La compression budgétaire en Afrique du Sud – Des signes avant-coureurs ignorés trop longtemps


Une analyse de la crise économique actuelle de l’Afrique du Sud, qui a mis le pays sur la voie de l’insoutenabilité budgétaire, a récemment été publiée par le célèbre professeur d’économie Ricardo Hausmann et un certain nombre de co-chercheurs.

Le document montre clairement que l’Afrique du Sud s’est engagée dans une trajectoire budgétaire insoutenable au cours de la dernière décennie. Une attention particulière est attirée sur les pressions budgétaires résultant de la croissance insoutenable de la rémunération de la fonction publique et des dépenses de subventions sociales au cours de la période sous revue.

Dans le même temps, la croissance économique en Afrique du Sud a sous-performé. Au cours de la dernière décennie, la tendance de la croissance économique réelle a diminué. En outre, le plein taux de croissance économique potentielle du pays a également diminué, passant d’environ 2,5 % par an à environ 1,5 %.

L’Afrique du Sud est clairement confrontée à un grave dilemme budgétaire et à des choix difficiles. La question pertinente est : qui aurait dû écouter et qui aurait dû s’en soucier dans la période qui a précédé la crise budgétaire actuelle ?

La réponse, comme nous l’expliquons ci-dessous, englobe de nombreux coupables. Cela comprend les syndicats qui ont exigé des augmentations de rémunération trop importantes dans la fonction publique et ceux de l’exécutif qui ont accordé ces augmentations. Le Trésor national est également sur la liste. Il a surestimé à plusieurs reprises la croissance économique annuelle et les recettes fiscales. Et le Parlement aussi : ses structures ont échoué dans leur rôle de contrôle.

Les coupables

L’impact de la forte croissance des rémunérations de la fonction publique et des dépenses sociales sur la viabilité budgétaire du pays a été caché pendant de nombreuses années dans des projections de croissance annuelle irréalistes utilisées par le Trésor national dans la documentation budgétaire annuelle.

Cela ressort clairement d’un examen de la documentation budgétaire des années successives publiée par le Trésor national.

Nous faisons tous les deux partie du Fiscal Cliff Study Group, un groupe informel qui évalue la viabilité budgétaire depuis 2013. Nous avons mis en garde contre cette pratique à de nombreuses reprises, notamment dans des mémoires aux comités permanent et spécial des finances du Parlement.

Ces avertissements ont d’abord été balayés comme étant alarmistes. Mais ils ont été confirmés au fil du temps, comme en témoignent divers examens budgétaires.

Les estimations des recettes et des dépenses étaient fondées sur des projections irréalistes, ce qui entraînait un effet d’erreur cumulatif. Des chiffres de revenus inférieurs aux estimations sont devenus la norme. Dans le même temps, les dépenses ont continué de croître sans relâche. Cela s’est traduit par un creusement du déficit avant emprunt et de la dette publique en pourcentage du PIB. Des hypothèses plus réalistes pour les budgets des recettes publiques auraient dû être adoptées plus tôt, limitant ainsi les erreurs systémiques dans les hypothèses budgétaires.

Au cours de la même période, le nombre de bénéficiaires d’allocations sociales a augmenté. Avec l’inclusion des bénéficiaires de bourses Covid-19, plus de 30% des Sud-Africains sont des bénéficiaires directs d’une forme d’assistance sociale.

Nous reconnaissons le rôle important des subventions dans la réduction de la pauvreté. Mais il serait négligent de ne pas, en même temps, souligner le lourd fardeau que cela fait peser sur le fisc déjà surchargé, et sur les contribuables. Il ne laisse aucune place à de nouvelles augmentations permanentes des allocations sociales.

Un problème connexe est que les versements de subventions évincent les dépenses d’investissement du gouvernement. Dans la planification budgétaire, l’accent a été mis sur le financement continu des dépenses de consommation. Les avertissements concernant cette évolution ont également été ignorés.

L’article d’Hausmann et de ses collègues souligne également l’impact des augmentations de rémunération de la fonction publique supérieures au taux d’inflation sur la situation budgétaire précaire de l’Afrique du Sud. La véritable nature et l’impact total de ce problème n’ont pas été divulgués pendant de nombreuses années.

Malgré des informations limitées, des inquiétudes ont également été exprimées concernant les tendances à la croissance de la rémunération de la fonction publique et des dépenses sociales, avec un impact concomitant sur les emprunts publics et la charge des intérêts, dès mai 2013. Ce n’est qu’après des demandes répétées qu’une annexe les tendances détaillées de la rémunération de la fonction publique ont commencé à être incluses chaque année dans la déclaration de politique budgétaire à moyen terme du gouvernement depuis 2017.

Une lacune majeure de la politique budgétaire sud-africaine réside dans les promesses faites par les politiciens et les demandes de la société civile pour plus de dépenses, qui ne peuvent être satisfaites dans les limites budgétaires auxquelles le gouvernement est confronté. Un exemple actuel est la demande croissante d’une allocation de revenu de base universelle.

Ces demandes sont faites sans tenir compte apparemment de la situation budgétaire précaire du pays.

Éviter le piège de l’inflation

Dans des conditions d’insoutenabilité budgétaire, de nombreux pays souffrent également souvent d’une inflation élevée. Ce danger doit être conjuré en Afrique du Sud.

La maîtrise de l’inflation relève de la responsabilité de la Banque de réserve sud-africaine en termes de cadre de politique monétaire ancré dans le ciblage de l’inflation. Cependant, cette responsabilité doit être appuyée par une politique budgétaire saine. Contenir l’inflation peut devenir impossible dans des conditions d’insoutenabilité budgétaire.

Dans des conditions de forte inflation, la valeur réelle de la dette publique est érodée, ce qui réduit (en termes réels) la charge pesant sur la position budgétaire du gouvernement. Dans une telle situation, le gouvernement est le seul gagnant, mais aux dépens de la population en général.

Mais la mise en garde ici est qu’il ne s’agit que de gains à court terme, les effets économiques néfastes à long terme dépassant de loin les gains à court terme.

Est-ce que quelqu’un écoutera cette fois ?

Jannie Rossouw, professeure invitée à la Business School, Université du Witwatersrand et Stephanus Johannes Joubert, maître de conférences en économie, Université d’Afrique du Sud

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