La lutte contre l’antisémitisme ne peut être partisane ou tiède


LLe mois dernier, la Maison Blanche a annoncé qu’elle mettait sur pied un groupe interinstitutions pour lutter contre la montée de l’antisémitisme. L’annonce, qui a été faite par le biais d’une courte déclaration publiée par l’attachée de presse Karine Jean-Pierre, est la bienvenue – et attendue depuis longtemps.

Les attaques antisémites se sont multipliées ces dernières années. Selon l’Anti-Defamation League, les attaques antisémites en Amérique ont augmenté de 34 % en 2021, atteignant leur plus haut niveau depuis que le groupe a commencé à collecter des données en 1979, même si de tels incidents sont sous-déclarés par le FBI. La tendance s’est poursuivie en 2022, y compris un certain nombre d’incidents très médiatisés, tels que le soutien de la star de la NBA Kyrie Irving au déni de l’Holocauste et les remarques insensibles et réductrices à l’antenne de Whoopi Goldberg, sans parler des multiples diatribes antisémites de Kanye West. Le problème mérite l’attention de Washington, et ce depuis un certain temps.

Mais plusieurs choses à propos de cette annonce me font réfléchir, me laissant moins que convaincu qu’elle reflète un engagement sincère de l’administration Biden à résoudre un problème important.

Tout d’abord, le timing est évident. Pourquoi l’équipe de Biden a-t-elle attendu près de deux ans avant même d’exprimer son intention d’y remédier ? Cette annonce et la séance d’écoute dirigée par l’épouse du vice-président, Doug Emhoff, sont intervenues juste après que l’ancien président Donald Trump a accueilli le nationaliste occidental et blanc Nick Fuentes lors d’un dîner. Cela suggère que la nouvelle attention de la Maison Blanche à l’antisémitisme était davantage motivée par l’opportunisme partisan que par un sentiment d’urgence créé par un crescendo de haine anti-juive.

Deuxièmement, à la fois la méthode de l’annonce et ceux que la Maison Blanche a présentés comme les champions de cette cause signalent un engagement moins que total à lutter contre une « épidémie de haine ». En publiant un communiqué de presse plutôt qu’en annonçant une initiative interinstitutions avec ses dirigeants lors d’un événement en direct, la Maison Blanche a réduit l’impact de la décision de Biden. Le retrait de Biden de l’initiative est également révélateur, tout comme l’inclusion évidente de «l’islamophobie et des formes de violence associées» dans la charte de cette nouvelle organisation ad hoc. Cette dilution rappelle le genre de torsion politiquement correcte qui a transformé une résolution passée de la Chambre contre l’antisémitisme en une condamnation édulcorée des «expressions haineuses d’intolérance».

Troisièmement, l’orchestration d’une table ronde dirigée par Emhoff était un autre signal que ce ne sera pas un problème de premier plan. Et tandis que je félicite Emhoff lui-même d’avoir parlé avec courage et force contre les pourvoyeurs de haine, son leadership soutient le précédent consistant à imposer aux Juifs la responsabilité de combattre l’antisémitisme. Comme l’a reconnu Emhoff, c’est en fait « l’obligation de tout le monde de condamner ces actes ignobles », pas seulement ceux qui sont ciblés. En effet, c’est cette idée même qui anime l’effort que je mène à la Philos Action League pour être solidaire avec nos amis et voisins juifs.

Enfin, je m’inquiète de la façon dont la Maison Blanche a décidé d’organiser cette importante entreprise. Le groupe interinstitutions sera «dirigé» par le personnel du Conseil de politique intérieure et du Conseil de sécurité nationale. En règle générale, un leadership dispersé se prête aux embouteillages et aux querelles intestines lorsque l’urgence de la situation exige une action claire et décisive maintenant. Je ne suis pas non plus rassuré par l’appel du président pour que la première tâche du groupe soit l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre l’antisémitisme. Le bilan de l’administration ici n’est pas brillant : 22 mois se sont écoulés avant qu’elle ne publie sa stratégie de sécurité nationale mandatée par le Congrès.

L’équipe Biden a franchi une première étape importante et nécessaire. J’espère sincèrement que le groupe de travail du président sur l’antisémitisme avancera de toute urgence avec tout le poids du gouvernement américain et ne deviendra pas simplement un exercice de signalisation de vertu avec des plans et des déclarations sans action. J’espère aussi qu’il ne se polarisera pas et ne se transformera pas en un mécanisme pour attaquer la droite. Les preuves montrent clairement que l’antisémitisme émane des deux côtés du spectre politique. Pour y faire face, nous devons tous, y compris le président lui-même, nous opposer à l’antisémitisme où qu’il se produise.

CLIQUEZ ICI POUR EN SAVOIR PLUS SUR L’EXAMINATEUR DE WASHINGTON

Luke Moon est directeur adjoint du projet Philos et directeur de la Philos Action League.

Laisser un commentaire