La fin des procédures contre Michel Arsenault et la lutte contre les abus dans le sport


Michel Arsenault ne pouvait pas bénéficier d’un procès juste et équitable à cause d’erreurs commises par l’enquêteur principal au dossier à la Sûreté du Québec (SQ), a expliqué le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) pour expliquer l «arrêt du processus judiciaire.

Le policier Éric Lefebvre avait omis de prendre des notes pendant plusieurs entretiens avec des plaignantes et des témoins. Ou, il était tenu de transmettre des informations détaillées aux deux parties en vue du procès, a précisé le DPCP.

D’ailleurs, la SQ a ouvert une enquête à l’interne après l’abandon des procédures contre Michel Arsenault

Les plaignantes ont accueilli avec déception l’arrêt des procédures. On a de l’empathie envers ces personnes-là. On tient aujourd’hui à souligner la résilience et le courage ont eus dans leur témoignage à l’enquête préliminaire, a tenu à dire la procureure en chef adjointe du DPCP, Rachelle Pitre.

Selon Sylvain Croteau, directeur général de Sport’Aide, organisme qui offre des services d’accompagnement pour les athlètes victimes de harcèlement ou d’abus, cette affaire pourrait décourager d’autres athlètes victimes d’abus dans leur volonté de dénoncer.

C’est frustrant, c’est décevant, c’est difficile de trouver le mot juste et ce n’est rien pour donner confiance à d’autres victimes qui vivent d’autres choses ailleurs dans d’autres contextes pour dire: « Moi , je veux qu’on s’occupe de ma situation, je veux porter plainte. Je veux dénoncer un individu, un homme, une femme qui a des comportements inacceptables « , dit-il d’emblée.

Je pense qu’il faut les inviter à garder confiance, continue-il. Je ne veux pas questionner ou requestionner le processus de ce qui est arrivé dans cette situation-là, s’il y a eu des manquements ou quoi que ce soit, mais il faut garder espoir que les processus seront optimisés pour s’assurer et faire en sorte que l’on ait les victimes à l’esprit tout le temps.

On a lancé une politique-cadre récemment et on est content de voir qu’il y a un comité des plaintes avec un officier indépendant, rappelle aussi Sylvain Croteau. On a tous à cœur la pratique du sport dans un environnement sécuritaire et il est clair que quand il arrive quelque chose comme hier (arrêt des procédures), ça ne peut pas faire autrement que nous décevoir, nous fâcher, mais il faut qu ‘sur aille plus longe.

Plan rapproché de Sylvain Croteau porte une chemise blanche et des lunettes.  Il se trouve debout sur un trottoir, il fait soleil, c'est l'été.

Sylvain Croteau, directeur général de Sport’Aide

Photo: Radio-Canada

Au cabinet de la ministre Isabelle Charest, qui est à l’origine de cette loi-cadre, on ne fera aucun commentaire.

Des accusations avaient été portées et donc le processus s’était rendu jusqu’au bout, c’est du ressort de la police maintenant et non de notre ministère, dit son attachée de presse.

C’est grave de voir un tel amateurisme

La députée du Parti québécois Véronique Hivon a travaillé dans le comité contre les abus sexuels. Pour elle, c’est un échec.

Au-delà de cet échec retentissant du système, c’est une répercussion énorme pour les victimes, pour les plaignantes et c’est ça qui est le plus choquant, c’est qu’on a le sentiment que toujours et encore pour des crimes qui sont difficiles à dévoiler, des cheminements qui sont pénibles, on ne semble pas prendre toute la mesure de ce que cela nécessite pour une victime de s’embarquer dans le processus judiciaire et faire confiance à ce processus-là. Et de bâcler aussi gravement une enquête, je pense que cela scandalise tout le milieu, insiste la députée.

Ce qui ajoute l’insulte à l’injure, c’est que l’on est dans un type d’infraction extrêmement complexe, intime et qui demande une force hors du commun pour aller de l’avant comme ces athlètes-là l ‘ on fait, et que l’on a laissé tomber les athlètes en prenant le dossier autant à la légère et en faisant des erreurs comme on l’a fait, poursuit Véronique Hivon.

C’est grave de voir un tel amateurisme. Alors oui, on demande des comptes et l’autre a choisi qui nous questionne, c’est comment le DPCP, avec un dossier aussi grossièrement monté, a pu dire qu’il n’avait pas besoin de compléments d’enquête pour porter des accusations , pour après se retirer des procédures.

La Sûreté du Québec a précisé à Radio-Canada Sports qu’elle prenait la situation très au sérieux, mais qu’elle ne ferait aucun commentaire pour le moment.

Il y a encore beaucoup de travail à faire

Lors de l’enquête de Radio-Canada Sports qui a conduit à l’arrestation de Michel Arsenault, il y a eu plus de 60 entrevues réalisées. Certaines victimes ont eu le courage de témoigner. Aujourd’hui, après l’arrêt des procédures, elles ne veulent plus parler. Une réaction normale pour Sylvain Croteau.

C’est difficile de les blâmer. Honnêtement, à qui peux-tu faire confiance ensuite?

Sylvain Croteau, directeur général de Sport’Aide

J’essaye de me mettre à leur place et je peux comprendre que tu n’aies plus confiance en qui que ce soit. Tu as eu confiance en une personne dans ton sport, manifestement, qui a trahi leur confiance. Une fois que tu demandes de l’aide pour réparer le passé, il y a un processus qui se met en branle et puis le processus fait patate, fait chou blanc. Je ne peux pas les blâmer beaucoup. J’aurais moi aussi du mal à faire confiance à qui que ce soit explique le directeur, un peu ébranlé.

L’organisme Sport’Aide, comme bien d’autres, essaye par tous les moyens de trouver des solutions pour venir au secours de toutes les victimes et veiller au bien-être des athlètes. Selon son directeur, il va falloir continuer de travailler avec tous les intervenants et impliquer des policiers et des juristes, entre autres.

Quand on lui demande si la tâche de Sport’Aide et des autres organismes qui ont une mission similaire à la sienne changera à la suite de cette affaire, la réponse est franche et directe.

Je ne crois pas, cela ajoute au défi. On le savait quand on a décidé de porter ce drapeau-là qu’il y avait de grands défis devant nous et on sait encore aujourd’hui qu’Il y en a d’autres. Est-ce que cela va compliquer? Non, mais clairement il y a encore beaucoup de travail à faire.

Il ne faut pas perdre de vue que le changement est récent. Certes, on est un leader, mais cela ne fait pas des années qu’on travaille ce dossier tous ensemble. Il y a encore du chemin à faire, il y a encore des mentalités à changer, il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire, f-il.

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