La France perd-elle ses anciennes colonies africaines ?


Il y a quelques années, la discussion sur les mutations géopolitiques en Afrique ne concernait pas exactement la France. Il s’est concentré principalement sur le rôle économique croissant de la Chine et les partenariats politiques sur le continent africain. Par exemple, la décision de Pékin d’établir sa première base militaire à l’étranger à Djibouti en 2017 a marqué l’évolution géopolitique majeure de la Chine.

La Chine reste attachée à sa stratégie africaine. Pékin est le plus grand partenaire commercial de l’Afrique depuis 12 ans, consécutivement, avec un commerce bilatéral total entre la Chine et l’Afrique, en 2021, atteignant 254,3 milliards de dollars, selon des données récentes publiées par l’Administration générale des douanes de Chine.

Les États-Unis, ainsi que leurs alliés occidentaux, sont conscients de l’influence croissante de la Chine en Afrique. La création de l’AFRICOM américain en 2007 a été perçue à juste titre comme une mesure de lutte contre l’influence de la Chine. Depuis lors, et sans doute avant, les discussions sur une nouvelle « ruée vers l’Afrique » ont abondé, avec de nouveaux acteurs, dont la Chine, la Russie et même la Turquie, entrant dans la mêlée.

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Un homme tient un portrait du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba à Ouagadougou, le 25 janvier 2022. L’Afrique de l’Ouest est aux prises avec une vague de coups d’État militaires au cours des 18 derniers mois.
Crédit d’image : AP

La guerre russo-ukrainienne a cependant modifié la dynamique géopolitique en Afrique, car elle a mis en évidence la rivalité russo-française sur le continent, par opposition à la concurrence sino-américaine là-bas.

Bien que la Russie soit présente dans la politique africaine depuis des années, la guerre – d’où le besoin d’alliés stables aux Nations Unies et ailleurs – a accéléré les efforts de Moscou. En juillet, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est rendu en Égypte, en Éthiopie, en Ouganda et en République du Congo, renforçant les relations diplomatiques de la Russie avec les dirigeants africains.

Les efforts de Moscou ont porté leurs fruits. De nombreux pays africains sont restés neutres ou ont voté contre les mesures visant la Russie à l’ONU.

La position de l’Afrique du Sud, en particulier, était problématique du point de vue de Washington, non seulement en raison de la taille de l’économie du pays, mais aussi en raison de l’influence politique et de l’autorité morale de Pretoria dans toute l’Afrique. De plus, l’Afrique du Sud est le seul membre africain du G20.

Lors de sa visite aux États-Unis en septembre, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a défendu la neutralité de son pays et soulevé des objections à un projet de loi américain – la loi sur la lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique – qui vise à surveiller et à punir les gouvernements africains qui ne se conforment pas aux la ligne américaine dans le conflit russo-ukrainien.

Cependant, l’Occident ne comprend pas que le déplacement lent mais déterminé de l’Afrique vers Moscou n’est pas accidentel.

Lutte contre le colonialisme occidental et le néocolonialisme

L’histoire de la lutte passée et actuelle du continent contre le colonialisme et le néocolonialisme occidentaux est bien connue. Alors que l’Occident continue de définir sa relation avec l’Afrique sur la base de l’exploitation, la Russie rappelle constamment aux pays africains l’héritage soviétique sur le continent.

Boably France a des bases militaires dans de nombreuses régions d’Afrique et reste un participant actif dans divers conflits militaires. Tout aussi importante est la mainmise de Paris sur les économies de 14 pays africains, qui sont contraints d’utiliser la monnaie française, le franc CFA et, selon Frédéric Ange Touré, écrivant dans Le Journal de l’Afrique, de « centraliser 50 % de leurs réserves en le Trésor public français ».

Bien que de nombreux pays africains restent neutres dans le cas de la guerre russo-ukrainienne, un changement géopolitique massif est en cours, en particulier dans les économies militairement fragiles qui sont désireuses de chercher des alternatives à la France et aux autres puissances occidentales. Pour un pays comme le Mali, changer d’allégeance n’était pas exactement un grand pari.

La même logique s’applique à d’autres pays africains qui luttent contre l’extrême pauvreté, l’instabilité politique et la menace du militantisme, qui sont tous intrinsèquement liés.

Bien que la Chine reste un nouveau venu puissant en Afrique – une réalité qui continue de frustrer les décideurs américains – la bataille la plus urgente, pour l’instant, est entre la Russie et la France.

Dans un discours prononcé en juillet dernier, le président français Emmanuel Macron a déclaré vouloir « repenser toutes nos postures (militaires) sur le continent africain ».

La réorientation de la politique militaire et étrangère de la France en Afrique n’a cependant pas été dictée par une stratégie, mais par des réalités changeantes.

Ramzy Baroud est journaliste, auteur et éditeur. Il est l’auteur de six livres.

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