Les automobilistes coûtent-ils trop cher à la société?


Les automobilistes français ne couvrent en moyenne que 36% des coûts qu’ils font supporter à la société, révèle une étude de Bercy. Les taxes diverses ne compenseraient pas suffisamment l’utilisation de la route et de la pollution.

L’automobiliste « vache à lait » vivrait-il en réalité au crochet de la société? C’est ce qui ressort d’une étude publiée fin avril par la direction générale du Trésor, qui dépend du ministère de l’Economie, et mise en avant dans un article du Parisien, avec seulement un gros tiers des dépenses induites par le transport routier qui serait réellement supporté par les usagers.

« Les prélèvements payés par les usagers de la route (fiscalité et péages) ne couvrent que 36% du coût social de cette mobilité (accidents, embouteillages, pollution, bruit …) », résume sur Twitter Mathieu Chassignet, ingénieur mobilités durables.

« Il y a quand même quelques limites (à cette étude), l’automobiliste paye sans doute un peu plus que ce que dit l’étude », soulignait ce matin sur BFMTV l’éditorialiste économique Nicolas Doze, évoquant les taxes payées lors de l ‘achat de pneus, la carte grise, le contrôle technique, les assurances ou encore les amendes (plus de 2 milliards d’euros en 2017). On peut aussi rappeler que tous les modes de transports sont « subventionnés », les cyclistes ne payent pas directement le coût des pistes cyclables et autres aménagements, idem pour les usagers des transports en commun.

Les poids lourds payent davantage que les utilitaires

Si on reprend le décompte de l’étude du Trésor, les prélèvements représentent en moyenne 7 centimes par kilomètre, les coûts externes 19,5 centimes, soit un bilan négatif, reflétant un coût social de 12,5 centimes par kilomètre roulé en France.

Le taux de couverture moyen à 36% de ce coût social varie selon les catégories. Il est plus important, à 68% pour les poids lourds diesel. C’est du côté des utilitaires diesel que le taux est le plus faible, à 28%.

Du côté des particuliers, les usagers roulants à l’essence couvrent 45% des dépenses, et ceux au gazole, 30%, du fait notamment d’une fiscalité du diesel moins lourd et des niveaux de consommation plus faible.

L’étude de la direction du Trésor reprend d’ailleurs des chiffres de 2015 et note que « l’écart de fiscalité entre le diesel et l’essence a depuis été réduit: en 2021, les taux sont de 59,40 euros par hectolitre pour le diesel et de 68,28 euros par hectolitre pour l’essence (SP95-E10) « .

Autoroutes et milieu rural, dans le vert

Il existe toutefois des exceptions, avec « des prélèvements supérieurs aux externatités », « sur les autoroutes à péage » et « les véhicules essence en milieu rural »

« En milieu très peu dense, les coûts liés aux embouteillages et à la pollution de l’air sont nettement plus faibles qu’en milieu urbain, ce qui permet aux véhicules essence (mais pas aux diesel) de couvrir leurs externalités », souligne l ‘étude.

Des voitures électriques très coûteuses

Autre constat, relativement contre-intuitif pour le coup, ce sont les voitures particulières électriques qui affichent le taux de couverture le plus faible, à -66%, contre 30% pour une voiture diesel, note l’étude:

« Les véhicules particuliers électriques sont soumis à des prélèvements nets en moyenne, c’est-à-dire que les subventions dont ils bénéficient en 2015 (bonus et prime à la conversion) étaient plus importants que les prélèvements dont ils s’acquittaient. « 

Résultat: rouler à l’électrique coûte 25 centimes par kilomètre à la société, contre seulement 13 centimes pour une voiture diesel (un niveau similaire en 2021 avec le retour des aides importantes à l’achat depuis l’an dernier).

Cependant, les auteurs de l’étude précise bien que « l’objectif de ces subventions n’est pas de répondre à la tarification globale des coûts externes de circulation mais de compenser le surcoût interne des véhicules électriques par rapport aux véhicules thermiques ». La hausse de la production induite par ces aides contribue également à la baisse des prix des électriques dans le futur, ce qui entraînerait un bilan socio-économique plus favorable à long terme pour le « zéro émission ».

Des pistes pour réduire la facture socio-économique du transport routier

« Comment améliorer le bilan socio-économique du transport routier? », Se demande l’étude en conclusion.

Parmi les pistes mises en avant, on peut tout d’abord citer la baisse à venir des externalités négatives, en particulier celles liées à la pollution, avec la réduction des niveaux d’émission de CO2 sur les véhicules neufs, avec des normes Euro de plus en plus sévères, ou encore la mise en place des ZFE (Zones à faibles émissions) qui empêcheront les voitures les plus polluantes de circuler dans les grandes agglomérations.

« Une plus grande harmonisation de la fiscalité des carburants au niveau européen » est également souhaitée, alors qu’actuellement les tarifs plus avantageux dans les pays frontaliers « incite les utilisateurs à faire le plein à l’étranger ». Cette harmonisation viserait notamment les poids lourds, qui « peuvent traverser le territoire français avec un plein ».

L’étude mentionne également la suppression progressive de l’avantage fiscal sur la TICPE (la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) pour les-lourds d’ici 2030, recommandation de la Convention citoyenne pour le climat.

De nouvelles taxes à venir?

Cette étude de Bercy laisse-t-elle envisager un lot de taxes à venir pour compenser ce coût social? Non, précise clairement un député de la majorité, à un an des élections présidentielles:

« Il n’y a rien à venir, ni en projet de loi de finances ni en projet de loi tout court », assure Damien Pichereau, élu LaREM de la Sarthe, qui précise bien que « l’alignement progressif de la fiscalité de l «essence et du gazole est gelé et il le reste».

Cette décision du gel de l’alignement de la fiscalité avait été prise pour plus calme la colère des gilets jaunes, et va pourtant à l’encontre des recommandations de l’étude du Trésor:

« Les externalités plus élevées des véhicules diesel, soumis à des prélèvements plus faibles que les véhicules à essence, justifient la poursuite de la convergence fiscale entre le diesel et l’essence. »

A court terme, les nouvelles rentrées pourraient davantage passer par les municipalités, avec la mise en place de péages urbains liés aux ZFE dans les grands centres urbains, ou le relèvement global des tarifs de stationnement. « Les recettes de ces péages urbains et des frais de stationnement pourraient être affectées à des réductions d’autres taxes ou au financement d’alternatives à la voiture individuelle dans les zones concernées », étudie l’étude.

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