Le Bénin expose des trésors pillés restitués par la France
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Le président béninois Patrice Talon inaugurera samedi une exposition d’œuvres d’art historiques restituées par la France l’année dernière, près de 130 ans après leur vol par les forces coloniales. Les pièces doivent être exposées à côté des œuvres de 34 artistes contemporains, dans le cadre d’une initiative d’un milliard d’euros visant à renforcer l’infrastructure culturelle du pays.
Les 26 pièces, certaines considérées comme sacrées au Bénin, seront exposées à partir de dimanche dans un espace de 2 000 mètres carrés (21 500 pieds carrés) du palais présidentiel de Cotonou dans le cadre d’une exposition intitulée « L’art béninois d’hier et d’aujourd’hui ».
Le retour des artefacts par la France intervient alors que les appels se multiplient en Afrique pour que les pays occidentaux restituent les dépouilles coloniales de leurs musées et collections privées.
La Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne ont tous reçu des demandes de pays africains pour restituer des trésors perdus. L’Allemagne et la Belgique ont pris des mesures similaires à celles de la France, en lançant des processus de restitution avec le Nigeria et la République démocratique du Congo.
Les 26 pièces restituées en novembre après deux ans de négociations entre Paris et Cotonou, ont été volées en 1892 par les forces coloniales françaises à Abomey, capitale de l’ancien royaume du Dahomey situé au sud de l’actuel Bénin.
« Avec cette exposition, nous rendons au peuple béninois une partie de son âme, une partie de son histoire et sa dignité », a déclaré à l’AFP le ministre béninois de la Culture, Jean-Michel Abimbola.
Les objets « ont été pris à un royaume, mais ils reviennent à une république ».
Avant son unification, le Bénin était composé de plusieurs royaumes, dont le Dahomey, connu pour sa culture artistique dynamique.
Dans la première salle de l’exposition, d’immenses murs noirs offrent la solennité d’un étalage des trônes du Dahomey, dont le trône de sculpture en bois et métal du roi Ghezo.
« Depuis qu’il a été installé, je n’ai pas cessé de le contempler », a déclaré Theo Atrokpo, l’un des guides de l’exposition.
« Je l’avais déjà vu au musée du Quai Branly en France, mais le voir ici, chez nous, ça fait revivre une partie de notre âme et renoue avec notre histoire. »
‘Très émotif’
Le président Talon inaugurera officiellement l’événement samedi soir avant son ouverture au public.
Aux côtés des trésors royaux, les œuvres de 34 artistes contemporains ont été sélectionnées pour l’exposition.
« C’est très émouvant d’être devant ce trône. Mais je n’aurais jamais imaginé qu’il serait si grand », a déclaré Laeila Adjovi, une artiste franco-béninoise dont le travail est également exposé.
« Cette restitution a donné le coup d’envoi d’un plan visant à accélérer l’investissement culturel du Bénin », a déclaré Georja Calvin-Smith de FRANCE 24 depuis Cotonou.
« Au cours des quatre prochaines années, environ 1 milliard d’euros seront investis dans l’infrastructure culturelle du pays, avec la construction de quatre musées de classe mondiale axés sur tout, de l’histoire de l’esclavage au vaudou et à l’art contemporain. Le plan est pour faire de l’art, de la culture et du tourisme qui, espérons-le, accompagne cet investissement une part importante de l’économie du pays. »
« Le retour de ces 26 premières œuvres fait également partie d’un effort plus large pour tenter de récupérer des parties du patrimoine artistique du Bénin qui sont actuellement détenues ailleurs ».
« Le spectacle s’inscrit dans le projet du gouvernement de mettre le Bénin sur la carte en tant que centre culturel mondial. »
Le président français Emmanuel Macron s’est efforcé de restaurer le patrimoine africain, dans le cadre de ses efforts plus larges pour tourner la page des relations troublées de la France avec l’Afrique. Lors d’une visite au Burkina Faso en 2017, le dirigeant s’est engagé à « restituer l’héritage africain à l’Afrique », reconnaissant les « crimes indéniables de la colonisation européenne ».
Le ministre béninois de la Culture a déclaré que des discussions étaient en cours pour restituer d’autres objets, dont la sculpture du dieu Gou, qui se trouve au musée du Louvre à Paris.
Les législateurs français ont adopté un projet de loi en 2020 permettant à Paris de restituer des artefacts au Bénin et au Sénégal, une autre ancienne colonie française, plus d’un siècle après leur pillage par les forces coloniales.
Certains ont été saisis par les administrateurs coloniaux, les troupes ou les médecins et transmis aux descendants qui à leur tour en ont fait don à des musées en Europe et aux États-Unis.
Mais d’autres étaient des cadeaux aux missionnaires ou acquis par des collectionneurs d’art africain au début du XXe siècle ou découverts par des expéditions scientifiques.
Un rapport commandé par Macron dénombrait quelque 90 000 œuvres africaines dans les musées français, dont 70 000 au seul Quai Branly.
La restitution par la France au Bénin de ces 26 œuvres d’art a nourri l’espoir que d’autres pays européens et institutions culturelles suivront. Le rapport note que des centaines de milliers d’autres objets sont conservés en Belgique, au Royaume-Uni, en Autriche et en Allemagne. Les musées nationaux d’Afrique, en revanche, ont rarement des collections dépassant 3 000 œuvres. Ces objets ont aussi souvent moins de valeur artistique.
(FRANCE 24 avec AFP)