Sans le dire, Macron lance sa candidature à la réélection | Nouvelles du monde


Par JOHN LEICESTER, Associated Press

LE PECQ, France (AP) — « Je me présente à nouveau comme candidat à la présidence française. »

Ces mots, ou certaines variantes dans ce sens, ont été l’omission la plus flagrante dans une allocution aux heures de grande écoute à la nation mardi soir par le président français Emmanuel Macron.

Le discours de 27 minutes, prononcé sur fond de drapeau tricolore rouge-blanc et bleu et d’un sceau en relief de la République française, a balayé la lutte de la France contre la pandémie de coronavirus, a avancé vers sa reprise économique et a parlé de façon encourageante de Les atouts français mais aussi mis en garde contre les défis et les vulnérabilités.

C’était une déclaration télévisée qui ressemblait beaucoup à un lancement de campagne de réélection – sans le dire vraiment.

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C’est certainement ainsi qu’ont été perçus les opposants politiques qui ont déjà déclaré leur ambition de renverser Macron et de le limiter à un président à un mandat lors du vote du pays en avril.

« De toute évidence, Emmanuel Macron est candidat », a tweeté le leader d’extrême gauche Jean-Luc Melenchon, qui espère améliorer sa quatrième place aux élections de 2017 qui ont placé Macron au pouvoir en tant que plus jeune président français de l’histoire.

La candidate d’extrême droite Marine Le Pen, largement battue par Macron lors du second tour de la présidentielle de 2017, a qualifié l’adresse de « discours de campagne ».

Pour l’instant, ne pas se déclarer officiellement réélu est stratégiquement avantageux pour Macron, 43 ans.

Depuis les bureaux dorés du palais présidentiel de l’Élysée, Macron peut sembler être au-dessus de la politique électorale et de ce qui s’annonce déjà comme une campagne agitée et meurtrière. Il est plus délicat pour les candidats adverses d’attaquer un président en exercice qui n’a pas encore retroussé ses manches et s’est officiellement engagé dans la mêlée. Parce que le président incarne l’autorité française, attaquer le bureau fait courir le risque aux adversaires de Macron de paraître grossiers et antipatriotiques.

L’ambiguïté permet aussi à Macron d’utiliser les privilèges de la présidence pour faire campagne sans le dire. Il rencontre et salue les électeurs de toute la France et commande du temps d’antenne tout en voyageant ici et en s’envolant là-bas pour ce qui est apparemment une affaire présidentielle. L’accès aux cordons de la bourse de la France lui permet également d’orienter l’argent des contribuables vers des besoins et des causes qui, espère sa future équipe de campagne, feront également de lui un candidat plus attractif.

Dans les coulisses, un effort de réélection de Macron est déjà bien engagé. Et la recette qui a si bien fonctionné pour lui en 2017 reste effectivement inchangée : il s’efforce à nouveau de dominer le terrain d’entente de la politique française et d’attirer les électeurs de droite et de gauche.

Une priorité pour son équipe de campagne sera d’aspirer le soutien des candidats conservateurs et d’extrême droite qui votent plus fortement que les candidats de gauche. Ne pas déclarer ne semble pas faire de mal à Macron : les sondages sur les intentions des électeurs suggèrent depuis des mois qu’il est le favori, avec un coussin important mais en aucun cas imprenable.

« Quand on commence à lancer une campagne, forcément ça empiète sur le travail », a déclaré mercredi le porte-parole de Macron, Gabriel Attal. « Nous devons être à 100 % au travail.

Macron n’est pas le seul à faire délibérément deviner les gens. Le plus gros impact sur la course jusqu’à présent a été fait par un autre concurrent non déclaré mais attendu : Eric Zemmour. Candidat à part entière, le spécialiste de la télévision qui suscite la pagaille arrive de l’extrême droite et, malgré des condamnations répétées pour discours de haine, vote au coude à coude avec Le Pen derrière Macron. Une candidature officielle de Zemmour n’est peut-être que dans quelques jours.

Mais il y a un danger que la campagne et ses enjeux échappent à Macron, et que d’autres candidats donnent le ton, s’il joue trop longtemps le jeu de l’attente. Déjà, l’accent mis par Zemmour et Le Pen sur l’immigration et les menaces qu’elle fait peser sur l’identité et la prospérité françaises détournent l’attention des thèmes de la croissance économique, de la création d’emplois et de la réduction de la pauvreté que Macron compte parmi ses atouts.

Les opposants se plaignent également déjà que Macron brouille les frontières entre président et candidat, lui donnant un avantage injuste. Les règles électorales qui exigent une part équitable du temps d’antenne pour les candidats entreront en vigueur à partir de janvier et s’appliqueront également à Macron.

Des campagnes de vote et des supporters devront également être mobilisés, des rassemblements organisés et des fonds collectés et enregistrés. Presque au même stade de la dernière élection présidentielle, le président de l’époque, François Hollande, s’apprêtait à faire connaître ses intentions. C’est le 1er décembre 2016 qu’il a annoncé dans un discours aux heures de grande écoute qu’il ne briguerait pas un second mandat de 5 ans.

Rien dans le discours de Macron ne suggérait un itinéraire similaire. Macron a clairement indiqué qu’il estimait que des travaux restaient à faire après un premier mandat dévié par la pandémie et par des mois de manifestations de colère contre son gouvernement avant que la pandémie ne frappe.

L’indice le plus clair de ses intentions est venu lorsque Macron a parlé de la refonte du système de retraite français. Il avait auparavant promis de faire avancer la difficile réforme en tant que président. Mais il a déclaré mardi qu’il fallait désormais attendre des « décisions claires » en 2022.

Sans le dire, il aurait difficilement pu être plus clair.

Sylvie Corbet à Paris a contribué.

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