La modélisation électorale de The Economist devrait réjouir Emmanuel Macron


MOROSITÉ, MALHEUR, dégagisme : ce sont des temps moroses en France. Le Covid-19 est peut-être en voie de disparition, mais il entrave toujours la vie quotidienne et le bon fonctionnement de l’économie. L’inflation, alimentée par les problèmes de chaîne d’approvisionnement induits par la maladie et la flambée des prix du gaz naturel, menace les budgets des ménages. La Russie et l’Ukraine sont au bord de la guerre. Rien d’étonnant à ce que seuls 17 % des Français pensent que 2022 sera meilleure que 2021, et que quelque 45 % ont l’intention en avril de voter au premier tour pour un candidat à la présidence issu des extrêmes politiques. Pourtant, malgré tout, le président Emmanuel Macron a quatre chances sur cinq d’être réélu, selon le nouveau modèle électoral que nous lançons cette semaine.

Notre prévision est la dernière d’une série de modèles statistiques que nous avons construits et qui utilisent des données sur la fiabilité des sondages passés pour analyser les élections encore en cours. Lors du concours présidentiel américain en 2020, par exemple, nous avons donné à Joe Biden une très grande chance de gagner même si les sondages étaient plus erronés que d’habitude. Lors des élections allemandes de l’année dernière, nous avons calculé une bonne chance de succès pour les sociaux-démocrates, qui y dirigent maintenant le gouvernement. Et en 2017, nous avons constaté que M. Macron était extrêmement susceptible de vaincre Marine Le Pen, même si les experts affirmaient qu’elle avait de bonnes chances de l’emporter. Bref, nos modèles de prévision ont fait leurs preuves.

Le 2 février, notre modèle, qui sera mis à jour quotidiennement, donnait à Emmanuel Macron 79 % de chances de victoire. Ce chiffre changera au fil de la campagne. Nous sommes plus optimistes que les marchés internationaux des paris, qui évaluent ses chances à environ 70 %. L’avance confortable de M. Macron au premier tour de scrutin ne suggère que 8% de chances qu’il soit éliminé. Et il bénéficie d’un solide avantage sur tous ses adversaires du second tour dans les sondages en tête-à-tête, même contre Valérie Pécresse, sa plus proche challenger dans de tels affrontements. Contre son adversaire la plus probable, Marine Le Pen, notre modèle suggère 88% de chances de victoire au deuxième tour. Parce qu’il s’agit d’un travail de statisticiens et non de magiciens, nous sommes heureux de vous dévoiler nos méthodes.

Ce que les statistiques n’expliquent pas, c’est la politique derrière les chiffres des sondages qui sont les données brutes de notre modèle. Ils reflètent en grande partie le succès de M. Macron à chevaucher le centre-droit et le centre-gauche en France, attirant dans son gouvernement d’anciens socialistes et d’anciens républicains. Les extrêmes sont éclatés, ce qui l’aide aussi. Et le président a, de manière assez improbable, bénéficié du covid, que son gouvernement a raisonnablement bien géré. La pandémie a engendré une énorme expansion des dépenses de l’État à un moment où certaines de ses réformes du marché du travail auraient pu provoquer davantage de tensions. Il a également utilisé la pandémie comme excuse pour suspendre les réformes des retraites qui auraient pu lui nuire. Mme Pécresse n’a pas encore présenté sa plate-forme complète, mais jusqu’à présent, elle n’a pas proposé de politiques substantiellement différentes.

Même si l’élection semble aujourd’hui presque une formalité, cela pourrait facilement changer. Mme Pécresse pourrait bien battre le président si elle parvient au second tour. Nous ne lui donnons actuellement que 32 % de chances de réussir, mais cette probabilité changera à mesure que la campagne s’intensifiera. En outre, une chance de succès de 79 % n’est en aucun cas une certitude, comme en attesterait quiconque a envisagé un jeu de roulette russe, où les chances sont encore meilleures.

Cette élection mérite d’être suivie de près. M. Macron est candidat à la tête de l’Union européenne, qui a un poste vacant à pourvoir. Olaf Scholz, le nouveau chancelier allemand, semble réticent à reprendre le flambeau européen d’Angela Merkel. L’Italie a esquivé une balle en évitant un vote anticipé, mais reste confrontée à l’incertitude. La Bretagne a disparu. La France compte plus que longtemps. Il est très important de savoir qui est responsable.

Cet article est paru dans la section Leaders de l’édition imprimée sous le titre « Statistiquement significatif »

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