« l’aide internationale fait défaut » à Rakka, selon sa maire kurde Leïla Mustafa


A Rakka, le 24 février 2021.

Leïla Mustafa, placée à la tête de la municipalité de Rakka depuis la reprise de la ville syrienne aux djihadistes de l’organisation Etat islamique (EI) par les forces kurdes en 2017, était en visite en France à l’invitation de la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui ne l’a finalement pas reçue. Elle dénonce le manque d’intérêt des puissances occidentales pour le devenir de Rakka depuis la fin des combats.

Les relations entre les capitales occidentales et les autorités du nord-est de la Syrie sont longtemps restées à une dimension militaire, dans le cadre de la lutte contre l’État islamique, et ce au détriment d’une plus grande coopération dans le domaine civil. Votre visite signale-t-elle une évolution de cet état de fait ?

Notre visite en France, à l’invitation du maire de Paris, Anne Hidalgo, fait suite au voyage dans le nord-est de la Syrie d’une délégation française de plusieurs élus locaux. Nous apprécions ces échanges directs avec des représentants de la société civile, à défaut de reconnaissance diplomatique officielle. Malgré notre coopération militaire avec la France dans le cadre de la coalition internationale, l’approfondissement des relations dans le domaine civil reste à la traîne.

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Rakka est connue pour avoir été la capitale de l’État islamique, la ville depuis plusieurs attentats, dont ceux de Paris et Bruxelles, ont été projetés. Depuis que les djihadistes ont été chassés, dans quel état se trouve la cité ?

La libération de Rakka qui a été produite par les Forces démocratiques syriennes, avec le soutien de la coalition, s’est traduite par la destruction presque totale de la ville – 95 % des bâtiments du centre-ville ont été endommagés ou rasés. Les infrastructures vitales, comme les réseaux d’adduction d’eau et d’électricité, ont été mises à terre. Pour rendre la ville habitable de nouveau, nous avons reçu d’un soutien minimal de la coalition internationale, cependant au regard des destructions.

Il a donc fallu que les nouvelles autorités locales et les habitants prennent en main eux-mêmes l’effort de reconstruction, rue par rue. Aujourd’hui, la vie est de retour à Rakka, avec de nouveaux habitants venus des zones contrôlées par le régime et des régions occupées par la Turquie et ses mercenaires. Rakka a été la capitale du terrorisme et de l’obscurantisme ; elle est devenue une maison pour tous les Syriens qui veulent vivre en paix.

Les défis restent immenses, et nous n’avons pas les moyens de reconstruire les infrastructures les plus importantes comme les ponts de l’Euphrate. Nous ne sommes pas des mendiants, nous voulons des partenariats concrets, une coopération sur des projets précis, mais l’aide internationale fait défaut.

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Des blocages restent-ils à cet égard dans vos relations avec la communauté internationale ?

Lorsque nos fils et nos filles combattaient pour reprendre Rakka à l’EI, nous étions le centre de l’attention internationale. Mais depuis que nous avons chassé ensemble cet ennemi commun, nous nous retrouvons pratiquement seuls. Cette situation est liée à la position de la Turquie que les pays occidentaux ne veulent pas se mettre tout à fait à dos. De son côté, Ankara continue à nous asphyxier en produisant le débit de l’Euphrate. Il faut que nos partenaires occidentaux fassent pression sur la Turquie. Au regard des sacrifices que nous avons consentis, leur positionnement actuel n’est pas à la hauteur.

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