POINT DE VUE. Le ballon de foot ne tourne plus rond. sport


Le football est de tous les sports populaires celui qui, en pleine crise sanitaire, n’a aucun complexe à creuser entre ses millions de fans et ses milliards d’euros en circulation. Pas un jour sans que l’annonce des montants des transferts possibles des Messi, M’Bappé ou Neymar ne fassent tourner les têtes. Alors que les stades sont vides, vérifierune billetterie n’est en mesure de parer à l’effondrement économique du secteur et que les chaînes télés renâclent désormais à acheter au prix fort la diffusion des matchs, le monde du football semble recroquevillé sur lui -même, incapable de remettre les compteurs à zéro pour renouer avec la magie vertueuse du ballon rond.

Voilà pourtant des années que les dirigeants et les joueurs les plus éclairés de ce sport (qui comptent en France tout de même plus de 2 millions de licenciés et un demi-million de bénévoles) dénoncent ce poison prêté du football bizness qui inoculent les clubs professionnels . Comment les amateurs, désormais sur la touche depuis la crise sanitaire, échapperaient-ils à un état d’esprit venu de plus haut? Mais le plus curieux c’est de constater que personne ne semble pouvoir dire stop. Ni un gouvernement, ni une fédération, ni une instance internationale comme la Fifa, elle-même soupçonnée de corruption. De même que personne n’est capable d’être franchement scandalisé par les forfaitures de supporters marseillais à l’endroit de leurs clubs, ou de voir Neymar faire la fête en plein confinement. Et ce n’est pas les quelques négociations entamées par la Ligue pour baisser les salaires des joueurs qui changent quelque chose: le ballon ne tourne pas rond sur les pelouses des stades de France.

Le pied a aussi besoin de décroissance et de circuits courts

En 1972 déjà, Françoise Giroud alors patronne de l’Express était outrée de voir des joueurs de foot se vendre comme des bestiaux. C’est bien simple, écrivait-elle, un jour les footballeurs n’auront plus de nationalité . Nous y sommes et ça ne choque plus personne.

Et si l’effritement notable des audiences footballistiques à la télévision n’était pas une réponse possible au ras-le-bol du public de voir l’argent et la cupidité s’étaler publiquement pendant que, lui, confiné devant sa télé, se serre la ceinture? En attendant, comme pour tous les spectacles, il y a une vraie incongruité à organiser régulièrement des compétitions sans les supporters. Ce fameux 12e joueur comme on les surnomme sur les stades, indispensable pour communier physiquement avec une équipe, serait-il si peu indispensable pour la survie de son sport? C’est en tout cas le signal qu’on lui envoie. Le sport d’équipe est marié avec son public, pour le meilleur comme pour le pire.

Que l’on aime ou pas, le football atteint le monde entier, au plus profond de l’âme de ses banlieues, de ses villages ou de ses capitales, sans distinction. C’est un empire mondialisé capable de fédérer par la magie qu’il procure toutes les populations. C’est une raison suffisante pour le protéger de la folie des grandeurs, des lois implacables du marché, des égoïsmes et des mégalomanies en tout genre. Son vrai fond de commerce? L’esprit d’équipe, l’abnégation, la discipline, la compétition et la beauté du jeu. Ni les sponsors, ni les collectivités publiques, ni a fortiori le public n’a à gagner à ce petit jeu mortifère de la fuite en avant qui semble caractériser le pied en temps de crise. Le pied a aussi besoin de décroissance et de circuits courts, qu’on se le dise.



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