Pourquoi la dernière débâcle politique en France pourrait provoquer des secousses dans le monde entier – The Forward


Secoué par une succession de secousses au cours des cinq dernières années, le paysage politique français vient d’être à nouveau secoué. Dimanche, les citoyens qui ont pris la peine d’aller aux urnes – le taux d’abstention de 54 % lui-même était également sans précédent et troublant – ont annoncé qu’ils ressentaient le remords des électeurs. Après avoir réélu Emmanuel Macron à la présidence il y a moins de deux mois, ils avaient changé d’avis.

Le deuxième et dernier tour des élections législatives d’hier a confirmé ce sentiment. Pour la première fois dans l’histoire de la Cinquième République du pays, fondée par Charles de Gaulle en 1958, un nouveau président se voit refuser la majorité parlementaire. Ensemble !, la coalition centriste mobilisée derrière Macron, a mérité le point d’exclamation dans son nom dimanche. Alors qu’on s’attendait généralement à ce qu’il remporte au moins le nombre minimum de 289 sièges pour avoir la majorité absolue à l’Assemblée nationale, son décompte final n’était que de 246.

Outre la coalition qui doit se renommer – « Avion! » est une possibilité, tandis que « Merde! » en est une autre — quelles sont les leçons de cette élection ?

D’abord, que merde était le message envoyé par les Français à la classe politique traditionnelle du pays. Considérez ces Français qui ont décidé de ne pas voter. Le taux d’abstention indique, comme le suggère le politologue Jérôme Fourquet, que de nombreux électeurs ont conclu que la tradition sacrée et républicaine d’aller au bureau de vote est devenue aussi vaine que la tradition sacrée et chrétienne d’aller à l’église.

Deuxièmement, que merde était aussi le message de ceux qui se sont rendus aux urnes, votant massivement pour des candidats qui ne sont pas issus des partis politiques traditionnels. Le deuxième plus grand nombre de sièges parlementaires, 149, a été remporté par la coalition de gauche NUPES. L’acronyme de la Nouvelle Union Populaire écologique et sociale (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), c’est une étiquette aussi maladroite à prononcer que ses membres sont mal à l’aise de passer du temps en compagnie les uns des autres. C’est l’œuvre de Jean-Luc Mélenchon — alias le « tribun fougueux » — qui a lancé et conduit le mouvement d’extrême gauche La France insoumise (France défiante).

Contre toute attente, Mélenchon convainc les partis socialiste, communiste et vert, longtemps divisés par des ambitions personnelles et des valeurs politiques, de s’allier à son mouvement. Acceptant de créer une coalition tout en conservant leurs identités distinctes, ce qui était autrefois une gauche en déclin et fragmentée a été ressuscité en tant que principal parti d’opposition de l’Assemblée. S’il n’a pas remporté suffisamment de sièges pour former un gouvernement, il en a remporté plus qu’assez pour réquisitionner des postes institutionnels clés, comme la commission des finances de l’Assemblée, qui rendront la vie difficile, voire impossible, à Macron pendant son mandat renouvelé de cinq ans.

La troisième et la plus inquiétante conclusion, cependant, est que l’autre mouvement extrême, les illibéraux et autoritaires Rassemblement national (Rassemblement national), a remporté 89 sièges, soit dix fois plus que les huit qu’il avait remportés lors de la dernière élection législative en 2017. C’est aussi 10 sièges de plus que ceux obtenus par Defiant France, ce qui en fait le deuxième parti de la nouvelle assemblée. Pourtant cet événement, qualifié de «jamais vu» ou du jamais vu, promet de devenir du déjà-vu dans les années à venir.

La dirigeante d’extrême droite française Marine Le Pen semble être l’une des principales bénéficiaires de la dernière débâcle de la politique française. Photo par Getty Images

Dirigé par Marine Le Pen, le RN est le Front National rebaptisé et redémarré, le mouvement quasi fasciste fondé il y a un demi-siècle par le père de Le Pen, Jean-Marie Le Pen. Lorsque l’aîné Le Pen a légué le FN à sa fille en 2011, elle a cherché à assainir le mouvement — décrit comme «dédiabolisation» ou dé-diabolisation – en purgeant les éléments pro-Vichy et antisémites les plus scandaleux qui s’y étaient longtemps perchés. (De manière révélatrice, ce terme, inventé par le cercle de Marine Le Pen, impliquait que la diabolisation originelle du mouvement avait tout à voir avec les opinions hostiles des étrangers et rien à voir avec les valeurs déchirantes des initiés.)

Les politiciens et observateurs politiques, convaincus que la France était institutionnellement et idéologiquement allergique aux valeurs incarnées par le clan Le Pen, ont longtemps considéré cette mission comme impossible. Et pourtant, les résultats des élections de dimanche révèlent que, comme l’aurait dit un ancien dirigeant autoritaire, Napoléon Bonaparte, « Impossible n’est pas français.”

En partie, cela n’a été que trop possible grâce à la mauvaise gestion des élections par le président Emmanuel Macron. En refusant de retirer sa routine jupitérienne pour diriger le pays – mieux résumée comme «l’État, c’est moi» – il s’est aliéné la plupart de ceux qui ont voté pour lui et son parti en 2017. (Quant à ceux qui ont de nouveau voté pour lui en 2022, ils n’ont pas encore pris à cœur l’adage d’être brûlé deux fois.)

En déclarant Mélenchon son principal adversaire dans la campagne électorale, Macron est devenu un idiot utile pour le parti de Le Pen. Les fausses déclarations ébouriffantes de son parti sur Mélenchon et ses partisans comme un danger clair et présent pour la démocratie française ont brouillé ce qui avait longtemps été une ligne rouge vif : que tous les partis, des communistes aux conservateurs, attachés aux valeurs de 1789, ont un point commun devoir de bloquer la montée de l’extrême droite.

Enfin, en couplant sa diabolisation du NUPES à son refus catégorique d’ordonner à ses propres partisans de choisir le candidat du NUPES plutôt que le candidat du RN dans les quelques dizaines de cas où ils se sont affrontés au second tour, la coalition de Macron a contribué à ouvrir la voie à ce scrutin électoral et débâcle morale. Comme l’ont clairement montré plusieurs analyses post-électorales, si un Ensemble ! candidat ne s’est pas rendu au second tour dans sa circonscription, la plupart des électeurs centristes n’ont pas pris la peine de voter.

Mais Macron n’est pas seul responsable des résultats de dimanche. Le succès de Le Pen n’est pas un raté électoral car un nombre sans cesse croissant d’électeurs français ne considère plus son parti comme une souillure morale. Cela tient en partie au succès de sa campagne de dé-diabolisation ainsi qu’à l’échec de la campagne présidentielle d’Éric Zemmour, dont les déclarations racistes et anti-islamiques ont fait apparaître Le Pen comme un parangon de raison et de modération. Qu’au fond elle n’est ni l’une ni l’autre a été largement oublié.

Pourtant, il y a aussi un autre facteur. A force de creuser les clivages entre ce que le sociologue Christophe Guilluy a appelé la métropole et le périphérique — zones urbaines post-industrielles branchées sur une économie mondiale et régions rurales et périurbaines désindustrialisées laissées à l’abandon — le RN est devenu le principal bénéficiaire du désenchantement de ce dernier groupe vis-à-vis de la politique républicaine traditionnelle et des valeurs traditionnelles. Si Macron et Mélenchon ne parviennent pas à trouver un terrain d’entente au cours des cinq prochaines années, ce clivage deviendra un gouffre dont la France pourrait ne jamais sortir.

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