Repenser l’hébergement des aînés | L’actualité


D’autres virus viendront. D’autres catastrophes frapperont le Québec. Pas de sitôt, espère-t-on. Mais en tirant des leçons de la dernière – et éprouvante – année, il est possible d’être mieux préparé pour faire face au prochain coup dur qui ébranlera la province. Voici l’un des chantiers à mettre en œuvre afin de ne plus jamais vivre des temps aussi difficiles.

La mort de milliers d’aînés en CHSLD et en résidences privées pendant la crise de la COVID-19 a donné des arguments à ceux qui croient davantage aux soins à domicile. La gériatre Marie-Jeanne Kergoat, spécialiste de l’organisation des soins à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, juge plus pertinente de repenser les milieux d’hébergement.

Certaines données spécifient que les personnes âgées au Québec sont plus nombreuses à vivre en CHSLD et en résidences privées pour aînés (RPA) qu’ailleurs au Canada. Les Québécois laissent tomber les vieux?

On n’est pas plus lâches ni moins généreux. D’abord, les proches aidants sont très présents dans les milieux d’hébergement, et puis nombre d’aînés ne veulent eux-mêmes rien savoir de vivre chez leurs enfants. Pour ne pas les embêter et conserver leur autonomie. De plus, il faut nuancer: si on n’aboutit pas en CHSLD par plaisir, on choisit de s’établir en RPA. C’est une volonté de la part des aînés d’adapter leur environnement au fait qu’ils vieillissent. Souvent, ils s’ennuient dans leur grande maison, ils ne se sentent plus en sécurité et n’ont plus le goût de déneiger leur entrée. En RPA, ils sont chez eux, ils ont du pouvoir.

Depuis la pandémie, des voix réclament qu’on met plutôt sur les soins à domicile. Qu’en pensez-vous?

C’est irréaliste. La population est vieillissante et les soins requis seront de plus en plus complexes. On rêve tous de mourir d’un infarctus dans son sommeil, mais la vérité, c’est qu’on finit souvent dans un état de grande dépendance. Je souhaite qu’on augmente les soins à domicile pour les cas moins lourds, mais l’État n’a pas les ressources humaines et financières pour soigner à la maison les gens en perte d’autonomie importante. Une étude de HEC Montréal parue en février le prouve. Ça prend des CHSLD – mais il faut les transformer.

De quelle manière?

Nombre d’entre eux sont d’anciens bâtiments religieux où les chambres ont l’air de cellules. J’en ai déjà vu qui contenait quatre lits! Pourquoi réserver ce sort aux gens en fin de vie? Je suis pour le concept de maisons des aînés proposés par le gouvernement, mais je crois qu’on devrait bâtir de plus de grands complexes pouvant accueillir plus d’aînés, divisés en habitations indépendantes qui seraient reliées entre elles par des passerelles. Ça doit faire des économies d’échelle et d’avoir plus de spécialistes et de services, comme des nutritionnistes, des physiothérapeutes et des ressources d’investigation (échographies, électrocardiogrammes, etc.). Il faut aussi des spécialistes en prévention et contrôle des infections dans chaque établissement. Ça fait partie des grandes lacunes de la crise. Bref, ça prend des lieux sains et agréables.

Qu’avons-nous appris de cette tragédie?

Avant, on disait que les étudiants en gériatrie étaient des internistes de deuxième ordre qui traitaient des personnes de troisième ordre dans des structures de quatrième ordre. Personne ne rêve d’être vieux, on ne veut pas voir les gens âgés. Quand on réclamait des ressources, on n’était pas écoutés. Là, je crois que la population a compris que les soins de longue durée sont importants.

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