« La France » peut être drôle, mais dresse un portrait dur du monde


France de Meurs (Léa Seydoux) est une vedette de la télévision. Elle porte des vêtements bruyants et se pavane dans Paris comme si elle possédait l’endroit. Lors d’une grande réunion publique, elle met un ministre sur le qui-vive, tandis que son assistante Lou se moque du type du fond de la salle, et ensuite les deux se moquent de la façon dont la France a illuminé Internet.

En un éclair, la France est en Afrique pour interviewer un combattant anti-ISIS, et elle a le culot de le diriger, en claquant des doigts, pour mettre en place les plans qu’elle veut pour son émission.

Elle montre à un homme comment tenir son fusil. C’est bon; même ces tribus veulent des selfies avec la France. Elle est considérée comme une journaliste, mais son discours et ses images concernent principalement elle-même. C’est un bon envoi de l’autopromotion effrayante du journalisme de célébrités.

Puis, en conduisant, elle est distraite un instant. France croise un jeune homme à moto. C’est une collision mineure, mais la rotule de l’homme est disloquée. Il ira mieux, mais le bilan pour la France est plus grave. Sa façade fragile commence à s’effriter.

Elle pleure dans une interview. Les gens commencent à poser des questions qui vont à l’encontre de l’image qu’elle s’est faite d’elle-même : est-elle de droite ou de gauche, une question à laquelle elle ne peut pas répondre parce qu’elle ne sait pas. L’impolitesse incessante des fans qui veulent des selfies commence à la déranger. Lentement, ses vêtements changent – les robes voyantes et les jupes moulantes deviennent des pantalons et des pulls unis. Son rouge à lèvres rouge flamboyant caractéristique s’estompe. Elle se retrouve dans un hôpital dans les montagnes. C’est un bel hiver; elle se sent libérée, et à l’improviste, elle est brutalement trahie – par un autre journaliste égoïste.

Selon le scénariste/réalisateur Bruno Dumont, c’est le monde dans lequel nous vivons tous. Il bouge si vite et les couleurs sont si vives et distrayantes qu’il n’y a ni espace ni temps pour que les êtres humains se situent ou sachent qui ils sont. Le personnage ne s’appelle pas la France pour rien, c’est tout le pays et par extension le monde entier. Tous ceux qu’elle rencontre, des combattants tribaux du Niger aux autres patients du cher hôpital des Alpes, veulent faire partie du faste français.

France 2.JPG

Nicolas Kemp

/

Équipe Kino Lorber

Il n’y a pas que les journalistes qui, dans des circonstances idéales, essaient de découvrir la vérité sur les événements. Nous voulons tous savoir qui nous sommes et où nous sommes. Mais cette image de notre monde montre à quel point ce niveau de compréhension de soi est devenu impossible. Tout est posture. L’assistante de France Lou (Blanche Gardin) passe sa vie à pomper la France, l’assurant qu’elle a fait un excellent travail. Mais il ne s’agit pas de savoir si la France découvre des informations ou des idées importantes ; c’est si la France fait bonne figure, et qu’elle marque des points.

Un homme privilégié et satisfait de lui-même, lors d’une soirée, dit que le capitalisme est le don de soi aux autres, en quête de vertus à la fois morales et spirituelles. Quoi que vous pensiez du capitalisme, ce n’est pas ce que dit cet imbécile, et le moment vient après l’accident de France, où elle se rend compte que tout ne va pas bien dans sa vie. Le commentaire la fait sortir de la pièce.

Léa Seydoux est merveilleuse dans ce film. Elle a la complexité d’enregistrer des changements progressifs alors que l’extérieur fragile de la France commence à se fissurer, et en même temps de laisser émerger de minuscules allusions à un sentiment authentique.

Le film France ne va pas dans une direction simplifiée, certaine. Il erre de manière inégale parce que le progrès d’une personne du vide stérile à trouver une certaine mesure d’humanité en elle-même n’est pas cohérent. L’ambiguïté du film est contenue dans le nom France de Meurs – cela peut signifier quelque chose comme « La France meurt » ou « La France reste telle qu’elle est ». A la fois le personnage et son univers. Le film a beaucoup de culot pour incarner les deux possibilités.

Laisser un commentaire