Le manque d’unité de l’UE la rend vulnérable à l’extorsion


Le manque d’unité de l’UE la rend vulnérable à l’extorsion

Le manque d'unité de l'UE la rend vulnérable à l'extorsion
Vladimir Poutine signe un gazoduc, Vladivostok, Russie, 8 septembre 2011. (AFP)

Comment l’UE va-t-elle résoudre sa crise énergétique récurrente ? Au cours de la dernière décennie, cela a été une préoccupation constante et une menace directe pour le bloc, mais aucune mesure concrète n’a été prise pour le résoudre. Il y a une incapacité à sortir de ce cercle vicieux, qui resurgit chaque hiver et chaque fois que la crise politique à l’Est éclate.
Il est incroyable que des millions de foyers européens soient aujourd’hui confrontés à des coupures de courant et ne puissent pas chauffer leur logement. Il est également incroyable que l’UE ait besoin des États-Unis pour soutenir des mesures de sauvegarde de dernière minute pour maintenir le vieux continent au chaud avec plus de 50 pétroliers transportant du gaz naturel liquéfié. Les articles de presse l’ont décrit comme la plus grande flottille américaine visant à sauver l’Europe depuis le jour J en 1944. Il est bon de savoir que l’on peut compter sur un allié, mais ces actions d’urgence sont extrêmement contre-productives en termes d’objectifs géopolitiques stratégiques plus larges.
Sans entrer dans une étude énergétique de l’Europe, un rapide instantané permet de comprendre la situation. L’Europe dépend du gaz naturel pour un peu plus de 22 % de sa production d’électricité. C’est cette source de production d’énergie qui est imputée à la situation actuelle. Cela se produit en hiver, lorsque certaines sources de production d’énergie renouvelable n’atteignent pas leurs objectifs. Certains pourraient soutenir que les stratégies de diversification énergétique devraient être blâmées. Le point de vue est qu’ils se sont trop concentrés sur le remplacement des produits pétroliers et la diabolisation de l’énergie nucléaire.
Aujourd’hui, cette crise énergétique est vue uniquement à travers le prisme du gaz naturel. Ainsi, comme un quart de l’approvisionnement en gaz naturel de l’UE provient de Russie et que la majeure partie passe par l’Ukraine, les relations entre le bloc et Moscou ont été qualifiées d’extorsion, en particulier sur le plan politique. Mais la Russie n’est pas à blâmer, surtout quand on regarde la crise des réfugiés. Dans cette crise également, l’UE est soumise au chantage et menacée par d’autres puissances régionales ayant un impact direct sur sa politique étrangère.
Cela me rappelle un dicton : « Perdre un âne est un accident, en perdre deux est de la négligence. Et c’est peut-être juste ça – il y a de la négligence dans le manque d’unité, de politique étrangère et de stratégie de sécurité de l’UE. Cependant, malgré cette raison fondamentale, l’UE continue à ne considérer l’énergie que d’un point de vue étroit. C’est un point crucial, l’histoire l’a prouvé avec la France et son électronucléaire. Le nucléaire représente 70,6 % de sa production totale d’énergie, ce qui donne au pays une certaine indépendance et une plus grande capacité à agir sur les dossiers internationaux. Mais la France ne peut assumer seule cette entreprise. L’UE doit donc rompre avec les menaces constantes qui la placent dans une situation de fragilité.
Ce n’est pas seulement une question de diversification énergétique. En effet, il s’agit aussi de construire et de créer une véritable dissuasion qui permettrait à l’UE de préserver sa sécurité et lui donnerait les moyens de protéger ses propres intérêts sans avoir à demander une aide de dernière minute aux États-Unis. Il est important d’atteindre ces objectifs pour pouvoir faire face à un monde de plus en plus polarisé. Au-delà du thème de la concurrence des grandes puissances entre les États-Unis et la Chine, c’est aussi un monde où les puissances régionales font preuve de plus d’affirmation de soi.

Le bloc doit rompre avec les menaces constantes qui le placent dans une situation fragile.

Khaled Abou Zahr

L’UE, lorsqu’il s’agit de questions de politique étrangère et de sécurité, échoue à cause de sa division. Si nous étudions la situation du gaz, celle-ci est symbolisée par le gazoduc Nord Stream 2. Ce gazoduc de la Russie vers l’Allemagne est achevé mais il n’est toujours pas opérationnel et Bruxelles ne le soutient pas. Le projet est allemand, avec la participation d’entreprises européennes telles que la société française Engie et la société britannique Shell. Cette source de gaz est considérée par l’Allemagne comme une option viable dans la transition verte, ainsi qu’un moyen efficace de contourner l’Ukraine.
Or, pour l’UE, cela va à l’encontre des objectifs de diversification des sources mais aussi des fournisseurs. L’UE considère ce projet comme une consolidation supplémentaire de sa dépendance à l’égard de la Russie, ce qui place le bloc dans une situation encore plus précaire. En fait, certaines voix au sein de l’UE considèrent l’Iran comme une source alternative viable de gaz. L’Iran représente environ 17% des réserves mondiales totales de gaz naturel. Cela pourrait expliquer l’empressement de l’UE à conclure un accord sur le nucléaire et à lever les sanctions contre Téhéran. Cependant, même si l’UE pouvait approvisionner ses foyers en gaz iranien, elle se retrouverait dans la même situation d’extorsion.
Encore une fois, il ne s’agit pas simplement d’une question d’énergie, car il en va de même pour la crise des réfugiés et d’autres problèmes. Si l’UE est perçue comme faible, ces situations d’extorsion ne prendront pas fin. Il est donc urgent que le bloc définisse une politique étrangère commune et unique et construise une infrastructure de sécurité et militaire appropriée pour la mettre en œuvre et protéger les intérêts de ses États membres. Seul cela permettra à l’UE de rééquilibrer les relations.

  • Khaled Abou Zahr est PDG d’Eurabia, une entreprise de médias et de technologie. Il est également rédacteur en chef d’Al-Watan Al-Arabi.

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