Comment un premier magazine canadien-français a contribué à façonner la culture littéraire


Dans son nouveau livre, La révolution du magazine au Québec, l’Université de Toronto Adrien Rannaud montre comment l’un des premiers magazines du Québec reflète et fait progresser la littérature et la culture de 1919 à 1960 – et comment son impact est encore évident aujourd’hui.

Adrien Rannaud (photo d’Atwood Photographie)

« Cette publication, intitulée La Revue moderne, était un point de départ idéal pour examiner les façons dont les magazines peuvent façonner la littérature », explique Rannaud, professeur adjoint d’études françaises au département d’études linguistiques de l’Université de Toronto.

Ses recherches portent sur la littérature québécoise des XIXe et XXe siècles, les écrits féminins, la culture des célébrités et la culture littéraire intermédiaire. Dans tous ces domaines, dit-il, l’étude des magazines peut être éclairante.

Le titre du livre fait référence à la façon dont l’avènement des magazines au 20e siècle a révolutionné la presse écrite.

« Contrairement aux journaux, les magazines ont été libérés de la pression des reportages sur l’actualité quotidienne », dit-il. « Ils ont utilisé des images et des designs pour présenter l’information de nouvelles façons. Et ils invitaient les lecteurs à prendre du temps pour eux-mêmes pour s’évader de la réalité, notamment avec la fiction et la poésie.

Dans le livre, écrit en français, Rannaud note que des magazines anglais tels que Châtelaine, Mayfair et Journal canadien de la maison – qui coexistait avec La Revue moderne – avait des rôles tout aussi importants dans le monde littéraire.

« Les magazines canadiens-français n’ont tout simplement pas reçu autant d’attention universitaire ou d’études systématiques que les magazines anglophones ou que les magazines en France », dit-il.

La Revue moderneLa fondatrice de , qui écrivait sous le pseudonyme de « Madeleine » et de son vrai nom Anne-Marie Huguenin, était une célébrité de la haute société montréalaise. Elle a écrit pour l’un des principaux journaux de la ville et est devenue la « reine de la chronique ». À la fin de la Première Guerre mondiale, dit Rannaud, elle voulait un véhicule plus grand pour mettre en valeur non seulement sa propre écriture, mais celle de ses collègues jeunes écrivains francophones prometteurs.

Dans le premier éditorial du magazine, elle a exposé son intention de livrer une publication littéraire, politique et artistique (les trois mots sous le titre) qui « attesterait brillamment de la valeur de nos poètes. [and] écrivains. » Bien que le magazine ait été bien accueilli dans certains cercles, ses ambitions élevées – et son leadership féminin – ne plaisaient pas à l’élite sociale et au clergé masculins, explique Rannaud. « Elle s’est exprimée ouvertement sur son objectif d’unir la culture francophone et anglophone, et il y avait beaucoup d’articles qui étaient assez politiques. Il était difficile pour une femme dans les années 1920 de diriger un magazine intellectuel. Elle était sujette à beaucoup d’anti-féminisme.

Les pressions extérieures, conjuguées aux nécessités commerciales, poussent Madeleine à se déplacer La Revue moderneL’accent est mis sur des sujets considérés comme attrayants pour les femmes. « Vers 1922, il y avait plus de rubriques de conseils, de recettes, de couverture d’événements de société, de fiction et de poésie », explique Rannaud.

C’est dans cette dernière catégorie, soutient-il, que La Revue moderne eu l’effet le plus profond sur l’histoire culturelle du Québec.

Annonce des co-lauréats du prix La Revue moderne. Gabrielle Roy a été récompensée pour l’une de ses premières nouvelles publiées, parue dans le magazine (issue du numéro de juillet 1940)

Le magazine a lancé la carrière de nombreux auteurs, poètes et écrivains, dont l’un des auteurs canadiens-français les plus célèbres : Gabrielle Roy, l’auteur de La flûte d’étain et autres livres. L’une de ses premières publications est dans La Revue moderne. « Le Québec n’est pas connu pour avant-gardiste, ou de la littérature savante, mais elle a une culture et une littérature populaires florissantes », explique Rannaud. « La Revue moderne contribué à cultiver cette littérature en la présentant à un large public et en inspirant d’autres jeunes écrivains.

Au-delà de son influence déterminante sur la littérature, le magazine a suivi le rythme des tendances changeantes dans la culture au sens large. Dans les années 1940, les droits des femmes et les informations sur les célébrités ont commencé à occuper une place prépondérante dans le magazine. Le contenu est également devenu fortement interconnecté avec la culture de la radio et de la télévision, avec des articles sur les meilleurs et les derniers programmes à écouter et à regarder.

« Les profils sur les célébrités et l’attention portée aux autres médias étaient, à certains égards, très actuels », explique Rannaud. « Ce sont des choses que l’on voit partout dans les magazines en 2021. Alors alors que La Revue moderne était très démodé dans sa représentation des femmes, de la vie domestique et des relations, il a également contribué à ouvrir la voie à des publications contemporaines.

En 1960, Maclean-Hunter a acheté La Revue moderne et c’est devenu français Châtelaine magazine. La nouvelle publication s’appuie sur les fondements culturels et littéraires de l’original, dit Rannaud, soulignant la tradition continue dans plusieurs magazines canadiens d’auteurs publiant des nouvelles et des extraits de livres.

« Sans la révolution La Revue moderne participé, nous n’aurions pas la relation forte entre la littérature et les magazines que nous avons aujourd’hui.

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