La France enquête sur le président d’Interpol pour torture et barbarie présumées


Publié le: Modifié:

Paris (AFP)- Le parquet antiterroriste français a ouvert une enquête préliminaire sur des actes de torture et de barbarie qui auraient été commis par le général émirati Ahmed Nasser Al-Raisi, devenu en novembre président d’Interpol, ont indiqué jeudi des sources judiciaires.

L’enquête fait suite à une plainte déposée par une ONG qui accuse Raisi d’être responsable de la torture d’une personnalité de l’opposition dans son rôle de haut fonctionnaire au ministère de l’Intérieur des Émirats arabes unis.

Le Centre des droits de l’homme du Golfe (GCHR), tenant Raisi responsable du traitement inhumain d’Ahmed Mansoor, un opposant au gouvernement émirati, a déposé sa plainte en janvier auprès de l’unité des procureurs antiterroristes dont le mandat comprend la gestion des crimes contre l’humanité.

Des allégations de torture avaient déjà été portées contre Raisi par des organisations de défense des droits de l’homme lorsqu’il s’est présenté à la présidence d’Interpol, affirmant qu’ils craignaient que l’agence ne soit exploitée par des régimes répressifs.

Il a néanmoins été élu président en novembre suite à un généreux financement des Émirats arabes unis pour l’organisme basé à Lyon, en France.

Il y avait également des accusations selon lesquelles Abu Dhabi avait abusé du système d’Interpol des soi-disant « notices rouges » pour les suspects recherchés afin de persécuter les dissidents politiques.

L’enquête contre Raisi est menée par le parquet pour crimes contre l’humanité, génocide et crimes de guerre, ont indiqué les sources.

‘Incompréhensible’

William Bourdon, un avocat de renom agissant pour le GCHR, a déclaré qu’il était « totalement incompréhensible » que les procureurs n’aient pas immédiatement ordonné l’arrestation de Raisi, ce qu’il aurait dû faire, selon lui, étant donné qu’il se trouve en France.

Les accusations étaient un motif suffisant pour lever l’immunité diplomatique de Raisa dont il bénéficie grâce à un accord entre l’Etat français et Interpol, a déclaré Bourdon.

Raisi fait l'objet d'une enquête par les procureurs français
Raisi fait l’objet d’une enquête par les procureurs français Ozan KOSE AFP/Dossier

Les sources judiciaires n’ont pas donné la date exacte du début de l’enquête mais Bourdon a déclaré que son client, le patron du GCHR Khalid Ibrahim, avait été interrogé par la police française le 18 mars.

Deux plaintes précédentes contre Raisi avaient été rejetées pour des raisons de compétence par les procureurs français qui ont déclaré qu’ils ne pouvaient poursuivre que si l’accusé résidait en France de manière permanente ou temporaire.

Mais dans son dernier dossier, l’ONG a pu montrer que Raisi était à Lyon en janvier puis à nouveau en mars, utilisant son activité sur Twitter comme preuve.

Raisi a été élu à l’issue de trois tours de scrutin au cours desquels il a obtenu 68,9 % des suffrages exprimés par les pays membres d’Interpol.

Son rôle de quatre ans à Interpol est en grande partie cérémoniel, le secrétaire général Juergen Stock s’occupant de la gestion quotidienne de l’organisation.

54 millions de dollars pour Interpol

Raisi a rejoint la police émiratie en 1980 et y a travaillé pendant plusieurs décennies.

Sa candidature au poste d’Interpol a suscité une série de protestations, notamment de la part de députés du Parlement européen.

Plusieurs ONG, dont Human Rights Watch, ont déclaré que Raisi faisait « partie d’un appareil de sécurité qui continue de cibler systématiquement les critiques pacifiques ».

Dans une précédente plainte contre Raisi, le Britannique Matthew Hedges a déclaré avoir été détenu et torturé entre mai et novembre 2018 aux Émirats arabes unis après avoir été arrêté sous de fausses accusations d’espionnage lors d’un voyage d’étude.

Mansoor, quant à lui, est détenu depuis 2017 dans une cellule de quatre mètres carrés (43 pieds carrés) « sans matelas ni protection contre le froid » et « sans accès à un médecin, à l’hygiène, à l’eau et aux installations sanitaires », alors qu’il purgeait une peine de 10 ans pour avoir prétendument menacé la sûreté de l’État, selon ses avocats.

Le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis a rejeté les plaintes concernant les conditions de détention de Mansoor comme « sans fondement ».

Les Émirats arabes unis ont fait don de 54 millions de dollars à Interpol en 2017, soit presque l’équivalent des contributions requises de l’ensemble des 195 pays membres de l’organisation, qui s’élevaient à 68 millions de dollars en 2020.

Laisser un commentaire