En Birmanie, la tragédie sans fin d’Aung San Suu Kyi


Les manifestants affichent une banderole avec une image du dirigeant birman déchu Aung San Suu Kyi lors d'une manifestation contre le coup d'État militaire à Yangon, au Myanmar, le mercredi 17 février 2021. L'expert des Nations Unies sur les droits de l'homme au Myanmar a mis en garde contre la perspective de violences majeures alors que les manifestants se rassemblent à nouveau mercredi pour manifestant contre le prix du pouvoir par l'armée.

On aura beau fouiller dans les mythes de la tragédie grecque, il sera difficile d’y trouver un personnage au destin plus singulier que celui d’Aung San Suu Kyi: si la dirigeante birmane fut, de 1988 à 2010, une sorte d’Antigone dont le Créon était l’un ou l’autre des dictateurs en place, son histoire a connu, ces dix dernières années, des rebondissements que nul n’était capable d’anticiper.

Quatre dates illustrent le récent parcours de la Lady: le 13 novembre 2010, la dissidente et la bête noire des militaires est libérée après une période d’assignation à résidence de quinze ans étalée sur deux depuis 1989; le 1euh avril 2012, «Daw» («madame») Suu Kyi est élue députée dans la chambre basse du Parlement; le 5 avril 2016, après l’éclatante victoire de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), aux élections législatives de novembre 2015, le Prix Nobel de la paix 1991 devient «conseillère d’État» et ministre des affaires étrangères , accédant ainsi à un poste équivalent à celui de premier ministre; le 1euh février 2021, elle est renversée par l’armée et se retrouve assignée à résidence, plus de trois décennies après l’avoir été une toute première fois.

La boucle est bouclée. A 75 ans, la vie de la Dame de Rangoun paraît suivre l’itinéraire de l’éternel retour du temps. Seule différence: par le passé, elle fut confinée dans sa maison au bord d’un lac, à Rangoun. Elle est aujourd’hui en résidence surveillée dans sa vaste demeure d’ex-chef de gouvernement, à Naypyidaw, capitale de la Birmanie.

L’ancienne «conseillère d’État» est accusée par la junte d’importations illégales de talkies-walkies et, plus récemment, de violations de la loi sur la gestion des désastres naturels… Elle risque de deux à trois ans de prison. Mardi 16 février, elle a fait une apparition virtuelle devant une cour de justice où elle a répondu à quelques questions formelles sur les charges qui pèsent contre elles. Un porte-parole de l’armée, le brigadier Zaw Min Tun, a fait savoir le même jour que son procès aurait lieu le 1euh Mars. Elle est aujourd’hui confinée chez elle «Pour sa propre sécurité ».

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En trente-deux ans, des rôles éminemment contradictoires

Aung San Suu Kyi lors d'une cession de vaccination des agents de santé à l'hôpital mercredi 27 janvier 2021, à Naypyitaw, au Myanmar.

Ce retour de situation n’est pas forcément surprenant, même si le putsch du chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing, a pris de court tout le monde, les Birmans en premier: le militaire et la Lady ne se parlaient plus depuis longtemps. Mmoi Suu Kyi avait pourtant osé naguère qualifier les militaires de «Gentils». Le qualificatif était d’ordre diplomatique, mais il avait fait jaser.

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