les trois scénarios de sortie de crise de la Cour des comptes


Dans un rapport évaluant les perspectives des finances publiques après la crise sanitaire, la Cour des comptes détaille trois scénarios de reprise potentiels. Même le plus optimiste ne prévoit pas un retour au niveau d’endettement d’avant la crise d’ici à 2030.

Placée sous respirateur artificiel pendant deux mois de confinement, l’économie française est entrée dans sa phase de relance. Mais quelle que soit l’ampleur de la reprise, le choc subi ces derniers mois laissera des traces. Les différents organismes et organisations tablent d’ores et déjà sur une récession comprennent entre -8,2 et -12,5% cette année. Certes le PIB devrait progresser l’année prochaine avec une croissance estimée entre +6,9 et + 7,4% mais il restera quoi qu’il arrive entre 1,5 et 6% inférieur à celui de 2019.

Le retour au niveau d’avant confinement n’est donc pas pour tout de suite. Et il dépendra de l’élargissement du rythme de la reprise après 2020. Dans un rapport publié ce mardi, la Cour des comptes élabore justement trois scénarios de sortie de crise allant du plus favorable ou moins favorable, soulignant cependant que les perspectives d’évolution « sont marquées d’une grande incertitude « .

Le premier scénario est dit de « rattrapage ». Il se traduirait par une relance relativement rapide de l’activité, si bien qu’il faudrait trois ans à l’économie française pour retrouver sa trajectoire d’avant crise, soit une croissance potentielle (estimation de l’évolution du PIB lorsque les facteurs de production sont utilisés de manière optimale, et sans tension sur les marchés des biens et services de 1,25% par an sur toute la période. Dans cette situation, « le fonctionnement de l’économie n’est que temporairement altéré et les capacités de production sortent indemnes de la crise », note la Cour des comptes.

C’est peu ou prou le scénario sur lequel table le gouvernement: « Il nous faudra au moins deux ans pour retrouver le niveau de PIB que nous avions réussi à atteindre fin 2019 », a assuré lundi le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, lors de la présentation du troisième projet de loi de finances rectificative à l’Assemblée nationale.

Scénarios défavorables

L’ampleur de la récession en 2020 « est telle qu’elle pourrait laisser des séquelles durables et affecter le potentiel de production de l’économie française », préviennent cependant les Sages. Deux autres scénarios, beaucoup moins optimistes, sont alors envisagés.

Celui d’une « perte limitée » d’abord. Ici, on suppose que le PIB retrouvera à terme un rythme de croissance identique à celui de 2019 sans que ce rebond ne parvienne pour autant à rattraper l’ensemble des pertes. En effet, « les faillites d’entreprises résultent de la crise et le rapport de certains projets d’investissement amputeraient les capacités de production », souligne la Cour. Dans ces conditions, la richesse nationale serait « durablement » inférieure d’un peu plus de 3 points à ce qu’elle aurait été en l’absence de crise. Ce qui correspond à deux années et demie de croissance perdues en raison de la crise.

Enfin, le troisième scénario table sur une « faiblesse persistante » caractérisée par un rebond plus modéré de l’activité et des investissements sur le long terme. En conséquence, le taux de croissance diminue sur plusieurs années et le PIB « s’éloignerait avec le temps de la trajectoire suivie dans les autres scénarios ».

La Cour des comptes table sur trois scénarios potentiels de reprise
La Cour des comptes table sur trois scénarios potentiels de reprise © Cour des comptes

Un lourd impact sur les finances publiques

Dans tous les cas, « la crise laissera des marques durables sur les finances publiques et notamment la dette publique », acquittez les Sages de la rue Cambon. En appliquant une hypothèse de politique inchangée (hausse des dépenses publiques de 1,25% par an et pas de hausses ni de baisses d’impôts) et selon les différents scénarios envisagés, le déficit public attendu à 11,4% du PIB cette année diminuerait jusqu’à 2023/2025 vers un niveau proche de 2% dans la situation idéale, de 4% dans le scénario de « perte limitée » et reviendra à peine sous les 6% dans celui de « faiblesse persistante ».

La dette qui devrait être d’au moins 120% du PIB en 2020 resterait quant à elle à un niveau particulièrement élevé. Si elle est attendue à la baisse dans le scénario de rattrapage, elle devrait toujours être supérieure à 100% du PIB en 2030 et « supérieure à son niveau d’avant crise et bien au-delà de ce qui aurait pu être escompté en l ‘ absence de crise « , ajoute la Cour des comptes.

Dans le scénario de « perte limitée », la baisse du déficit dans un premier temps de maintenir le ratio de la dette publique à un peu plus de 115 points de PIB avant un nouveau rebond. Le dernier scénario se caractériserait de son côté par une augmentation continue de la dette qui atteindrait 140 points du PIB dans dix ans, « sans même qu’intervienne de nouveau choc important ».

La soutenabilité de la dette, un « enjeu central » pour la Cour des comptes

Chômage partiel, fonds de solidarité … Cette hausse spectaculaire de la dette est principalement due aux mesures d’urgence prise par le gouvernement et financées par l’emprunt pour limiter l’impact de la crise. Mais « la France ne peut laisser filer son endettement sans s’exposer à des difficultés majeures à moyen et long termes », rencontré en garde la Cour des comptes qui assure que « la soutenabilité de la dette constitue désormais un enjeu central ». Si les taux sont encore faibles, ils pourraient remonter et le pays se « retrouverait dans une situation très difficile ».

« Le gouvernement table à ce stade sur une hypothèse de rebond total à terme le PIB potentiel visé pas été affecté par la crise, notamment grâce aux dispositifs de soutien adoptés. Une telle hypothèse apparaît cependant optimiste » poursuit la juridiction financière. Selon elle, « le rééquilibrage spontané des comptes publics ne sera, selon toute vraisemblance, que très partiel ». Elle prévient que « sans action de redressement, le déficit risque d’être durablement très élevé, nettement supérieur au niveau d’avant crise ». Dans ces conditions, « la trajectoire de dette ne serait alors pas maîtrisée ».

Selon les Sages, « il ne faut pas tout attendre » de la croissance et « un effort de redressement structurel des finances publiques doit être engagé » dès que les conditions économiques le prochain. « Il ne doit pas être trop brutal pour ne pas casser la reprise mais il doit être poursuivi avec constance pour obtenir des résultats tangibles », ajoute-t-ils, appelant à la définition d’une trajectoire dans une loi de programmation des finances publiques « au plus tard » au printemps prochain. La Cour appelle ainsi à un « examen en profondeur » des dépenses publiques, pour privilégier les dépenses d’investissement, notamment dans la transition écologique et la santé, en parallèle d’un « effort accumulé de maîtrise des autres dépenses ».

De son côté, Bruno Le Maire a voulu rassurer lundi en accord que la dette liée à la crise sanitaire sera remboursée et traitée à part: « Nous la rembourserons par la croissance, pas par les impôts. Nous la rembourserons en la cantonnant et en la séparant des 100 points de dette initiale « , at-il dit.

La Cour des comptes appelle enfin le gouvernement à « rebâtir une stratégie de finances publiques » et à ne pas prendre des mesures de relance financière par la dette. Quant à celles déjà prises, elle recommande de les rendre « temporaires et de prévoir des clauses d’extinction claires ».

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