Les dirigeants indépendantistes de la Nouvelle-Calédonie défient la France sur la date définitive du référendum


La stabilité chez le voisin proche de l’Australie de l’autre côté de la mer de Corail et l’influence de la France dans la région sont menacées par l’appel des partis indépendantistes à ne pas participer au référendum final sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie si la France insiste pour le tenir le 12 décembre. Le groupe de fer de lance mélanésien a appelé les Nations Unies à soutenir le report du vote.

La décision de la France d’organiser le 12 décembre le troisième référendum décisif sur l’opposition des partis indépendantistes a sans doute abouti au pire résultat : un appel de la coalition indépendantiste, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), pour ses partisans de ne pas participer. En vertu de l’Accord de Nouméa de 1998, le vote aurait pu avoir lieu à tout moment jusqu’en octobre 2022.

La suggestion d’un boycott kanak est de la dynamite en Nouvelle-Calédonie. Les efforts minutieux de Paris pour organiser les deux premiers référendums dans le cadre du processus actuel, en 2018 et 2020, visaient à délivrer un vote incontestable et à démontrer la neutralité de la France vis-à-vis du territoire et de la région.

C’était pour éviter une répétition du désastreux vote d’indépendance de 1987. Les Kanaks, qui forment l’essentiel du mouvement indépendantiste, ont boycotté ce processus parce que la France a autorisé à voter les personnes qui n’étaient sur le territoire que depuis trois ans. Cela faisait suite à une décennie de politique française encourageant les migrations en provenance d’autres régions de la France, en particulier pour dépasser le nombre des peuples autochtones et vaincre les revendications d’indépendance. Avec ce boycott, le vote a sans surprise ramené 98% de soutien pour rester avec la France. Les tensions s’intensifient et aboutissent à une prise d’otages sanglante en avril 1988, entre deux tours de l’élection présidentielle française. Vingt et une personnes sont décédées.

Personne ne veut une répétition de l’expérience de 1987.

Avec la crédibilité amoindrie du vote de 1987 et les souffrances du peuple calédonien, l’image de la France elle-même a été ternie. La pression régionale et internationale monta. La France a négocié des accords mettant fin aux violences et promis le processus unique de référendum à trois voix actuellement en cours.

Avec une date limite d’octobre de l’année prochaine, le FLNKS a préféré un vote plus tardif afin de pouvoir s’appuyer sur le soutien croissant à l’indépendance lors des deux précédents référendums, de 43,3% en 2018 à 46,7% en 2020, et dépasser les 50% requis. Les partis loyalistes ont privilégié un vote anticipé, pour conserver leur majorité et faire avancer l’économie stagnante. Lorsque le ministre français des territoires d’outre-mer, Sébastien Lecornu, a annoncé la date début décembre, il a reconnu qu’il s’agissait d’une décision unilatérale mais a évoqué le droit statutaire de la France de fixer cette date. La dernière réunion des signataires de l’Accord de Nouméa (en 2019) avait convenu que le vote ne devrait pas coïncider avec les élections présidentielles et législatives françaises d’avril et juin 2022.

Lorsque Lecornu s’est rendu en Nouvelle-Calédonie début octobre, les dirigeants indépendantistes ont de nouveau fait part de leurs inquiétudes, soulignant le grave impact de la pandémie de Covid-19 sur leurs communautés et l’effet sur les campagnes de mesures sanitaires et les coutumes culturelles de deuil. La Nouvelle-Calédonie n’a enregistré aucun décès jusqu’au 9 septembre 2021, mais au 21 octobre, 245 personnes étaient décédées du Covid sur une population de 280 000 habitants. La plupart étaient des Kanaks.

Après que Lecornu eut indiqué que la date ne serait modifiée que si la pandémie « devenait incontrôlable », le FLNKS a renouvelé son appel au report et, le 20 octobre, a appelé formellement à la « non-participation » de ses partisans si le référendum devait se tiendra le 12 décembre. Bien qu’ils aient évité le mot « boycott » compte tenu de ses associations locales, l’impact est le même. Le même jour, le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée à New York a présenté une déclaration du Groupe de fer de lance mélanésien au Comité de décolonisation de l’ONU notant l’effet de la pandémie et soutenant le report du référendum.

Les préparatifs de la France pour ce dernier vote n’ont pas été aussi bien équilibrés que pour les deux premiers. Au-delà de la fixation unilatérale de la date, Paris a cherché à façonner le processus pour le rendre plus favorable à la France, faisant fi des sensibilités kanak. La France a convoqué une réunion en mai à laquelle tous les participants n’ont pas assisté, a commandé et publié des sondages d’opinion sélectifs et a préparé un document sur les conséquences d’un vote « oui » ou « non » axé principalement sur les risques de l’indépendance. Avec la résurgence du Covid, la France a interdit les déplacements non essentiels vers et depuis le territoire jusqu’au 31 décembre, après le vote prévu. Il fait venir 2 000 agents de sécurité, beaucoup plus que lors des deux derniers votes. Alors que la France prétend que des mesures spéciales sont nécessaires pour ce vote final inévitablement plus tendu et ses conséquences incertaines, l’effet global est de paraître favoriser les loyalistes.

La balle est désormais dans le camp de la France. Les pays mélanésiens ont exprimé leur point de vue. Les pays du Forum des îles du Pacifique et l’ONU continuent de surveiller le référendum, après avoir observé les votes de 2018 et 2020. Bien que l’Australie ne prenne à juste titre aucune position sur le résultat, elle soutient la pleine mise en œuvre de l’Accord de Nouméa. L’Australie et ses voisins du Pacifique s’attendraient à ce que la France maintienne la neutralité qu’elle a affichée lors des deux premiers référendums en délivrant un vote incontestable et équitable lors de ce référendum final et décisif sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

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