Le soutien étranger à la course électorale française est une décision risquée – EURACTIV.fr


Vous pouvez toujours dire qu’un candidat est nerveux lorsqu’il pousse des dirigeants étrangers à le soutenir.

Les sondeurs peuvent donner au président Emmanuel Macron un avantage étroit mais décisif avant le second tour présidentiel de dimanche contre la nationaliste d’extrême droite Marine Le Pen, mais il ne laisse clairement rien au hasard.

« Nous avons besoin de la France à nos côtés. Une France qui a été, encore et encore, un phare de démocratie et de fraternité en Europe et dans le monde.

C’est ce qu’affirment le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, le Premier ministre portugais António Costa et le chancelier allemand Olaf Scholz dans un article d’opinion conjoint à El Pais. Ils disent que l’élection présidentielle de dimanche est « critique » pour assurer une Union européenne forte face à de nouveaux défis tels que l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine.

Leurs éloges pour Macron n’ont d’égal que leurs critiques de sa rivale Marine Le Pen, qu’ils accusent de se ranger du côté de « ceux qui attaquent notre liberté et notre démocratie ».

« Les populistes et l’extrême droite de tous nos pays ont soutenu Poutine comme un modèle idéologique et politique, reproduisant ses idées chauvines », ajoutent les dirigeants.

Macron n’a peut-être pas personnellement exhorté ses collègues chefs de gouvernement à rédiger leur missive commune, mais il est inconcevable qu’il n’ait pas connu et approuvé le texte.

Une telle intervention dans une élection nationale est rare. Les dirigeants européens ont tendance à ne pas s’impliquer dans les campagnes électorales de leurs pairs. Que les trois dirigeants aient ressenti le besoin de rompre les rangs et d’exhorter publiquement les Français à soutenir Macron indique que la course est serrée et que les enjeux sont élevés.

Il est également significatif que les trois dirigeants soient modérés et de centre-gauche. L’Italien Mario Draghi brille par son absence des signataires, dont la politique et les antécédents, en tant qu’économiste technocrate et banquier de Goldman Sachs, sont beaucoup plus proches de ceux de Macron. Cela souligne la nécessité pour Macron de rallier les électeurs français de gauche dimanche s’il veut être réélu. En cas de victoire, comme prévu, il aura également besoin du vote de gauche pour obtenir la majorité aux élections législatives de juin.

Il est moins clair si l’intervention des trois macronistes est une tactique intelligente. Les approbations politiques et de célébrités ne fonctionnent pas toujours, en particulier à une époque où les électeurs sont beaucoup moins déférents envers leurs dirigeants politiques que ne l’étaient leurs parents.

Macron peut y voir une démonstration que les dirigeants européens le tiennent en haute estime et sont conscients de l’importance de la place de la France dans l’UE. Mais cela cadre aussi bien avec le récit de Le Pen. Son équipe aura du mal à présenter cela comme une ingérence étrangère condescendante, indésirable et importune, un exemple de la politique élitiste contre laquelle elle s’oppose.

En outre, ceux qui ont la mémoire longue se souviendront de la façon dont le président Barack Obama et d’autres ont exhorté les Britanniques à ne pas voter pour quitter l’UE avant le référendum sur le Brexit en 2016, savent comment cette tactique s’est retournée contre lui, malgré le fait qu’Obama avait une cote de popularité élevée en Grande-Bretagne. Les électeurs ont tendance à ne pas aimer tout ce qui ressemble à ce qu’on leur dit quoi faire.

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