Le ministre français de la Justice sera jugé pour abus de pouvoir


Le ministre français de la Justice Éric Dupond-Moretti doit être jugé par un tribunal spécial pour des allégations selon lesquelles il aurait abusé de sa position pour exercer des représailles contre des juges contre lesquels il avait des rancunes de sa carrière d’avocat de la défense.

Un collège de trois juges a décidé lundi qu’il y avait suffisamment de preuves pour renvoyer l’affaire devant la Cour de justice de la République, la seule instance judiciaire en France habilitée à juger des ministres pour des actes répréhensibles présumés pendant leur mandat.

Les avocats de Dupond-Moretti ont déclaré à l’Agence France-Presse qu’ils contesteraient la décision et ont continué à clamer son innocence.

Dupond-Moretti, qui est devenu célèbre pour avoir défendu le trader voyou de la Société Générale Jérôme Kerviel et le fondateur de WikiLeaks Julian Assange, est le premier ministre de la Justice en exercice à faire face à un tel procès. Transparency International France a appelé lundi à sa démission estimant que le laisser continuer « alimenterait un sentiment de méfiance du public à l’égard de la classe politique ».

Les porte-parole de l’Élysée et du cabinet du Premier ministre n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.

L’affaire a été un casse-tête pour le président Emmanuel Macron, qui a nommé Dupond-Moretti en 2020 et lui a donné un mandat pour réformer le système judiciaire, qui a été en proie à des pénuries de budget et de personnel qui ont causé de longs retards dans les affaires allant des divorces aux crimes graves. .

Peu de temps après que Dupond-Moretti soit devenu ministre, plusieurs syndicats représentant les juges et l’agence anti-corruption Anticor ont déposé une plainte alléguant qu’il « a profité illégalement » de son poste de ministre pour exercer des représailles contre des juges qui avaient traité des affaires le concernant ou concernant ses clients.

Macron a soutenu Dupond-Moretti pour qu’il reste au pouvoir même lorsqu’il a fait l’objet d’une enquête officielle en juillet 2021 – un pas en avant d’un acte d’accusation, selon le système judiciaire français. Mais l’affaire a aggravé les tensions entre le ministre et les juges et le personnel judiciaire qui travaillent sous ses ordres.

« La situation du ministre de la Justice est inédite. . . pas seulement pour le type d’infractions dont il est accusé, qui constituent une grave atteinte à la probité . . . mais aussi pour la façon dont, malgré les responsabilités de sa fonction, il a remis en cause à plusieurs reprises l’impartialité du processus », ont déclaré les deux syndicats dans un communiqué.

Une allégation clé tourne autour du fait que peu de temps avant d’être nommé par Macron, Dupond-Moretti a déposé une plainte alléguant que sa vie privée avait été envahie par le procureur national français pour les délits financiers (PNF). Il a accusé le corps d’avoir abusé de son pouvoir en accédant à ses relevés téléphoniques et à ceux d’autres avocats, lors d’une enquête sur la corruption présumée de l’ancien président Nicolas Sarkozy.

Il a retiré sa plainte après avoir été nommé ministre de la Justice. Peu de temps après, il ordonna une enquête disciplinaire contre deux juges du PNF et leur patronne d’alors, Éliane Houlette.

Parmi les anciens ministres français qui ont été jugés par le tribunal spécial depuis sa création en 1993, figure Christine Lagarde, qui en 2016 a été reconnue coupable de négligence dans l’exercice d’une fonction publique pour ne pas avoir empêché un versement frauduleux de 403 millions d’euros que l’État français a versé à l’entrepreneur Bernard Tapie lorsqu’elle servi comme ministre des Finances.

Béatrice Brugère, une juge qui fait partie d’un syndicat non impliqué dans les plaintes contre Dupond-Moretti, a déclaré qu’il appartenait aux responsables politiques de décider si c’était une bonne idée que le ministre continue à exercer ses fonctions.

« Pour le gouvernement Macron, qui a cherché à mettre l’intégrité au centre de son programme, ce n’est pas un bon signal s’il est condamné », a-t-elle déclaré.

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