Aung San Suu Kyi accusée d’avoir violé une loi datant de l’époque coloniale


Aung San Suu Kyi, le 11 décembre 2019. L'ex-dirigeante birmane est emprisonnée depuis le coup d'État du 1er février 2021.

La junte birmane a trouvé un nouveau chef d’accusation à porter contre Aung San Suu Kyi. L’ex-dirigeante est désormais accusée d’avoir enfreint une loi sur les secrets d’État datant de l’époque coloniale. Une nouvelle procédure a été entamée contre elle le 25 mars, a annoncé son avocat jeudi 1euh avril.

Le Prix Nobel de la paix, détenue depuis le coup d’État militaire du 1euh février, comparaissait, jeudi 1euh avril, devant la justice. L’audience s’est tenue en visioconférence devant un tribunal de la capitale, Naypyidaw. Elle portait sur des questions administratives, comme la désignation officielle des huit avocats de son équipe de défense.

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Aung San Suu Kyi, 75 ans, paraissait en «Bonne condition physique», a dit l’un d’entre eux. Elle était «Brillante et charmante comme toujours», a commenté l’avocat Khin Maung Zaw. Son équipe de défense contrôle vue la veille par vidéo et sous surveillance policière pour la première fois depuis le putsch. «Elle a demandé une rencontre entre elle et ses avocats – une réunion privée pour donner ses instructions à sa défense et discuter de l’affaire sans ingérences extérieures de la police ou des forces armées», at-il ajouté.

Des manifestants portant le portrait d'Aung San Suu Kyi, le 1er avril 2021, à Rangoun en Birmanie.

La prochaine audience est fixée au 12 avril. La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 est poursuivie pour cinq chefs d’accusation, dont «Incitation aux troubles publics». Elle est accusée d’avoir perçu plus de 1 million de dollars (850000 euros) et 11 kg d’or de pots-de-vin, mais elle n’a pas encore été inculpée de  » la corruption « . Elle encourage de longues années de prison, risquant d’être bannie de la vie politique.

Une déclaration édulcorée du Conseil de sécurité de l’ONU

Cette audience avait lieu alors que le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) se réunissait sur la crise birmane. Le conseil a demandé la libération d’Aung San Suu Kyi. Il a par ailleurs «Condamné fermement les morts de centaines de civils, incluant des femmes et des enfants» en Birmanie, dans une déclaration unanime jeudi 1euh avril, élargissement édulcorée par la Chine lors d’une négociation difficile qui a duré deux jours.

Profondément préoccupé «Par la détérioration rapide de la situation», les membres du conseil, qui avait tenu mercredi une réunion à huis clos de plus de deux heures après les violences meurtrières du week-end, dénoncent aussi «Fermement le recours à la violence contre des manifestants pacifiques», évoque leur déclaration à l’initiative du Royaume-Uni.

Dans les versions précédentes du texte, obtenues par l’Agence France-Presse (AFP), les Occidentaux avaient mis une mention affirmant que le Conseil de sécurité était «Prêt à envisager de nouvelles étapes», soit une vague allusion à la possibilité de sanctions internationales contre les militaires qui ont pris le pouvoir.

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Mais, selon des diplomates, la Chine, opposée à tout prix de sanctions, a bloqué cette version du texte. Pékin a aussi imposé en fin de négociations de remplacement dans le texte «Le meurtre de cent de civils», classé, par «Les morts de centaines de civils».

Mercredi, l’émissaire de l’ONU pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, avait pourtant demandé au Conseil de sécurité une action forte, en avertissant d’un risque «Sans précédent» de «Guerre civile» et d’un «Bain de sang imminent».

Dans sa dernière déclaration, le Conseil de sécurité réitère son «Appel aux militaires pour qu’ils fassent preuve de la plus grande retenue». Il faut qu’ils «Respectent pleinement les droits humains et recherchent le dialogue et la réconciliation conformément à la volonté et aux intérêts du peuple de Birmanie», ajoute le texte.

Internet suspendu par les autorités

Au même moment, la junte birmane ordonnait jeudi aux fournisseurs d’accès à Internet de suspendre les connexions sans fil «Jusqu’à nouvel ordre», d’après un opérateur de télécommunications. Les autorités avaient déjà interrompu les transferts de données mobiles et cette nouvelle coupure de risque de paralyser les communications en ligne dans un pays où très peu de gens ont un téléphone fixe.

Dans la foulée, plusieurs dizaines de pays membres de l’ONU ont dénoncé, dans une déclaration rédigée par la Lituanie, la France et la Grèce, «Les attaques» contre les médias. «Nous condamnons fermement (…) Utilisation des coupures d’Internet pour restreindre l’accès à l’information et le ciblage spécifique apparent de journalistes locaux et internationaux », rapporte la déclaration des trois pays européens, coprésidents à l’ONU du Groupe des amis de la protection des journalistes.

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Cette suspension des connexions identifie le mouvement de contestation de se mobiliser sur les réseaux sociaux et de diffuser des images de la répression menée par la junte. Les opposants au coup d’État ont partagé des fréquences radio, des ressources Internet accessibles hors ligne et mis en place des systèmes d’alertes par SMS pour tenter de contourner les nouvelles restrictions.

Tard jeudi, les manifestants ont diffusé un appel à une «Grève des fleurs» aux arrêts de bus d’où les manifestants tués par les forces de sécurité étaient partis pour ce qui serait leur dernier voyage. «Nous laisserons des fleurs aux arrêts de bus demain. C’est ce que je veux vous dire avant qu’Internet soit coupé », a posté Khin Sadar, un leader de la protestation, sur Facebook. Khin Sadar a lancé un appel aux contestataires: «Ecoutons à nouveau la radio. Téléphonons-nous les uns aux autres. »

Plus de 535 personnes, dont de nombreux étudiants, d’adolescents et de jeunes enfants, ont été tuées par les forces de sécurité depuis le coup d’État du 1euh février, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques. Des centaines d’autres, détenues au secret, sont portées disparues.

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Le Monde avec AFP

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