Les propos d’Emmanuel Macron sur la Russie tirent la sonnette d’alarme | Emmanuel Macron


Les critiques nationaux d’Emmanuel Macron, des partisans de la ligne dure de l’Otan et des dirigeants ukrainiens examineront avec suspicion les remarques de fin de soirée du président français lors de sa conférence de presse à Moscou lundi à la recherche de signes de pige.

À un certain niveau, Macron, à trois mois d’une campagne de réélection, est resté assez fidèle au scénario qu’il avait convenu de manière exhaustive avec ses partenaires de l’OTAN avant sa rencontre avec Vladimir Poutine, mais à un autre niveau, sa vision particulière de la Russie en tant que nation européenne, et de nobles discours sur de nouvelles garanties de sécurité, auront sonné l’alarme.

Les détails des cinq heures de discussions entre les dirigeants français et russe, et les points de convergence, ont été cachés au monde lors de la conférence de presse, mais cela n’a pas empêché Macron de faire allusion à des changements dans les perspectives de l’OTAN qui, selon certains membres, ne devraient jamais être faits. en réponse à l’intimidation militaire.

Le président français a commencé par souligner la présence historiquement inacceptable des troupes russes aux frontières de l’Ukraine. Il a également fidèlement répété les offres faites par l’Otan et les États-Unis concernant la limitation mutuelle des déploiements militaires, plus de transparence pour les activités militaires ou encore une limitation du déploiement des missiles à courte portée et intermédiaires. Il a dit que dans ces régions, Moscou et l’ouest avaient les mêmes exigences. Moscou s’est déjà dit prêt à discuter de ces points mais considère un engagement de l’Otan à cesser tout élargissement comme sa première exigence.

Ici, Macron a fait allusion à la nécessité de reconnaître les préoccupations russes. Il déclare : « Il n’y a pas de sécurité pour les Européens s’il n’y a pas de sécurité pour la Russie », une formulation respectueuse mais qui légitime aussi les revendications de Moscou pour une nouvelle architecture de sécurité basée sur le concept russe de « sécurité indivisible ». Mais ce que voulait dire Macron n’était pas clair.

Il a dit qu’il s’opposait fermement à répéter « les erreurs du passé sur les sphères d’influence », mais a ensuite déclaré que « la Russie est européenne. Celui qui croit en l’Europe doit savoir travailler avec la Russie et trouver les voies et les moyens de construire l’avenir européen entre Européens.

Emmanuel Macron, à droite, et Vladimir Poutine discutent autour d'une longue table au Kremlin
Emmanuel Macron (à droite) et Vladimir Poutine discutent autour d’une longue table au Kremlin. Photographie : Agence Anadolu/Getty Images

Les responsables français lors des briefings ont parlé de la «finlandisation» de l’Ukraine, une forme de neutralité, une idée qui a été lancée auparavant. S’exprimant en Ukraine mardi, Macron a nié avoir prononcé le mot soit à des journalistes, soit à des dirigeants politiques.

La Finlande, qui partage une frontière de 830 milles (1 335 km) avec la Russie, a choisi en 1947 de ne pas devenir membre de l’OTAN et a signé un « traité d’amitié » avec la Russie qui comprenait des limites sur la taille de l’armée finlandaise et d’autres restrictions sur sa souveraineté. . La soi-disant doctrine Paasikivi – du nom de Juho Kusti Paasikivi, son président de l’époque – a néanmoins créé un consensus politique en Finlande jusqu’à ce que la question soit ironiquement rouverte par l’actuel président finlandais, Sauli Niinistö, préoccupé par ce que la Russie faisait pour menacer la souveraineté.

Mais il y a une différence critique entre l’Ukraine et la Finlande. L’Ukraine serait en effet tenue par des puissances extérieures d’adopter le statut d’État neutre. Compte tenu des relations houleuses de l’Ukraine avec la Russie et de la violence dans l’est du pays, il semble peu probable que l’Ukraine puisse jamais être disposée à devenir la Finlande 2. Une alternative moindre serait que le droit de l’Ukraine de rejoindre le pacte de défense de son choix pourrait être réaffirmé mais en pratique mis de côté.

Une telle formulation pourrait être mise au carré par l’affirmation de Macron lors de la conférence de presse selon laquelle une nouvelle architecture de sécurité en Europe ne devrait pas être créée en annulant le droit des États à rejoindre l’alliance de l’OTAN.

L’éventuel statut de l’Ukraine au sein de l’OTAN est un peu un mirage puisque le pays est loin d’être au stade initial de l’adhésion à l’OTAN, et la discussion sur le sujet occulte probablement le véritable point de conflit – le désir de la Russie de ramener l’Ukraine non pas à une forme de neutralité, mais à sa sphère d’influence au motif que le gouvernement de Kiev est illégitime.

La proposition finale de Macron était la mise en œuvre « stricte et totale » de l’accord de Minsk, l’accord de 2014-2015 qui contient les bases d’un règlement définitif dans la région orientale du Donbass en Ukraine, dont certaines parties sont sous le contrôle des séparatistes pro-russes depuis avril 2014. Étant donné que les séparatistes et Kiev ne sont pas d’accord sur ce que Minsk exige, en particulier sur le séquençage, la «mise en œuvre stricte» n’est clarifiée que dans la mesure où elle signale que les puissances mondiales vont exercer une pression renouvelée sur les deux parties pour parvenir à un accord sur le retrait des forces, des élections libres et le statut constitutionnel des régions rebelles.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a exclu la semaine dernière un statut spécial. La Russie, en revanche, aimerait qu’un statut spécial inclue un veto sur la politique étrangère nationale, ce que Kiev ne verrait que comme un démembrement par la force de son pays approuvé par l’Occident. Mais Macron pourrait au moins essayer d’obliger le gouvernement ukrainien à suivre une série de mesures sur la manière dont les élections locales dans le Donbass et le retrait des forces pourraient se produire. Mais c’est une question qui frustre les diplomates depuis 2015.

Macron, comme il le concède lui-même, peut découvrir que ce n’est pas seulement la table absurdement large de Poutine qui maintient l’Occident et la Russie si éloignés l’un de l’autre.

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