La monnaie néo-coloniale permet l’exploitation française



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Par Anis Chowdhury et Jomo Kwame Sundaram

SYDNEY et KUALA LUMPUR, 2 août 2022 (IPS) – Les accords de caisse d’émission de style colonial ont permis la poursuite de l’exploitation impérialiste des décennies après la fin de la domination coloniale formelle. Ces systèmes monétaires néocoloniaux persistent malgré de modestes réformes.

En 2019, le vice-Premier ministre italien Luigi Di Maio a accusé la France d’utiliser des arrangements monétaires pour « exploiter » ses anciennes colonies africaines, « d’appauvrir l’Afrique » et de faire « partir puis mourir en mer ou arriver sur nos côtes ».

CFA néo-colonial
Lorsque la France a ratifié les accords de Bretton Woods le 26 décembre 1945, elle a créé la zone franc des Colonies françaises d’Afrique (CFA), permettant à la France de mettre à jour les arrangements monétaires coloniaux d’avant-guerre.

L’intention apparente du « franc des colonies françaises d’Afrique » (FCFA) était de protéger les colonies françaises de la dévaluation drastique du franc français (FF) nécessaire pour arrimer sa valeur au dollar américain, comme convenu à Bretton Woods.

Alors ministre français des Finances, René Pleven, a affirmé : « Dans une démonstration de générosité et d’altruisme, la France métropolitaine, souhaitant ne pas imposer à ses filles lointaines les conséquences de sa propre pauvreté, fixe des taux de change différents pour leur monnaie ».

En décembre 1958, le franc CFA devient le « Franc de la Communauté Financière Africaine » (toujours FCFA). En 1960, le président Charles de Gaulle fait de l’adhésion à la CFA une condition préalable à la décolonisation en Afrique occidentale et centrale française.

Ces dernières années, le CFA a impliqué 14 pays d’Afrique subsaharienne, principalement francophones, dans deux unions monétaires, toutes deux utilisant le FCFA : l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).

L’UEMOA comprend le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, tandis que la CEMAC comprend le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.

Les « avantages incontestables » de la France
En tant que ministre des finances de de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing (plus tard président) s’est plaint à juste titre du « privilège exorbitant » du dollar américain. Mais il semblait parfaitement ignorant du rapport du Conseil socio-économique français de 1970 sur les « atouts incontestables du CFA pour la France ».

Premièrement, la France pourrait payer les importations en provenance des pays CFA avec sa propre monnaie, économisant ainsi des devises pour d’autres obligations internationales. Cela est devenu particulièrement avantageux lorsque le FF était faible et instable.

Deuxièmement, le Trésor français a souvent payé des taux d’intérêt réels négatifs pour les réserves en CFA. Ainsi, les pays CFA l’ont payé pour détenir leurs réserves de change ! Les revenus de placement accumulés sont déployés dans le cadre de l’aide française aux pays CFA sous forme de prêts remboursables avec intérêts !

Mais les pays CFA eux-mêmes ne peuvent pas utiliser leurs propres réserves comme garantie de crédit car elles sont détenues par le Trésor français. Ainsi, pendant la crise financière mondiale, ils ont dû emprunter, principalement à la France, à des taux commerciaux.

Troisièmement, en fournissant des FCFA au taux fixe, le seigneuriage – la différence entre le coût d’émission de la monnaie et sa valeur nominale – revenait effectivement à la France et à la Banque centrale européenne.

Pour chaque euro ainsi déposé, l’équivalent en FCFA est émis et mis à la disposition du pays déposant. Lorsque la France a rejoint l’euro en 1999, un euro valait 6,55957 FF, soit 655,957 FCFA.

Quatrièmement, les entreprises françaises opérant en CFA ont pu librement rapatrier des fonds sans encourir de risque de change.

Les économies CFA ont ainsi effectivement cédé la souveraineté monétaire au Trésor français. Sans surprise, le contrôle monétaire de la France a servi ses propres intérêts économiques, et non ceux des membres du CFA.

Élites CFA, mécènes français
Le CFA profite non seulement à la France, mais aussi aux élites des pays CFA. Leur appétit pour les modes de vie faux français explique leur préférence pour les taux de change surévalués.

Le CFA facilite également les sorties financières, aussi illicites soient-elles, tant qu’elles ne remettent pas en cause le statu quo néocolonial. Pendant des décennies, toutes sortes de gouvernements français ont constamment soutenu ces élites, soutenant souvent un régime despotique.

Lorsque ses intérêts en Afrique ont été menacés, la France a déployé unilatéralement des troupes de combat et des armements supérieurs, insistant toujours sur son droit « légitime » à le faire.

La France serait à l’origine de coups d’État militaires et même d’assassinats de personnalités éminentes critiques de ses intérêts, de sa politique et de ses stratagèmes. Le 13 janvier 1963, deux jours seulement après avoir émis sa propre monnaie, le président togolais Sylvanus Olympio a été tué lors d’un coup d’État.

En 1968, six ans après avoir retiré le Mali du CFA, son leader indépendantiste et premier président, Modibo Keita a été évincé par un coup d’État après avoir tenté de développer son économie selon des lignes plus indépendantes et progressistes.

Plus ça change, plus la même chose
Lors de la création du CFA en 1945, les colonies déposaient 100 % de leurs réserves de change sur un « compte d’exploitation » spécial du Trésor français. Cette exigence a été ramenée à 65 % de 1973 à 2005, puis à 50 %, plus 20 % supplémentaires pour les opérations quotidiennes en devises ou « passifs financiers ».

Ainsi, les États CFA sont encore privés de la majeure partie de leurs recettes en devises, n’en retenant que 30% ! Pendant ce temps, la Banque de France détient 90% des réserves d’or CFA, ce qui en fait le quatrième plus grand détenteur de réserves d’or au monde.

L’arrangement FCFA devait prendre fin pour les pays de l’UEMOA à partir du 20 mai 2020. Cependant, la monnaie « éco » ouest-africaine proposée n’est toujours pas encore en circulation, tandis que le transfert des réserves en euros du Trésor français à la Banque centrale ouest-africaine n’a pas encore eu lieu. se passer.

Alors que seulement six anciennes colonies françaises d’Afrique centrale restent officiellement dans le CFA, la réforme est moins qu’il n’y paraît. La France reste le «garant financier» de l’UEMOA, nommant un membre «indépendant» au conseil d’administration de sa banque centrale.

Après sa création, la parité FCFA a été fixée à 50 pour un FF. Le 12 janvier 1994, le FCFA a été dévalué de moitié, comme demandé par le Fonds monétaire international et soutenu par la France, suite à la chute des prix des matières premières et aux problèmes de change connexes.

La dévaluation a choqué les économies CFA alors que la valeur du FCFA a chuté de 50 % du jour au lendemain ! Cela a fait grimper les prix des biens importés, notamment alimentaires, tout en augmentant le pouvoir d’achat des FF.

Pendant ce temps, huit dévaluations de FF entre 1948 et 1986 par rapport au dollar et à l’or ont également signifié de grandes pertes à la valeur des réserves de CFA. L’affirmation selon laquelle les pays CFA ont bénéficié de l’ancrage du FCFA à un FF soi-disant stable a été sapée par sa dévaluation cumulée de 70% sur cette période !

Pas de souveraineté, pas de développement
Le président du Parti socialiste François Mitterrand n’était pas moins néo-colonialiste. Il a averti que la France deviendrait inutile au 21e siècle sans contrôler l’Afrique.

En 2008, l’ex-président Jacques Chirac aurait déclaré : « Nous devons être honnêtes et reconnaître qu’une grande partie de l’argent dans nos banques provient précisément de l’exploitation du continent africain. Sans l’Afrique, la France glissera [to] le rang d’une puissance du tiers-monde.

Prétendant appartenir à une autre génération, le président Emmanuel Macron a promis de mettre fin aux arrangements néocoloniaux. Pourtant, lors du sommet du G20 de 2017, il a déclaré avec condescendance que le problème de l’Afrique était « civilisationnel ».

Une telle condescendance néo-coloniale refuse de reconnaître l’exploitation continue par la France de ses colonies d’Afrique occidentale et centrale. De toute évidence, les arrangements en matière de monnaie CFA ont limité leur marge de manœuvre et leur progrès en matière de politique économique.

L’exploitation de style colonial s’est donc poursuivie en Afrique longtemps après la décolonisation. Sans surprise, le président tchadien Idriss Deby a déclaré : « il faut avoir le courage de dire qu’il y a un cordon qui empêche le développement en Afrique et qu’il faut couper ».

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