À Cuba, le crépuscule du castrisme


Raul Castro abandonne toutes ses fonctions officielles lors du VIIIᵉ congrès du Parti communiste cubain (PCC). Cette étape historique pour Cuba se déroule dans un contexte de pénuries alimentaires extrêmes, de tensions politiques et d’un avenir bien sombre.

C’est historique. Le VIIIᵉ congrès du PCC consacrera ce week-end le départ à la retraite de Raul Castro, à quelques semaines de ses 90 ans. Après 68 ans au service du castrisme, l’actuel premier secrétaire du Parti devrait, sauf surprise, céder son poste au président de la République, Miguel Diaz-Canel. Plus que les sempiternels serments sur le caractère irréversible de la Révolution et sur la nécessité de perfectionner le modèle économique socialiste, ce congrès marquera la fin de l’ère Castro. Pour la première fois depuis 1959, ni Fidel Castro, décédé en 2016, ni son frère ne présideront aux destinées de Cuba.

Les enfants de Raul, le colonel Alejandro Castro et sa sœur la députée Mariela Castro, un temps pressentis pour succéder à leurs illustres prédécesseurs, ne perpétueront pas la lignée. Les dizaines de petits-enfants de Raul et Fidel non plus. Ils ont choisi une autre voie. « Je les ai vus sur Instagram faire la fête avec des voitures de luxe et sur des yachts », s’indigne Yamile, une Havanaise qui élève seule ses deux enfants dans une masure du quartier Diez de Octubre. Les frasques des petits-enfants Castro, publiés sur les réseaux sociaux, sont de plus en plus connus des Cubains.

Miguel Diaz-Canel (gauche) et Raul Castro (droite) en 2018 lors de la passation de pouvoir à la présidence.
© AFP

Ce congrès devrait marquer le départ des leaders historiques de la Révolution. Si Miguel Diaz-Canel dirigera Cuba avec un directoire de ministres quinquagénaires pour la plupart déjà en place, il n’a jamais convaincu la population. « Je viens travailler. Je ne viens pas promettre », avait dit ce dernier lors de sa nomination à la présidence en 2018. Chargé de conduire une transition historique, il devra se forger une légitimité avec une équipe non issue des rangs de la Révolution.

Mini-émeutes et avenir sombre

La situation économique, elle, est catastrophique. La Havane n’est plus qu’une immense file d’attente. De la Vieille Havane au quartier populaire du Cerro, plus un seul arrondissement de la capitale n’échappe aux interminables « colas » (files d’attente) de supérettes dégarnies. Les étals sont vides. Il faut attendre des heures pour espérer acheter quelques centaines de grammes de riz ou de riz, la seule viande parfois disponible dans l’île. Les scènes de bousculades se répètent au quotidien.



« Le gouvernement a fait l’ouverture d’Internet. Il ne peut plus rien contrôler. »


Graziella

Une jeune Havanaise

Forte de cette situation chaotique, l’opposition cubaine tente de déstabiliser le régime. « Hier, le Mouvement San Isidro (MSI, un groupe d’opposition) a manifesté dans la Vieille Havane. Ils ont insulté Diaz-Canel. La police n’a pas osé intervenir. Tout cela, je l’ai vu sur El Faeboo. (le Facebook) « , raconte Graziella, une Havanaise dans la jeune trentaine. À l’instar de nombreux Cubains, plutôt jeunes, Graziella passe de Facebook à YouTube sur son smartphone pour suivre l’activité de l’opposition politique. La mise en ligne sur YouTube à la mi-février de la chanson « Patria y Vida » (Patrie et vie) des rappeurs cubains, un contrepied du slogan révolutionnaire « Patria y Muerte » (Patrie et mort) a tout changé. La chanson est devenue virale, 4,4 millions de vues sur YouTube, non sans controverses.

Les autorités sont dépassées par la puissance de ces réseaux sociaux, même si toutes les télécommunications sont sur écoute. L’usage d’internet était limité à quelques grands hôtels sous Fidel Castro, très réticent à l’ouverture de Cuba au monde. « Le gouvernement a fait l’ouverture d’Internet. Ils ne peuvent plus rien contrôler », précise Graziella. Le régime s’est rendu compte trop tard de son erreur.

L’ombre des États-Unis

Aux manifestations dans l’île, les autorités répondent par des arrestations. Jamais les patrouilles policières n’ont été aussi nombreuses dans la capitale. Les bérets rouges des forces spéciales les assistent. Une centaine de militants du MSI s’est réunie à Pâques à La Havane, hurlant des slogans hostiles au régime. Ces manifestations interviennent à l’approche du VIIIᵉ congrès du PCC, mais aussi du 60e anniversaire de la Baie des cochons. Les autorités y voient la main des États-Unis.



Les espoirs d’un rapprochement avec Washington s’estompent.


L’avenir est plus sombre que les espoirs d’un rapprochement avec Washington s’estompent. Joe Biden avait promis durant sa campagne électorale d’effacer les mesures de Donald Trump contre Cuba et de se réconcilier avec le régime communiste, comme vu fait Barack Obama en 2014. Sous la pression de l’électorat cubano-américain, Joe Biden a fait volte-face et annoncé au début avril que Cuba n’était plus une priorité. Une catastrophe pour La Havane, qui misait sur une relance économique financée par un rapprochement avec les États-Unis, comme ce fut le cas entre 2014 et 2016.

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