Kwezi TV va avoir 10 ans: 10 ans de pluralité à la télévision mahoraise


De 100% Mayotte à la radio

Jean François Moennan était le patron de RFO au moment où Patrick Millan a mis les pieds à Mayotte. Après un contact téléphonique, le futur patron de Kwezi est venu rencontrer et proposer une émission qui allait devenir 100% Mayotte. «J’ai été très agréablement surpris, il m’a exposé des pistes de travail réalistes, c’était sérieux, je me suis dit ce monsieur est intéressant, il est enthousiaste, il sait sentir le terrain et s’adapter et ça ce n’est pas donné à tout le monde » explique l’ancien homme fort de la télévision locale. Patrick Millan lui propose alors deux pilotes: «J’ai demandé à ma responsable administrative mahoraise de venir regarder les pilotes et tous les deux sur un été soufflé, se rappelle M. Moennan, il avait présenté un premier pilote autour d’une question pourquoi les vendeuses du marché de Mamoudzou passent leur temps allongées? il avait fait un reportage sur une vendeuse de cigarettes à l’unité, sur ressentait toute la difficile vie de cette femme dans le sujet. Le second pilote c’était une interview de Younoussa Bamana, il était à la fin de sa vie, cette émission était pleine d’humanité, on voyait le véritable Bamana. Au-delà de l’interview qui était réussie, je me suis dit cette personne qui vient de débarquer à Mayotte qui n’avait aucune référence à présenter et qui a réussi à obtenir cet échange avec Bamana est singulière, de plus Patrick MIllan a un don d’empathie très fort. » développer Jean François Moennan.

100% Mayotte venait de naître. Ca a été très vite un succès, le public a adhéré très fort et tout de suite. «On avait alors sur notre antenne une émission à succès faite par un mzungu sur Mayotte qu’un mahorais lui-même aurait pas mieux réalisé.» «Ensuite il m’a proposé de faire une émission de radio: une émission d’humour, elle a tout de suite eu un succès énorme également parce qu’elle dénotait, il y avait des invités, des personnes connues qui se lâchaient à l «antenne. On abordait des sujets sérieux sur un ton décalé. » poursuit Jean François Moennan. Cette émission radio a particulièrement bien marché chez les blancs de Mayotte, car ils n’écoutaient pas RFO, cette émission a joué dans la modernisation de l’image de RFO. »

Mais le succès dérange, car il oblige tout le monde à se remettre en question. « Mon successeur a décidé d’arrêter la collaboration avec Patrick, le succès augmenter des tensions et des jalousies, il a préféré la paix sociale » commente l’ancien patron de RFO. Patrick Millan a alors retrouvé son indépendance, il a représailles une radio locale, Kwezi FM et a relancé l’antenne.

© Kwezi TV

Un nouveau venu dans le PAF mahorais

Kwezi FM puis Kwezi TV ont véritablement créé le paysage audiovisuel local car avant Kwezi il n’y avait pas de concurrence pour les antennes de RFO. Pour Jean-François Moennan, cette nouvelle concurrence a été bénéfique car le progrès naît de la concurrence et de la remise en question qu’elle induit, il explique que l’arrivée de Kwezi a obligé la chaîne à se renouveler. Kwezi a très vite choisi de se démarquer, Patrick Millan a ouvert très grand son antenne. «RFO ouvrait elle aussi son micro mais lorsque Patrick s’est lancé il y avait deux fois plus de gens à s’exprimer. Il faut alimenter l’antenne tous les jours, cela fait beaucoup d’invités et des gens qui sans Patrick n’auraient jamais été invités parce qu’ils ne devraient pas faire partie d’une certaine élite. Lorsque vous êtes en situation de monopole, vous ouvrez votre antenne à des portes paroles de référence, vous n’élargissez pas ce cercle car il suffit pour alimenter votre antenne. » explique Jean François Moennan.

Aussi, l’arrivée de Kwezi a bousculé l’équilibre institutionnel du territoire. RFO était une chaîne publique en situation de monopole, le préfet pouvait convoquer le patron de RFO dans son bureau. «Terminée cette méthode avec l’arrivée de Kwezi! » commente Jean François Moennan, le Préfet est désormais un autre média qui a sa propre ligne éditoriale, ce qui a imposé aux autorités une autre manière de communiquer. Comme elles s’exprimer sur deux médias, le champ des interviews s’est élargi. C’était le début de beaucoup plus de libertés pour les communicants et d’un accès démultiplié à beaucoup plus d’informations pour la population.

Le projet de Patrick Millan de créer une chaîne de télévision ne pouvait se concrétiser sans un partenaire pour mettre le contenu en ligne, un partenariat long de 10 ans s’est, alors, noué avec Parabole Océan Indien «Je me souviens du moment où on s’est lancé dans l’aventure avec Patrick, son enthousiasme et sa présentation hyper convaincante de son projet. Cela a toujours été dans l’ADN de Parabole de soutenir les projets locaux, je me souviens lui avoir dit ton projet est super, je ne sais pas encore comment on va le faire mais on va le faire » raconte Samuel le Mercier le DG de Parabole Océan Indien.

© Kwezi TV

Toute la difficulté à l’époque est de trouver des solutions techniques pour désenclaver Mayotte et mettre des émissions dans la télévision des spectateurs car il y a 10 ans l’internet était à ces prémices à Mayotte. Il fallait permettre au signal de quitter Mayotte pour aller vers Paris avant de revenir à Mayotte. «Patrick mettait les émissions sur les disques durs et les émissions arrivaient comme à Paris, sur les montait et sur les diffusait. Ensuite, avec les évolutions, Kwezi a transporté son signal vers Paris. » se remémore le DG de
Parabole.

Samuel le Mercier raconte aussi les moments douloureux pour Kwezi, le cambriolage en 2016. «Patrick était très très touché, mais on était présent cette fois aussi car le projet le méritait et ce n’était pas imaginable que cette chaine s’éteigne, on a redonné un coup de mains. On sait aujourd’hui qu’on ne s’est pas trompé. Patrick ne doit cette renaissance qu’à lui et à ses équipes, c’est un grand pro et un grand passionné, il fait partager sa passion et c’est un personnage incontournable du paf mahorais. »
La position de challenge n’est pas la plus facile, Kwezi n’a pas les moyens de Mayotte, mais les médias du groupe ont su s’imposer avec audace. Kwezi a bien pimenté la vie des mahorais depuis 10 ans. Patrick Millan ne compte pas en rester là. L’aventure continue.

Anne Constance Onghéna pour France Mayotte Matin

Laisser un commentaire