Le pass sanitaire, une illustration de la fracture numérique



L’arrivée le 9 juin du pass sanitaire, qui protège mieux les données personnelles dans sa version numérique que dans sa version papier, donne une nouvelle illustration des difficultés rencontrées par les personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas s’équiper des derniers outils technologiques pour Interagir avec les pouvoirs publics.

Lors de la présentation du pass sanitaire sur smartphone, les données de santé sont masquées et le QR code – s’il n’est pas scanné – ne permet pas de savoir si l’on est vacciné, si l’on a fait un test PCR ou si l’on a contracté la maladie il y a moins de six mois et que l’on est donc considéré comme sans risque. En revanche, la version papier de l’attestation oblige à présenter le justificatif de l’un des trois cas ci-dessus : l’information sera donc visible, pour les contrôleurs comme pour les éventuels accompagnateurs de la personne qui se fait contrôler. Un problème que l’Assurance maladie recommande de régler… en pliant le papier pour ne faire apparaître que le nom, le prénom, la date de naissance et le code QR lors d’un contrôle.

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« Un smartphone coûte un quart de RSA »

Le smartphone, dont environ un cinquième des Français sont ignorés, est le support préférentiel du pass sanitaire, indispensable pour accéder à des rassemblements ou des événements rassemblant du public. D’après l’autorité de régulation des télécoms, l’Arcep, 23 % des Français n’avaient pas de smartphone en 2019, un chiffre qui était en hausse modeste (+ 2 points) par rapport à 2018, selon le baromètre, qui n’a pas été mis à jour depuis. Ainsi, un cinquième de la population n’est pas en capacité d’installer l’application TousAntiCovid, sur laquelle le pass sanitaire peut être enregistré.

« Un smartphone coûte encore aujourd’hui un quart de RSA », rappelle Marie Cohen-Skalli, directrice d’Emmaüs Connect, la branche de l’organisation dédiée à la réduction de la fracture numérique chez les personnes les plus démunies. Pour elle, la différence de traitement entre le pass sanitaire présenté sur un smartphone et celui présenté en version papier « est un problème », dans la foulée de nombreux autres. « Dès le début de la crise sanitaire, une partie des Français ont été exclus : rien que de pouvoir imprimer une attestation, cela requiert du matériel et une connexion : c’est une barrière ! », assure-t-elle.

Une proposition de loi catastrophique

« Et pour obtenir un certificat de vaccination, encore faut-il pouvoir se faire vacciner… Or, trouver un rendez-vous de vaccination est un vrai défi pour ceux qui n’utilisent pas Internet avec aisance : il ya bien une différence de traitement et d’accès aux soins », conclusion-elle.

La situation numérique des Français les plus pauvres pourrait empirer, puisque la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, qui doit être votée jeudi 10 juin à l’Assemblée nationale, contient de manière surprenante une disposition visant à augmenter le prix des produits reconditionnés, en leur appliquant la redevance pour copie privée. Non seulement cela réduira l’attrait des produits d’occasion, l’un des leviers les plus importants pour réduire l’empreinte environnementale du numérique, mais en plus, la mesure pourrait détruire le modèle des organisations comme Emmaüs Connect, qui revendent à prix cassés des smartphones et des ordinateurs aux personnes démunies.


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