L’Allemagne et l’Espagne déclarent la guerre à l’énergie nucléaire, voici pourquoi ils peuvent le regretter


Selon un rapport de Reuters, sept États de l’UE, l’Allemagne en tête, se mobilisent contre les ambitions de la France d’étendre l’infrastructure de l’énergie nucléaire en Europe. Dans le sillage des questions sans fin sur l’avenir de l’intégrité de l’Europe dans les infrastructures énergétiques, cela ne peut que devenir très moche si une solution n’est pas trouvée. Voyons quelques détails.

Il a fallu bien plus de facteurs que la simple invasion russe de l’Ukraine pour provoquer le snafus énergétique moderne de l’Europe. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les nations respectives du continent européen ont adopté des approches sur mesure et souvent radicalement différentes de leurs réseaux énergétiques nationaux. Dans le cas de la France en particulier, la volonté de compléter une flotte de réacteurs à fission nucléaire qui serait le toast de l’Europe est devenue l’un des héritages définitifs du gouvernement Charles De Gaulle.

Charles de Gaulle lui-même a établi le premier programme de recherche nucléaire commerciale en France alors qu’il était président du gouvernement provisoire de la République française. Essentiellement, les dirigeants nouvellement rétablis du gouvernement français en exil sont revenus au pouvoir après la libération de Paris. Plus tard, dans les années 1970, le Premier ministre français Pierre Messmer a mis en œuvre des réformes énergétiques qui ont fait de son réseau nucléaire le titan qu’il est aujourd’hui.

Pendant ce temps, en Allemagne, l’histoire ne pourrait pas être plus différente en 2023. Le programme nucléaire allemand d’avant-guerre a exilé nombre de ses scientifiques et ingénieurs juifs suite à la montée du parti nazi au début des années 1930. Des esprits célèbres comme Albert Einstein faisaient partie de ceux qui ont été forcés de fuir aux États-Unis. Le premier réacteur nucléaire commercial allemand n’a été mis en service qu’en 1969.

Usine de fission nucléaire française

Photo : Tableau de bord climatique

C’est 15 ans après le premier réacteur commercial américain à Shippingport, en Pennsylvanie, et 13 ans après le premier en service français, la centrale nucléaire de Marcoule près de Bagnols-sur-Cèze dans le département français du Gard. Le sentiment antinucléaire en Allemagne de l’Ouest et plus tard en République fédérale d’Allemagne réunifiée est à l’avant-garde de la société indigène depuis les années 1970. Parfois, et surtout après la catastrophe de Tchernobyl (Tchernobyl) de 1986, ces protestations ont même dégénéré en émeutes.

De tels sentiments n’ont été renforcés qu’en 2011 par l’effondrement de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi au Japon à la suite d’un tremblement de terre dévastateur. Pas moins de quelques jours après cette catastrophe technique qui a marqué la décennie, les manifestations de Berlin à la Bavière et partout entre les deux ont fait une déclaration profonde. Le sentiment public contre l’énergie nucléaire en Allemagne avait atteint un niveau historiquement bas.

À ce titre, une ordonnance nationale a été promulguée par laquelle huit réacteurs à fission allemands localisés dans le nord et le sud du pays devaient être arrêtés et déclassés au début des années 2020. Toute cette histoire a atteint son paroxysme ce mois-ci lorsqu’une coalition dirigée par l’Allemagne mais comprenant également l’Espagne, le Danemark, l’Irlande, le Luxembourg et le Portugal a appelé l’UE à ne pas s’inspirer de la France dans sa mission d’atteindre 100% sans carbone l’énergie d’ici 2030.

Conformément au droit de l’UE universellement accepté, chaque nation représentée dans cet appel doit soumettre ses griefs au pays qui représente les négociations politiques de l’UE. Dans ce cas, ce serait la Suède. Une fois soumises, les vertus de la coalition anti-nucléaire de l’UE seront mises en balance avec des nations comme la France, la Pologne et la République tchèque, fermement en faveur du renforcement de la recherche nucléaire.

Centrale nucléaire de Saint\-Laurent

Photo: TAFKAS

Parallèlement à cette querelle paneuropéenne, des groupes de recherche sur l’énergie nucléaire à travers le continent continuent de faire des progrès dans la recherche sur la fission et la fusion. Le plus grand réacteur de fusion de classe Tokamak au monde à l’installation ITER en France devrait terminer sa production en 2025. Pendant ce temps, un Tokamak de taille similaire et entièrement opérationnel réside au Royaume-Uni dans le cadre de l’initiative de laboratoire Joint European Torus (JET).

Il semblerait qu’aussi rapidement que la recherche sur l’énergie nucléaire en Europe fasse des progrès quantiques, les forces qui cherchent à y mettre un terme se lèvent continuellement pour les contrer. L’Allemagne et plusieurs autres pays d’Europe ont peut-être été épargnés de mourir de froid sous la menace des coupures de gaz de la Russie. Mais alors que la guerre en Ukraine fait rage, rien ne garantit que ce sera le cas l’hiver prochain ou l’hiver d’après.

Qu’il s’agisse de l’énergie solaire, de l’énergie géothermique, des éoliennes ou d’autres nouvelles sources d’énergie plus respectueuses de l’environnement, il est difficile d’affirmer que l’une d’entre elles est aussi puissante que ce que peuvent être les réacteurs à fission nucléaire modernes protégés par la sécurité. Bien que le débat sur le traitement du problème de l’élimination des déchets nucléaires reste aussi ardent que jamais, il est possible que l’Allemagne et sa coalition anti-atomique en viennent un jour à regretter leur décision de tourner le dos à l’énergie nucléaire.

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