L’Actualité du Roman Noir : Le Lectueur


28/07/2022 | Jean-Pierre Ohl : Le Lectueur – éditions L’arbre vengeur- mars 2022 –320 pages- 16 €

Jean-Pierre Ohl : Le Lectueur – éditions L'arbre vengeur- mars 2022 –320 pages- 16 €

Une épidémie criminelle semble faire des victimes parmi les écrivains, rumeur alimentée par des articles de presse et l’image récurrente d’une guillotine fendant en deux un livre ouvert : c’est ainsi que débute le dernier roman de Jean-Pierre Ohl, noir , drôle et solidement ancré dans l’histoire culturelle des années 1970 de Bordeaux.

Un cercle de lecteurs assez disparate s’attaque à ce mystère comme seul un imaginaire débridé, produit par la même littérature, peut l’autoriser : on y trouve un libraire ayant toutes les apparences d’un vieil ours atrabilaire et célibataire, écossais d’ origine et jadis rugbyman. Cet Ebenezer Krook (déjà à l’œuvre dans l’un des précédents romans de notre auteur, Monsieur Dick ou le dixième livre, édité à la Table ronde) comme aide de camp une étudiante, Lucie, stagiaire resplendissante qui ressemble tant à l’actrice Jean Seberg. Le troisième membre est un policier à la retraite, d’origine espagnole, républicain dans l’âme et anarchiste de cœur, qui gère ainsi les contradictions apparentes entre le métier qu’il exerce et l’essence même de son être : « Les anarchistes sont tellement épris de l’ordre qu’ils n’en supportent aucune caricature. »hum, il faut suivre le sophisme.

Autour du trio initial gravitent des personnages pas si secondaires que ça, des condisciples de Julie en classe préparatoire au lycée Camille Julian, et une poignée de leurs professeurs. Leur enquête les mène vers un quatuor qui, déjà, planchait sur le problème quelques 20 ans auparavant. Les deux groupes – ou plutôt, du côté du plus ancien, les rescapés – et leurs comparses se regardent et se jaugent, comme à miroir renversé.

De la lecture considérée comme un assassinat

On appréciera l’analyse amusante des rapports lecteur-auteur, au centre de l’affaire :« Souvent le lecteur s’agace… Il voudrait que l’héroïne soit brune- elle est rousse-, que le soleil brille- il pleut des cordes. Chaque nouvelle phrase est une pelletée de terre jetée sur le cercueil du livre qu’il aurait aimé lire. Ou bien dans la forêt de signes savamment disposés par l’auteur, il défriche à grands coups de machette un seul chemin rectiligne, détruisant du même coup des potentialités infinies. Autrement dit, en émasculant le texte par sa vision donc univoque et réductrice, il devient… une sorte d’assassin. ». Tout est dit, ô lecteur, faux frère de l’auteur…

Les péripéties ont une aire géographique principale, Bordeaux, avec quelques incursions dans les Landes. Peut-être que les habitants de la métropole se souviendront et arpenteront, avec les enquêteurs, les lieux emblématiques de l’époque ; les autres, et les premiers également, aimeront se perdre dans les méandres de cette vaste enquête littéraire, qui de l’aveu même de ses acteurs, n’est pas certain de trouver une solution à 100 %. Qu’importe ! On aimera ici instiller lentement son plaisir de lecteur.

Bernard Daguerre
Par Bernard Daguerre

Crédit Photo : La Machine à Lire

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