Revers pour la nouvelle loi linguistique du Québec alors qu’un juge suspend 2 articles du projet de loi 96


Un groupe contestant la nouvelle loi linguistique du Québec a enregistré une première victoire juridique contre la législation vendredi, alors qu’un juge a temporairement suspendu une disposition exigeant que les documents judiciaires anglais soient traduits en français.

La juge de la Cour supérieure du Québec, Chantal Corriveau, a statué que les articles du projet de loi 96 qui obligent les sociétés à payer un traducteur agréé pour produire des versions françaises de documents juridiques pourraient empêcher certaines organisations anglophones d’accéder à la justice par les tribunaux.

Dans un jugement écrit publié vendredi, Corriveau a déclaré que la règle pourrait entraîner des retards et des coûts qui pourraient particulièrement nuire aux petites et moyennes entreprises.

« En l’espèce, de l’avis du tribunal, la preuve démontre un risque sérieux que, dans ces cas, certaines personnes morales ne puissent pas faire valoir leurs droits devant les tribunaux en temps opportun, ou soient contraintes de le faire dans un délai langue autre que la langue officielle qu’eux-mêmes et leurs avocats maîtrisent le mieux et qu’ils identifient comme la leur », a-t-elle écrit.

Le juge a ordonné que les deux articles soient suspendus jusqu’à ce que l’affaire puisse être entendue sur le fond, probablement en novembre.

Des manifestants défilent dans le centre-ville de Montréal lors d’une manifestation contre le projet de loi 96 à Montréal, le samedi 14 mai 2022. (Graham Hughes/La Presse canadienne)

Un groupe d’avocats contestant les articles de la loi a fait valoir que l’exigence de traduction viole les articles de la Loi constitutionnelle de 1867 qui garantissent l’accès aux tribunaux dans les deux langues officielles.

Selon des documents judiciaires, le groupe affirme qu’il existe un nombre limité de traducteurs juridiques agréés, en particulier dans certaines régions, et que leurs services coûtent entre 0,20 $ et 0,40 $ le mot.

Les membres du Conseil mohawk de Kahnawake ont également déposé des déclarations indiquant qu’ils faisaient partie des nombreux groupes qui seraient touchés négativement par la loi.

Les avocats représentant le procureur général du Québec ont repoussé l’idée qu’il n’y a pas assez de traducteurs ou que l’exigence crée des obstacles à l’accès à la justice.

Concilier protection linguistique et accès à la justice

Un porte-parole du ministre québécois de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, a déclaré vendredi dans un communiqué que son bureau analysait la décision.

« N’oublions pas que les dispositions en l’espèce visent à favoriser un meilleur accès à la justice dans la langue officielle et commune, le français », précise le communiqué. « Le gouvernement s’est fermement engagé à défendre ce droit fondamental. Nous ne commenterons pas davantage pour le moment. »

Corriveau a convenu que les avocats ont soulevé des questions valables sur les obstacles à la justice, en particulier dans les cas urgents qui « peuvent nécessiter une intervention rapide devant les tribunaux pour éviter un préjudice irréparable ».

Félix-Antoine Doyon, avocat des plaignants, a déclaré que ses clients croient en la nécessité de protéger la langue française mais estiment que le gouvernement est allé « très loin » avec certaines dispositions de la loi 96.

« Nous devons protéger le français mais nous devons également protéger l’accès à la justice, et nous devons nous rappeler que dans une société civilisée, la justice est là pour le peuple, et pour les personnes morales aussi », a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique. Il a dit s’attendre à être prêt à plaider l’affaire sur le fond en novembre.

Les avocats font partie de plusieurs groupes qui contestent juridiquement le projet de loi 96, qui vise à renforcer l’utilisation du français grâce à des réglementations linguistiques mises à jour qui affectent les entreprises, les collèges juniors, l’immigration et les tribunaux.

La loi, qui a été adoptée plus tôt cette année, invoque également de manière proactive la clause dérogatoire de la Constitution canadienne pour la protéger des contestations fondées sur la Charte.

Doyon a noté que sa contestation ne concernait qu’une très petite partie de l’ensemble de la loi et a mis en garde contre le fait de tirer des conclusions plus larges sur ce que la décision pourrait signifier pour d’autres contestations.

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