Le niveau de la dette souveraine provoque un nouveau casse-tête politique en France – EURACTIV.fr


Alors que la Banque centrale européenne (BCE) laisse entendre qu’une hausse des taux d’intérêt n’est plus un tabou, la question de la réduction de la dette publique est revenue à l’agenda politique français. Rapports d’EURACTIV France.

Les niveaux de la dette publique française atteignent des niveaux record à 115 % du PIB, soit près de 20 points de plus qu’en 2019. Les projections de croissance économique française, qui devaient maintenir une reprise régulière après deux ans de pandémie, sont désormais révisées à la baisse à 2,6 % en 2022, contre 7 % l’an dernier.

La guerre en Ukraine a anéanti tout espoir de retour à une activité économique normale. Alors que l’inflation s’installe (5,2% en glissement annuel en France en mai 2022) et que la Réserve fédérale américaine (Fed) a déjà relevé ses taux directeurs, la question de la gestion de la dette avant les élections législatives françaises de la semaine prochaine est devenir critique.

Dette « illimitée et gratuite »

La baisse des taux d’intérêt était au cœur de la boîte à outils de la politique monétaire utilisée pour stimuler l’économie après la crise économique de 2008. Depuis 2015, les taux de la BCE sont à zéro, ce qui signifie qu’emprunter pour financer le fonctionnement de l’État, de l’Assurance Maladie ou des collectivités locales ne coûte quasiment rien.

La dette publique française, qui était d’environ 65 % du PIB en 2008, est passée à 98 % en 2019, avant que la pandémie de COVID-19 ne frappe. Selon le gouverneur de la banque centrale française, François Villeroy de Galhau, cela a conduit les gouvernements à croire que la dette était devenue « illimitée et sans coût ».

Alors que la pandémie a frappé, les niveaux d’endettement ont continué d’augmenter dans le but de financer une économie chancelante, tandis que le président français Emmanuel Macron s’est engagé à relancer l’économie « quoi qu’il en coûte ». Dans le même temps, la Commission européenne a accordé aux États membres le droit de contourner les contraintes budgétaires définies dans les traités de l’UE.

L’objectif était clair : emprunter autant d’argent que nécessaire sans frais avant que la croissance ne reprenne une fois le pire de la pandémie passé. À l’époque, les acteurs économiques s’attendaient à ce que la BCE ne veuille pas augmenter les taux d’intérêt, dans le but de stimuler la croissance économique.

Une nouvelle ère d’austérité ?

La guerre en Ukraine a sapé cet objectif, ajoutant aux «pressions inflationnistes» déjà existantes à partir du second semestre 2021, selon Villeroy de Galhau.

Face à la flambée des prix aux États-Unis, la Fed a déjà relevé ses taux, « forçant la main de la BCE » à faire de même avant l’été, a déclaré Andreas Eisl, économiste à l’Institut Jacques Delors, à EURACTIV.

Néanmoins, il a précisé qu’il n’y a pas de situation de crise à court ou moyen terme « tant que les taux n’explosent pas ». Alors que la croissance ralentit, le risque de récession reste faible.

Eric Toussaint, économiste et porte-parole du réseau international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes, a un autre point de vue. Il estime qu’une hausse des taux d’intérêt est particulièrement alarmante.

« D’ici 3 à 5 ans », a-t-il déclaré à EURACTIV, « le coût du refinancement de la dette va exploser. On peut s’attendre à un retour à l’austérité dans les cinq prochaines années.

« Parler d’inflation et de taux d’intérêt est la dernière chose que veut Macron avant les législatives. Il fait tout pour que Christine Lagarde [ECB President] n’augmente pas les taux avant les élections », a-t-il ajouté.

Croissance économique ou annulation de la dette ?

Alors que les sujets économiques étaient jusqu’ici dominés par la guerre en Ukraine et le pouvoir d’achat, la question de la gestion de la dette prend désormais de l’ampleur.

« La meilleure façon de réduire la dette est d’avoir une croissance économique très forte », a déclaré Eisl. Le gouvernement français nouvellement élu semble être d’accord, puisqu’il s’est engagé à 50 milliards d’euros de nouvelles dépenses dans l’éducation, la transition verte et la santé, ainsi qu’à une réduction d’impôt sur les sociétés de 15 milliards d’euros.

Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a présenté la stratégie économique du gouvernement autour de trois piliers : maîtriser les dépenses publiques, soutenir l’investissement et l’innovation pour atteindre le plein emploi et finaliser la réforme des régimes de retraites pour assainir les finances publiques.

« L’objectif est de commencer à réduire les niveaux d’endettement d’ici 2026 », a déclaré Le Maire à la radio publique française mercredi 1er juin.

Le parti de gauche radical français La France Insoumise (LFI), en revanche, est plus préoccupé par la renégociation de la dette existante.

Alors que la nouvelle alliance inattendue de partis de gauche baptisée NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), formée à la veille des législatives, confirme sa volonté d’aller à l’encontre des traités européens quand et où il le faudra, le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon veut à « exiger de l’Union européenne que la BCE rachète la dette souveraine européenne » – essentiellement une annulation de la dette.

Un point de vue similaire a été exprimé par Toussaint, qui considère les annonces du gouvernement comme le début d’une nouvelle ère d’austérité. Il estime que l’annulation de la dette est la seule option viable. « 25 % de la dette publique européenne est détenue par la BCE. S’il l’annule, les gouvernements européens auront alors plus de marge budgétaire pour investir dans le climat et la santé.

Du côté des conservateurs Les Républicains (LR), l’heure est à la « rationalisation » des comptes publics. Valérie Pécresse, candidate malheureuse de LR à l’élection présidentielle, a accusé Macron d’avoir « brûlé le Trésor ».

« Il faut garder à l’esprit que la dette, ce sont les impôts de demain », déclarait-elle en avril dernier à Décideurs Magazine.

[Edited by Zoran Radosavljevic/János Amman]





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