La télévision internationale chinoise privée d’antenne au Royaume-Uni


Les bureaux de la chaîne internationale chinoise CGTN (China Global Television Network), à Londres, le 4 février 2021.

La révocation jeudi 4 février par l’Ofcom, le régulateur britannique des médias, de la licence de la chaîne internationale chinoise CGTN (China Global Television Network), la première plate-forme d’information chinoise à destination du reste du monde, est un camouflet sérieux aux prétentions de Pékin en matière de douce puissance. Il intervient un an après que le département d’État américain a désigné CGTN et d’autres médias officiels chinois comme des «missions étrangères». Pour la chaîne chinoise internationale, qui envisageait de déménager son quartier général européen de Londres à Bruxelles, il n’y a pas pire publicité, sans compter que l’Ofcom devrait sous peu d’annoncer d’autres sanctions au sujet de «Confessions forcées» de plusieurs suspects chinois et étrangers en Chine, diffusées par la chaîne et réalisées en collaboration étroite avec la police chinoise.

«La Chine est dans une position difficile pour l’intervention. Sa réponse naturelle est la colère, car elle ne voit pas la différence entre un régulateur indépendant et le gouvernement en général. Elle va s’en prendre à la BBC. Mais elle va devoir veiller à ne pas trop attirer l’attention sur la question, car cela pourrait amener d’autres pays, y compris en Europe, à diligenter des enquêtes similaires », explique au Monde le militant suédois Peter Dahlin, directeur de Safeguard Defenders, l’ONG qui a saisi l’Ofcom en 2020 sur les irrégularités dans le statut de la chaîne chinoise. M. Dahlin, qui a animé pendant plusieurs années, en Chine, une ONG de soutien aux avocats chinois, avait été mis au secret à Pékin en janvier 2016 par la police, puis avait dû faire des aveux forcés à la télévision, avant d ‘ être finalement expulsé de Chine.

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Le régulateur britannique a jugé que le droit d’émettre accordé à la société Star China Media Limited était trompeur, puisque cette société, «Exer[çait] pas de responsabilité éditoriale sur le contenu diffusé par CGTN ». La chaîne avait reçu un délai pour se conformer aux règles, qui interdisent notamment au détenteur d’une licence d’être contrôlée par un organe politique. Et pour cause: CGTN et sa maison mère CCTV, la télévision centrale chinoise, dont elle a représailles les chaînes d’information en anglais, dépendant directement du Parti communiste chinois (PCC).

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Le rapport remis par Safeguard Defenders à l’Ofcom se fonde sur la restructuration, en 2018, des médias d’État chinois. En octobre de l’année précédente, Xi Jinping avait, lors d’un discours fleuve prononcé au 19e congrès du Parti communiste, entériné le grand retour du PCC au centre du système politique: «Parti, gouvernement, militaires, civils et universitaires; à l’est, à l’ouest, au sud, au nord et au centre, le Parti dirige tout. » Finie la division de façade entre le PCC et une myriade d’institutions: le Parti va dès lors des phagocyter. C’est ainsi que l’administration d’État de la presse, de la radio, du cinéma et de la télévision, l’agence ministérielle ne dépend pas de CCTV, mais aussi tout le cinéma chinois, est supprimée. De nouvelles directives placent «La production de l’information et la culture» sous la «Direction unifiée du Parti», en l’occurrence le Département central de la propagande du PCC. De multiples documents officiels chinois détaillent le rôle explicite du Parti. CCTV a ainsi pour «Principales responsabilités de propager les théories, la ligne politique et les politiques du Parti; de planifier et de gérer les grands reportages de propagande », et à l’étranger, de «Bien raconter l’histoire de la Chine».

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