Les multiples nuances de racisme qui pourraient faire de la France sa première femme présidente


Dans les cinémas de toute la France, le public rit aux éclats du troisième film d’une série extrêmement populaire dépeignant les luttes d’un couple français bourgeois et provincial pour accepter que leurs quatre filles aient évité les Français suffisamment solides au profit de maris maghrébins, africains, juifs et chinois.

Dans le contexte d’une élection présidentielle dans laquelle la race joue un rôle clé et serait dominante sans la crise du coût de la vie, il semble impossible de ne pas faire le lien, aussi innocent que soit le moment de la publication.

Qu’ils s’en rendent tous compte ou non, l’amusement des cinéphiles est nécessairement le rire des attitudes qui ont précisément contribué à propulser Marine Le Pen du désert politique marginalisé de l’extrême droite au bord de la présidence.

Le premier tour de scrutin de dimanche l’a placée à près de cinq points d’Emmanuel Macron, dont les chances de remporter un second mandat reposent désormais sur sa capacité à empêcher de larges pans d’électeurs de passer des 10 candidats vaincus, ou d’une forte abstention au premier tour, à Mme Le Plume.

Le soutien aux principaux partis qui ont dirigé la France pendant des décennies s’est désintégré, ne laissant que Macron comme obstacle à une présidence radicale

Il existe des différences ainsi que des similitudes entre la représentation artistique des questions sensibles et la réalité. Le couple figurait dans les films, intitulés pour une sortie en anglais comme Mariages en série (mauvais)sont aisés alors que Mme Le Pen s’adressait traditionnellement principalement aux couches les plus modestes.

À d’autres égards pertinents, bien que le scénario soit inévitablement cliché, ringard et – pour certains critiques – au moins à la limite du racisme, le thème reflète des attitudes que l’on retrouve facilement dans la société française.

Ma petite nièce, née de mon neveu français et de sa femme marocaine, a un jour fait sursauter ma belle-sœur (sa grand-mère) en annonçant qu’on lui servait du jambon à midi : « Je suis marocaine, je suis musulmane et je ne mange pas porc. » Je soupçonne que son grand-père, bien qu’il considère son attitude modérée et tolérante, aurait été surpris s’il avait été présent.

Il y a bien plus longtemps, la mère de deux de mes amis était bouleversée que ses deux filles aient choisi d’épouser des hommes noirs. Elle a dit à ma future belle-mère, elle-même peu impressionnée par le choix d’un Anglais par sa propre fille : « Même cela serait préférable. Le racisme ou la xénophobie sont peut-être mesquins, mais ils sont quand même là.

Une incapacité à respecter les autres cultures, croyances et traditions a toujours semblé guider la politique des Le Pen, père et fille.

Le père de Marine, Jean-Marie Le Pen, a été à plusieurs reprises sanctionné par les tribunaux pour incitation à la haine raciale ; il était considéré à la fois comme antisémite et antimusulman, ainsi que comme un défenseur du régime collaborationniste français de Philippe Pétain en temps de guerre. Lorsque sa fille s’est rendu compte qu’elle devait nettoyer son propre acte si elle voulait sérieusement le succès politique, il a insisté sur le fait que la différence entre eux n’était qu’une mince tranche.

Mariages en série (mauvais).  Les films du 24

Mais dans le cadre de sa campagne prolongée pour « dé-diaboliser » son image et persuader les électeurs que son parti – étant donné le titre plus doux de Rassemblement national à la place du Front National rebutant et strident – était un mouvement politique respectable, elle a dirigé des mouvements pour expulser son propre père.

La goutte qui a fait déborder le vase a été sa répétition sans vergogne de l’affirmation offensive selon laquelle les camps de la mort nazis n’étaient qu’un détail de la Seconde Guerre mondiale.

Au cours de la campagne pour les élections de ce mois-ci, elle a présenté une façade délibérément plus douce, s’attardant moins sur les attaques auparavant obsessionnelles contre l’immigration et l’islam radical, se concentrant plutôt sur la colère généralisée face à la diminution des budgets des ménages.

Une partie de la stratégie massée de Le Pen, indéniablement réussie, a été d’établir une distance entre ses politiques et celles de l’autre candidat d’extrême droite, Eric Zemmour. Si les deux étaient entachés par le soutien passé au président russe Vladimir Poutine – une caractéristique commune de la droite populiste européenne – M. Zemmour a semblé aller encore plus loin que son rival dans la rhétorique islamophobe.

Ses allusions au « grand remplacement », les musulmans censés écraser la société française et rejeter les valeurs républicaines, ont été accueillies avec un mépris total que Mme Le Pen n’a pas tardé à exploiter.

« Il y a une différence fondamentale », a-t-elle déclaré à un intervieweur. « M. Zemmour mène un combat contre l’islam. Mon combat est contre l’idéologie islamiste. »

Sur la base des résultats du premier tour – 8 millions de voix pour Mme Le Pen, seulement 1,6 million derrière M. Macron ; seulement 2,4 millions pour M. Zemmour, éliminé et quatrième – elle a judicieusement choisi l’orientation de sa campagne.

Jean-Marie Le Pen, fondateur du parti d'extrême droite Front National, à son domicile de Rueil-Malmaison, à l'ouest de Paris.  AFP
Le commentateur d'extrême droite Eric Zemmour a voté dimanche au premier tour de l'élection présidentielle française de 2022 à Paris.  Reuter

En 2017, le jeune M. Macron dirigeait son parti nouvellement créé, La République En Marche (la République en Marche). Bien qu’il ait servi dans le gouvernement profondément impopulaire du président socialiste François Hollande, il est apparu d’un centrisme rafraîchissant et a attiré des électeurs des camps conventionnels de gauche et de droite.

C’était alors. Lassés par la pandémie, alarmés par l’impact des hausses de prix pour les besoins essentiels et les perceptions exagérées d’un pays assiégé par les immigrés, de nombreux électeurs en ont assez. Pour eux, M. Macron est déconnecté des préoccupations quotidiennes, initialement antipathique lorsque des personnes à faible revenu qui se croyaient négligées ou oubliées organisaient des manifestations de « gilet jaune » ou de gilet jaune dans tout le pays.

Aujourd’hui, le soutien aux principaux partis qui ont dirigé la France pendant des décennies s’est désintégré, ne laissant que M. Macron comme obstacle à une présidence radicale qui épouvanterait l’establishment occidental.

Il reste le mince favori pour gagner lorsque la France fera son choix final lors du vote décisif du 24 avril.

Les intentions de vote sont actuellement estimées à 54-46. Mais l’extrême droite a parcouru un long chemin depuis 2002, lorsque l’aîné Le Pen a également atteint le second tour pour être écarté dans un glissement de terrain par le gaulliste de centre droit, Jacques Chirac.

Pour sa fille, 20 ans plus tard, l’avance pour M. Macron est suffisamment étroite pour qu’elle sente qu’avec ou sans l’aide des stéréotypes raciaux et des préjugés reflétés sur les écrans de cinéma, elle a encore une chance de devenir la première femme à préside la France.

Publié: 11 avril 2022, 15:13

Mis à jour : 14 avril 2022, 20 h 11

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