande silencieuse qui s’exprime en Afrique, a su faire face aux méprisants et balayer les critiques. Le Français est venu à plusieurs reprises voir la capacité des Marocains et des Rwandais à se conformer à l’exigence du cahier des charges d’un championnat du monde.

Rwanda, illustration d’une place qui monte…

Une chose est sûre: le Rwanda possède des atouts forts quant à la petite reine. La passion des Rwandais n’y est plus à démontrer, et ce, car le pays a choisi le sport comme vecteur pour vaincre les traumatismes du passé et rebondir vers un projet commun de société. Le Team Africa Rising, ciment d’une nation meurtrie par le génocide de 1994, et le succès populaire du Tour du Rwanda sont autant d’arguments qui participent à consolider le projet de Kigali. Le sport facteur de paix et d’intégration n’est pas un vœu pieux ou un simple slogan politique. Il est une démonstration éclatante des possibles. Le documentaire Ressusciter de ses cendres, produit par l’acteur Forest Whitaker, qui raconte l’épopée du Team Rwanda et du cyclisme, illustre combien le sport a pu servir d’outil de résilience. Autre atout non négligeable: la capacité du Rwanda à se réinventer et à performer, ce qui renforce une attractivité qu’a confirmée sa première place en 2019 dans le classement du tourisme d’affaires africain. Malgré l’arrêt imposé par la pandémie mondiale, Kigali est demeuré une des capitales du continent parmi les plus convoitées. Preuve supplémentaire, elle a été choisie par la NBA Afrique pour héberger les finales de la Basket Africa League.

… Avec les finales de la Basket Africa League

Cette compétition panafricaine d’un nouveau genre en Afrique, dont le début est prévu le 16 mai, suscite beaucoup d’espoirs. Et pour cause, le puissant championnat nord-américain, la NBA, qui a toujours pensé son activité comme une industrie, s’intéresse à l’Afrique. Cela en dit long sur le potentiel du continent, qui voit naître une nouvelle compétition professionnelle organisée par deux entités aux ADN différents. Ce partenariat inédit se cristallise dans la Basket Ball Africa, une émanation de la NBA, une société privée, et de la Fédération internationale de basket (FIBA), une association. Un peu dans l’esprit des finales du panier universitaire américain, de la March Madness, douze équipes s’affrontent dans une bulle sanitaire. Kigali a pu garantir une «bulle» dans des conditions optimales avec des protocoles anti-Covid stricts ajustés à l’importance de l’enjeu. Les joueurs ont été testés plusieurs fois par jour et les 500 spectateurs autorisés vont devoir attendre à chaque rencontre les résultats des tests rapides avant d’entrer dans l’Arena.

Concrétiser la mutation comme acteur de premier plan du sport mondial

L’annonce de la NBA est triple. Tout d’abord, créer les conditions favorables à l’émergence d’une industrie sportive pérenne. Ensuite, profiter de la popularité du panier en Afrique pour faire de la BAL une antichambre de la NBA par le recrutement plus important de talents du continent. Enfin, proposer une compétition qui possède sa propre dynamique par la construction d’un spectacle sportif capable d’attirer les fans aux quatre coins de la planète. Le choix de Kigali par la puissante et riche ligue américaine a été conforté par son Arena ultramoderne inaugurée en 2019. Cette enceinte modulable, multifonctionnelle pour recevoir des concerts, des conventions, est l’écrin qui va aussi recevoir le championnat d’Afrique de basket -ball en août-septembre 2021. Même si le Covid a eu pour effet de réduire drastiquement la jauge à 10 000 personnes, la Kigali Arena, identique à la Dakar Arena, va constituer une étape de haute facture pour faire du Rwanda une belle porte d’entrée pour concrétiser l’accroissement de la place du sport africain dans le concert mondial.

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L’impact économique du championnat du monde de cyclisme UCI

Cas du Yorkshire, région d’hôte de l’édition 2019

► 85%, majorité des visiteurs internationaux européens

► 66% des visiteurs extérieurs

►24 000 visiteurs ont passé une nuit,

►22 000 ont fait des excursions dans la région

► 22,5 millions de livres sterling dépensées par les spectateurs

►9,0 millions de livres sterling dépensés pour l’hébergement

►5,9 millions de livres pour la nourriture et les boissons,

►5,1 millions de livres pour la vente au détail, le tourisme et d’autres activités,

►2,5 millions de livres pour les transports

► Équivalent 610 emplois annuels

► 67 pays de l’étiquette

► 849 journalistes accrédités

► 2100 membres des équipes

► 2,3 millions de livres sterling dépensés par les médias et les équipes

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