Le Royaume-Uni coupé dans l’aide au développement, son rang au G7 est en jeu


Des remous politiques au Royaume-Uni, qui va accueillir vendredi un sommet du G7. Ils sont provoqués par une décision de tailler dans le financement de l’aide aux pays pauvres.

Dans une grande économie avancée du Nord, le débat budgétaire autour des volumes de soutien aux pays du Sud tourmente rarement le pouvoir en place. Pourtant, les coupes du gouvernement conservateur britannique dans l’aide publique au développement lui valent actuellement une fronde dans les rangs de son propre parti. Pour l’exercice qui s’est achevé, une enveloppe de 0,7 % du produit intérieur brut a été consacré à ce poste. S’agissant de celui de 2021-2022, cela va descendre à 0,5 %, ce qui représente 5,2 milliards d’euros de moins.

Le ministre des Finances justifie ces restrictions par l’impact sans précédent de la pandémie sur les comptes publics. Rishi Sunak soutient que son pays se trouve celui-ci, en proportion, comme le deuxième donateur du G7, sauf qu’a priori, en se fondant sur les données de l’OCDE, cette fois le ratio du Royaume-Uni passerait derrière de la France . Et au sein du G7, il n’y aurait plus alors que l’Allemagne qui se conformait encore à la cible de 0,7%. Souvent remis en cause dans sa pertinence, cet objectif en valeur absolue demeure, malgré tout, le critère central d’évaluation de l’effort consacré au développement.

« Réputation »

Plus d’une trentaine de députés conservateurs, dont l’ancienne Première ministre Theresa May, ont tenté de faire voter un amendement législatif afin de limiter cette diminution. L’ancien ministre Andrew Mitchell, responsable du dossier dans le cabinet de David Cameron, parle d’un « manque de respect » de l’exécutif pour la Chambre des communes. Et il va loin dans sa dénonciation de ces coupes britanniques dans l’aide extérieure, qui entraînent « incontestablement, des centaines de milliers de décès évitables à travers le monde ».

Sans aller jusque-là, le président de la commission de la Défense de la Chambre, Tobias Ellwood, juge pour sa part, dans le Temps Financier, que la mesure budgétaire avalisée par Boris Johnson est susceptible de nuire à la « réputation » du pays, insistant sur l’idée que « hard et soft power », puissance coercitive et d’influence, sont « les deux faces d’une même pièce ».

Ce serait presque sur ce plan de l’influence sapée que s’est placée une vaste coalition d’organisations non-gouvernementales, dans une lettre envoyée dès novembre dernier au Premier ministre, dont le projet « jette une ombre » sur sa capacité à tenir ses engagements lors du sommet « crucial » du G7 et de la 26ème Conférence des Nations unies sur le climat.

Mais pour l’heure, ces invocations d’une réputation internationale ternie ne modifient l’arbitrage. Le ministère des Affaires étrangères ne désespère pas de convaincre le Trésor d’une nécessité de proposer, à tout le moins, le rétablissement d’une trajectoire vers ce ratio de 0,7 % de la richesse nationale. Sur cette idée, le chancelier de l’Echiquier, Rishi Sunak, ne paraît pas encore disposé à donner satisfaction aux diplomates, même si l’affaire a maintenant pris une dimension multilatérale.

« Grande-Bretagne mondiale »

Il n’est plus seulement question de surmonter un simple épisode de rébellion parlementaire interne avant une rencontre internationale dont on est l’hôte. Il se trouve que c’est un Britannique, Mark Lowcock, qui supervise le département humanitaire au secrétariat général des Nations-Unies.

Dans un entretien à L’observateur, cet ancien ministre conservateur qualifie la décision de « très corrosive pour la confiance ». Il se montre particulièrement heurté que son paye soit le seul au sein du G7 à réduire, de la sorte, le financement de l’aide publique au développement. Et en tant qu’un des responsables principaux au siège de l’ONU, Mark Lowcock juge utile de rappeler que l’ensemble des autres puissances sont confrontés aux « mêmes problèmes économiques ».

Donc, Londres se trouverait ainsi mis à l’index, à une période charnière où Boris Johnson entend mettre en œuvre le « Global Britain », ce concept d’ouverture géoéconomique mondiale poussé juste après le référendum sur la sortie de l’Union européenne.

Ou, un ex-ministre au Brexit, David Davis, partisan de la rupture sans ménagement avec l’UE, voit dans la réduction en cours de l’aide extérieure un « acte d’automutilation diplomatique ». Comprendre qu’en cherchant à boucher un trou de quelques milliards de livres, le Royaume-Uni s’apprête à se priver d’un précieux outil de son redéploiement politique et économique en dehors du bloc européen.

Benaouda Abdeldaim Editorialiste international

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