« La Chine a intérêt à rester dans l’ordre international libéral dirigé par les États-Unis »


Source : Atlantic Council, Anonymous

Il est toujours intéressant de voir ce qui s’écrit dans les think tank néocons, ne serait-ce que pour mieux comprendre certains éléments de la géostratégie américaine. Merci aux traducteurs pour leur aide !

Points clés

  • Le défi le plus important auquel sont confrontés les États-Unis et le monde démocratique au XXIe siècle est la montée en puissance d’une Chine de plus en plus autoritaire et agressive sous la direction de Xi Jinping. La Chine dispose depuis longtemps d’une stratégie intégrée et opérationnelle pour traiter avec les États-Unis. Jusqu’à présent, les États-Unis n’ont pas eu de stratégie de ce type à l’égard de la Chine. Il s’agit d’un manquement à la responsabilité nationale.
  • La stratégie et la politique américaines à l’égard de la Chine doivent être axées sur les lignes de faille entre Xi et son cercle restreint, dans le but de modifier leurs objectifs et leur comportement, et donc leur orientation stratégique. Les élites du parti communiste sont beaucoup plus divisées sur le leadership et les vastes ambitions de Xi qu’on ne le pense généralement.
  • L’objectif premier de la stratégie américaine devrait être d’amener les élites dirigeantes chinoises à conclure qu’il est dans l’intérêt de la Chine de continuer à opérer au sein de l’ordre international libéral dirigé par les États-Unis, plutôt que de construire un ordre rival, et qu’il est dans l’intérêt du Parti communiste chinois de ne pas tenter d’étendre les frontières de la Chine ou d’exporter son modèle politique au-delà des côtes chinoises.

Avant-propos

Le Conseil Atlantique publie aujourd’hui un nouveau document stratégique extraordinaire qui offre l’un des examens les plus perspicaces et les plus rigoureux à ce jour de la stratégie géopolitique chinoise et de la manière dont une stratégie américaine éclairée permettrait de relever les défis des ambitions stratégiques de la Chine.

Rédigée par un ancien haut fonctionnaire du gouvernement possédant une expertise et une expérience approfondies des relations avec la Chine, la stratégie définit une approche globale et détaille les moyens de la mettre en œuvre, dans des termes qui invitent à la comparaison avec le long télégramme historique de George Kennan sur la grande stratégie soviétique, publié en 1946. Nous avons conservé le titre préféré de l’auteur pour l’ouvrage, The Longer Telegram, étant donné l’aspiration de l’auteur à fournir une approche similaire, durable et réalisable de la Chine.

Le document se concentre sur le leader chinois et son comportement. « Le défi le plus important auquel les États-Unis sont confrontés au XXIe siècle est la montée en puissance d’une Chine de plus en plus autoritaire sous la direction du président et secrétaire général Xi Jinping, indique le document. La stratégie américaine doit rester focalisée sur Xi, son cercle intime et le contexte politique chinois dans lequel ils règnent. Pour modifier leur processus décisionnel, il faudra comprendre, exploiter et modifier leur paradigme politique et stratégique. Toute la politique américaine visant à modifier le comportement de la Chine doit tourner autour de ce fait, sinon elle risque de s’avérer inefficace. »

L’auteur de cet ouvrage a demandé à rester anonyme, et le Conseil Atlantique a honoré cette demande pour des raisons que nous considérons légitimes mais qui resteront confidentielles. Le Conseil n’a jamais pris une telle mesure auparavant, mais il a décidé de le faire en raison de l’importance extraordinaire des idées et des recommandations de l’auteur, alors que les États-Unis sont confrontés au défi géopolitique le plus important de notre époque. Le Conseil ne communiquera pas l’identité de l’auteur tant que celui-ci n’aura pas décidé de franchir le pas.

Le Conseil Atlantique en tant qu’organisation n’adopte ni ne défend de positions sur des sujets particuliers. Les publications du Conseil représentent toujours le point de vue de l’auteur (ou des auteurs) plutôt que celui de l’institution, et le présent document n’est pas différent des autres en ce sens.

Néanmoins, nous nous en tenons à l’importance et à la gravité des questions que ce document soulève et le considérons comme l’un des plus importants que le Conseil ait jamais publié. Le Conseil est fier de servir de plateforme pour des idées, des perspectives et des stratégies audacieuses, dans le cadre de sa mission consistant à façonner ensemble l’avenir mondial pour un monde plus libre, plus prospère et plus sûr. Alors que la Chine accroît rapidement son influence politique et économique en cette période de crise géopolitique historique, ce moment exige une compréhension approfondie de sa stratégie et de sa structure de pouvoir. Les perspectives présentées dans ce document méritent toute l’attention des dirigeants élus des États-Unis et des dirigeants de leurs partenaires et alliés démocratiques.

Résumé analytique

Le défi le plus important auquel les États-Unis sont confrontés au XXIe siècle est la montée en puissance d’une Chine de plus en plus autoritaire sous la direction du président et secrétaire général Xi Jinping. La montée en puissance de la Chine, en raison de l’ampleur de son économie et de son armée, de la rapidité de ses progrès technologiques et de sa vision du monde radicalement différente de celle des États-Unis, a désormais un impact profond sur tous les intérêts nationaux majeurs des États-Unis. Il s’agit d’un défi structurel qui, dans une certaine mesure, a émergé progressivement au cours des deux dernières décennies. L’arrivée au pouvoir de Xi a considérablement renforcé ce défi et en a accéléré le calendrier.

Sur le plan intérieur, Xi a ramené la Chine au marxisme-léninisme classique et a encouragé un culte de la personnalité quasi-maoïste, poursuivant l’élimination systématique de ses opposants politiques. Les réformes du marché chinois sont au point mort et le secteur privé est désormais sous le contrôle direct du parti. Nationaliste doctrinal, Xi a utilisé l’ethnonationalisme pour unir son pays contre tout défi à son autorité, interne ou externe. Le traitement qu’il réserve aux minorités ethniques récalcitrantes en Chine frise le génocide.

La Chine de Xi ressemble de plus en plus à une nouvelle forme d’État policier totalitaire. Dans ce qui constitue un changement fondamental par rapport à ses prédécesseurs de l’après-Mao, peu enclins à prendre des risques, Xi a démontré qu’il avait l’intention de projeter le système autoritaire, la politique étrangère coercitive et la présence militaire de la Chine bien au-delà des frontières de son pays, dans le monde entier. La Chine de Xi, contrairement à celle de Deng Xiaoping, Jiang Zemin et Hu Jintao, n’est plus une puissance de statu quo. Elle est devenue une puissance révisionniste. Pour les États-Unis, leurs alliés et l’ordre international libéral dirigé par les États-Unis, cela représente un changement fondamental dans l’environnement stratégique. Il est périlleux d’ignorer ce changement profond. Xi n’est plus seulement un problème pour la primauté américaine. Il représente désormais un sérieux problème pour l’ensemble du monde démocratique.

Le défi le plus important auquel sont confrontés les États-Unis au XXIe siècle est la montée en puissance d’une Chine de plus en plus autoritaire sous la direction du président et secrétaire général Xi Jinping.

La question stratégique fondamentale pour les États-Unis, sous une administration républicaine ou démocrate, est de savoir ce qu’il faut faire face à ce défi. Il est désormais urgent que ce pays élabore une stratégie nationale intégrée, opérationnelle et bipartisane pour guider le contenu et la mise en œuvre de la politique américaine envers la Chine de Xi pour les trois prochaines décennies.

Certains diront que les États-Unis ont déjà une stratégie à l’égard de la Chine, soulignant la déclaration de l’administration Trump selon laquelle la « concurrence stratégique » est le « défi central » de la politique étrangère et de sécurité nationale des États-Unis, tel qu’inscrit dans la stratégie de sécurité nationale des États-Unis de 2017. Cependant, si l’administration Trump a bien fait de tirer la sonnette d’alarme sur la Chine et si son annonce de la concurrence stratégique avec Pékin était importante, ses efforts épisodiques de mise en œuvre ont été chaotiques et parfois contradictoires. Au fond, le problème est que la « concurrence stratégique » est une déclaration d’attitude doctrinale, et non une stratégie globale à mettre en œuvre.

La vérité dérangeante est que la Chine dispose depuis longtemps d’une stratégie interne intégrée pour faire face aux États-Unis et que, jusqu’à présent, cette stratégie a été mise en œuvre avec un succès raisonnable, bien que non absolu. En revanche, les États-Unis, qui ont autrefois mis en œuvre une stratégie unifiée pour faire face au défi de l’Union soviétique, sous la forme de l’endiguement de George Kennan, n’en ont toujours pas en ce qui concerne la Chine. Il s’agit d’un manquement à la responsabilité nationale.

La difficulté pour Washington de développer une stratégie efficace à l’égard de la Chine a été accentuée par l’absence d’un objectif stratégique clairement compris. À l’heure actuelle, les objectifs formulés vont de l’incitation à la réforme économique chinoise par une guerre commerciale limitée à un véritable changement de régime. Le célèbre long télégramme de Kennan, envoyé de Moscou en 1946, était avant tout une analyse des faiblesses structurelles inhérentes au modèle soviétique lui-même, ancrée dans sa conclusion analytique selon laquelle l’URSS finirait par s’effondrer sous le poids de ses propres contradictions.

Toute la doctrine de l’endiguement reposait sur cette hypothèse critique sous-jacente. Le Parti Communiste Chinois (PCC), cependant, a été beaucoup plus habile dans sa survie que son homologue soviétique, aidé par le fait que la Chine a étudié soigneusement, pendant plus d’une décennie, « ce qui a mal tourné » en Union soviétique. Il serait donc extrêmement dangereux pour les stratèges américains d’accepter qu’une future stratégie américaine efficace à l’égard de la Chine repose sur l’hypothèse que le système chinois est destiné à s’effondrer inévitablement de l’intérieur ; et encore moins de faire du « renversement du Parti Communiste » l’objectif déclaré de la nation.

En fait, se complaire dans des appels politiquement attrayants au renversement du PCC dans son ensemble, qui compte quatre-vingt-onze millions de membres, est stratégiquement voué à l’échec. Une telle approche ne fait que renforcer la main de Xi, car elle lui permet de faire le tour des cadors de la politique et du nationalisme populaire pour défendre à la fois le parti et le pays. Le défi actuel exigera une réponse politique à la Chine qualitativement différente et plus granulaire que l’instrument émoussé de « l’endiguement des caractéristiques chinoises » et le rêve de l’effondrement du PCC.

La sagesse de l’analyse de Kennan résidait dans sa profonde appréciation du fonctionnement interne de l’Union soviétique et dans l’élaboration d’une stratégie américaine qui s’inscrivait dans le droit chemin de cette réalité complexe. Il faut faire de même avec la Chine. La réalité politique est que le PCC est considérablement divisé sur le leadership de Xi et ses vastes ambitions. Les membres supérieurs du parti ont été fortement troublés par l’orientation politique de Xi et irrités par ses demandes incessantes de loyauté absolue. Ils craignent pour leur propre vie et pour les moyens de subsistance futurs de leur famille. Dans ce contexte, les rapports révélés par les médias internationaux sur les richesses amassées par la famille de Xi et les membres de son cercle politique restreint, malgré la vigueur avec laquelle Xi a mené la campagne anti-corruption, sont particulièrement toxiques sur le plan politique.

C’est tout simplement une stratégie peu sophistiquée que de traiter l’ensemble du Parti communiste comme une cible unique alors que ces lignes de fracture internes devraient être claires pour l’œil de l’analyste, et dans la plume du décideur politique intelligent. Une campagne visant à renverser le parti ignore également le fait que la Chine, sous les cinq dirigeants de l’après-Mao avant Xi, a pu travailler avec les États-Unis. Sous leur direction, la Chine visait à rejoindre l’ordre international existant, et non à le remodeler à sa propre image.

Aujourd’hui, la mission de la stratégie américaine à l’égard de la Chine devrait consister à voir la Chine revenir sur sa trajectoire d’avant 2013, c’est-à-dire le statu quo stratégique d’avant Xi. Il y a bien sûr eu de nombreux défis pour les intérêts américains pendant le second mandat de Hu, mais ils étaient gérables et ne représentaient pas une violation grave de l’ordre international dirigé par les États-Unis. Toutes les réponses politiques et stratégiques des États-Unis à l’égard de la Chine devraient donc être axées sur le principal objectif de Xi lui-même.

De tous les éléments généralement absents des discussions sur la stratégie américaine à l’égard de la Chine jusqu’à présent, c’est le plus important. Si les dirigeants américains font souvent la distinction entre le gouvernement du Parti communiste chinois et le peuple chinois, Washington doit atteindre la sophistication nécessaire pour aller encore plus loin. Les dirigeants américains doivent également faire la différence entre le gouvernement et l’élite du parti, ainsi qu’entre l’élite du parti et Xi.

Étant donné que la Chine d’aujourd’hui est un État dans lequel Xi a centralisé la quasi-totalité du pouvoir décisionnel entre ses mains et qu’il a utilisé ce pouvoir pour modifier considérablement la trajectoire politique, économique et de politique étrangère de la Chine, la stratégie américaine doit rester axée sur Xi, son cercle restreint et le contexte politique chinois dans lequel ils règnent. Pour modifier leurs décisions, il faudra comprendre, exploiter et modifier leur paradigme politique et stratégique.

Toute la politique américaine visant à modifier le comportement de la Chine doit s’articuler autour de ce fait, sans quoi elle risque d’être inefficace. Cette stratégie doit également être sur le long terme : capable de fonctionner à l’échelle de temps à laquelle un dirigeant chinois comme Xi se voit gouverner et influencer, et être pleinement opérationnelle, dépassant les discours rhétoriques qui ont trop souvent remplacé une véritable stratégie américaine envers Pékin. La défense de nos démocraties face au défi posé par la Chine n’en demandera pas moins.

La mise en œuvre d’une telle stratégie nécessiterait une bonne compréhension des objectifs stratégiques de Xi, qui sont notamment les suivants :

  • dépasser les États-Unis en tant que puissance technologique et, par conséquent, les supplanter en tant que puissance économique dominante dans le monde.
  • saper la domination des États-Unis sur le système financier mondial et le statut du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale
  • atteindre une prépondérance militaire suffisante pour dissuader les États-Unis et leurs alliés d’intervenir dans tout conflit concernant Taïwan, la mer de Chine méridionale ou la mer de Chine orientale.
  • diminuer suffisamment la crédibilité de la puissance et de l’influence des États-Unis pour que les États actuellement enclins à « basculer » contre la Chine se joignent plutôt à cette dernière
  • approfondir et soutenir les relations de la Chine avec son voisin et partenaire stratégique le plus précieux, la Russie, afin de contrer les pressions occidentales
  • consolider l’initiative Nouvelle route de la soie pour en faire un bloc géopolitique et géoéconomique à l’appui des ambitions politiques de la Chine, en jetant les bases d’un futur ordre mondial sinocentré
  • utiliser l’influence croissante de la Chine au sein des institutions internationales pour délégitimer et renverser les initiatives, les normes et les standards perçus comme hostiles aux intérêts de la Chine ; en particulier en matière de droits de l’homme et de droit maritime international ; tout en promouvant une nouvelle conception hiérarchique et autoritaire de l’ordre international sous le concept délibérément amorphe de Xi d’une « communauté de destin commun pour toute l’humanité ».

Le Parti communiste chinois comprend parfaitement la maxime de Sun Tzu selon laquelle « ce qui est de la plus haute importance dans la guerre, c’est d’attaquer la stratégie de l’ennemi », et les États-Unis devraient en faire autant. Toute approche américaine doit chercher à contrecarrer les ambitions de Xi. Cela signifie qu’il faut d’abord clarifier quels intérêts nationaux américains doivent être protégés, ainsi que ceux des principaux partenaires et alliés. Cela inclut les points suivants :

  • conserver une supériorité économique et technologique collective
  • protéger le statut mondial du dollar américain
  • maintenir une dissuasion militaire conventionnelle écrasante et empêcher toute modification inacceptable de l’équilibre nucléaire stratégique
  • empêcher toute expansion territoriale chinoise, notamment la réunification forcée avec Taïwan
  • consolider et élargir les alliances et les partenariats
  • défendre (et, le cas échéant, réformer) l’ordre international libéral actuel fondé sur des règles et, de manière critique, ses fondements idéologiques, y compris les valeurs démocratiques fondamentales
  • faire face aux menaces mondiales persistantes et partagées, notamment en prévenant un changement climatique catastrophique

Compte tenu de l’importance et de la croissance de la « puissance nationale globale » de la Chine, certains peuvent se demander comment y parvenir de manière réaliste. L’objectif politique primordial devrait être d’amener l’élite dirigeante chinoise à conclure collectivement qu’il est dans l’intérêt du pays de continuer à opérer au sein de l’ordre international libéral existant dirigé par les États-Unis plutôt que de construire un ordre rival, et qu’il est dans l’intérêt du parti, s’il souhaite rester au pouvoir chez lui, de ne pas tenter d’étendre les frontières de la Chine ou d’exporter son modèle politique au-delà des côtes chinoises.

En d’autres termes, la Chine peut devenir un autre type de grande puissance mondiale que celle envisagée par Xi. La principale façon dont les États-Unis peuvent chercher à atteindre ces objectifs (tout en protégeant leurs propres avantages fondamentaux) est de modifier les objectifs et le comportement de la Chine. Une stratégie détaillée et opérationnalisée devrait comporter sept composantes intégrées :

  • reconstruire les fondements économiques, militaires, technologiques et humains de la puissance nationale américaine à long terme
  • convenir d’un ensemble limité de « lignes rouges » politiques applicables que la Chine devrait être dissuadée de franchir en toutes circonstances
  • convenir d’un plus grand nombre « d’intérêts majeurs en matière de sécurité nationale » qui ne sont ni vitaux ni existentiels par nature mais qui nécessitent une série de mesures de rétorsion afin de définir le comportement stratégique futur de la Chine
  • identifier des domaines importants mais moins critiques où il n’est peut-être pas nécessaire de fixer des lignes rouges ou de délimiter des intérêts nationaux majeurs, mais où les États-Unis devraient déployer toute la force de la concurrence stratégique contre la Chine
  • définir les domaines où la poursuite de la coopération stratégique avec la Chine reste dans l’intérêt des États-Unis : ces « méga-menaces » comprenant le dérèglement climatique, les pandémies mondiales et la sécurité nucléaire
  • mener une véritable bataille idéologique mondiale pour défendre les libertés politiques, économiques et sociétales contre le modèle autoritaire de capitalisme d’État de la Chine.
  • convenir de la stratégie ci-dessus sous une forme suffisamment détaillée avec les principaux alliés asiatiques et européens des États-Unis, de sorte que leur masse critique combinée (économique, militaire et technologique) soit déployée dans la défense commune de l’ordre international libéral dirigé par les États-Unis

Ces sept composantes devraient être mises en œuvre par le biais d’un effort entièrement coordonné inter-agences et inter-alliés, sous la direction centrale du conseiller à la sécurité nationale, étayées par une directive présidentielle bénéficiant du soutien politique bipartite nécessaire pour perdurer au travers de plusieurs administrations successives.

Cette stratégie américaine devrait être élaborée sur la base de dix principes d’organisation fondamentaux :

Premièrement, la stratégie américaine doit reposer sur les quatre piliers fondamentaux de la puissance américaine : la puissance de l’armée de la nation ; le statut du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale et pilier du système financier international ; le leadership technologique mondial, étant donné que la technologie est devenue le principal déterminant de la puissance nationale future ; et les valeurs de liberté individuelle, d’équité et d’État de droit que la nation continue de défendre, malgré ses récentes divisions et difficultés politiques.

Deuxièmement, la stratégie américaine doit commencer par s’attaquer à leurs faiblesses économiques et institutionnelles nationales. Le succès de l’ascension de la Chine repose sur une stratégie méticuleuse, exécutée sur trente-cinq ans, qui consiste à identifier et à traiter les faiblesses économiques structurelles de la Chine dans les domaines de la production, du commerce, de la finance, du capital humain et, désormais, de la technologie. Les États-Unis doivent maintenant faire de même.

Troisièmement, la stratégie des États-Unis à l’égard de la Chine doit être ancrée à la fois dans les valeurs et les intérêts nationaux. C’est ce qui a longtemps distingué la nation et la Chine aux yeux du monde. La défense des valeurs libérales universelles et de l’ordre international libéral, ainsi que le maintien de la puissance mondiale des États-Unis, doivent être les deux piliers de l’appel aux armes mondial de l’Amérique.

Quatrièmement, la stratégie américaine doit être entièrement coordonnée avec les principaux alliés afin que des mesures soient prises en commun en réponse à la Chine. Cela n’a rien à voir avec le fait de faire en sorte que les alliés se sentent bien ou mieux qu’ils ne l’ont été. C’est parce que les États-Unis ont désormais besoin d’eux pour gagner. Comme indiqué précédemment, la Chine accorde en définitive une grande importance à son calcul de l’évolution de l’équilibre de la puissance globale entre les États-Unis et elle-même. En réalité, alors que l’écart entre la puissance chinoise et la puissance américaine se réduit au cours des années 2020, le facteur le plus crédible susceptible de modifier cette trajectoire est que la puissance américaine soit renforcée par celle de ses principaux alliés.

Cinquièmement, la stratégie des États-Unis vis-à-vis de la Chine doit également tenir compte des besoins politiques et économiques plus larges de leurs principaux alliés et partenaires, plutôt que de supposer qu’ils choisiront d’adopter une position stratégique commune et coordonnée sur la Chine par pure bonté d’âme. À moins que les États-Unis ne s’occupent également du fait que la Chine est devenue le principal partenaire commercial de la plupart, voire de la totalité, de leurs principaux alliés, cette réalité économique sous-jacente aura à elle seule une influence croissante sur la volonté des alliés traditionnels de contester le comportement international de plus en plus affirmé de la Chine.

Sixièmement, les États-Unis doivent rééquilibrer leurs relations avec la Russie, que cela leur plaise ou non. Il est essentiel de renforcer efficacement les alliances américaines. Séparer la Russie de la Chine à l’avenir l’est tout autant. Avoir laissé la Russie dériver entièrement vers l’étreinte stratégique de la Chine au cours de la dernière décennie restera comme la plus grande erreur géostratégique des administrations américaines successives.

Septièmement, une stratégie efficace des États-Unis et de leurs alliés à l’égard de la Chine doit être axée sur les lignes de faille internes de la politique chinoise en général et sur le leadership de Xi en particulier. Une erreur fondamentale de la stratégie américaine a été d’attaquer la Chine dans son ensemble, permettant ainsi au leadership de Xi de faire graviter la politique chinoise autour de la force émotionnelle du nationalisme chinois et de la fierté civilisationnelle. Une erreur tout aussi importante a été d’attaquer grossièrement le Parti communiste chinois lui-même. Or, la réalité politique est que le parti est divisé sur le leadership de Xi, qui menace la vie, la carrière et les positions politiques profondément ancrées de nombreux membres de ses échelons politiques supérieurs.

Huitièmement, la stratégie américaine ne doit jamais oublier la nature intrinsèquement réaliste de la stratégie chinoise qu’elle cherche à vaincre. Les dirigeants chinois respectent la force et méprisent la faiblesse. Ils respectent la cohérence et méprisent l’hésitation. La Chine ne croit pas aux vides stratégiques.

Neuvièmement, la stratégie américaine doit comprendre que la Chine reste pour l’instant très anxieuse à l’idée d’un conflit militaire avec les États-Unis, mais que cette attitude changera à mesure que l’équilibre militaire se modifiera au cours de la prochaine décennie. Si un conflit militaire devait éclater entre la Chine et les États-Unis, et que la Chine ne parvenait pas à remporter une victoire décisive, alors – étant donné l’offensive de propagande intérieure menée par le parti depuis de nombreuses années, qui proclame la montée inévitable de la Chine – Xi tomberait probablement et la légitimité politique globale du régime s’effondrerait.

Dixièmement, pour Xi aussi, « C’est l’économie, crétin ». À moins d’une défaite dans une future action militaire, le plus grand facteur qui pourrait contribuer à la chute de Xi est l’échec économique. Cela signifierait un chômage à grande échelle et une baisse du niveau de vie de la population chinoise. Le plein emploi et la hausse du niveau de vie sont les composantes essentielles du contrat social tacite entre le peuple chinois et le PCC depuis le tumulte de la Révolution culturelle.

La liste des tâches domestiques essentielles auxquelles les États-Unis doivent s’atteler dans le cadre de toute stratégie efficace pour faire face à la Chine de Xi est familière. Elles sont toutes structurelles, à long terme, et leurs dividendes ne se feront sentir que sur une décennie ou plus. Elles comprennent, sans s’y limiter, les éléments suivants :

  • inverser la tendance à la baisse des investissements dans les infrastructures économiques nationales essentielles, notamment les systèmes mobiles 5G de nouvelle génération
  • inverser la tendance à la baisse des investissements publics dans l’enseignement des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM), dans les universités et dans la recherche scientifique fondamentale
  • veiller à ce que les États-Unis restent le leader mondial dans les principales catégories d’innovation technologique, notamment l’intelligence artificielle (IA)
  • élaborer un nouveau consensus politique sur la nature et l’ampleur futures de l’immigration aux États-Unis afin de garantir que la population américaine continue de croître, reste jeune et évite les implosions démographiques qui menacent de nombreuses autres économies développées et émergentes, y compris la Chine elle-même, tout en retenant les personnes les plus brillantes du monde entier qui viennent étudier aux États-Unis
  • rectifier la trajectoire budgétaire à long terme des États-Unis de manière à ce que la dette nationale soit finalement maintenue dans des paramètres acceptables, en s’accommodant de la nouvelle politique monétaire expansionniste sans créer de crise d’inflation et sans affaiblir le rôle du dollar américain
  • résoudre, ou du moins réduire, les graves divisions qui sont aujourd’hui endémiques dans le système politique, les institutions et la culture, et qui compromettent la capacité de s’entendre, de prendre et de respecter des décisions nationales à long terme, fondamentales pour la consolidation des atouts historiques et l’exploitation de nouvelles possibilités
  • aborder la question cruciale de la volonté politique nationale future de sauvegarder, de construire, voire d’étendre l’ordre international libéral, plutôt que d’accepter ou d’embrasser une nouvelle vague d’isolationnisme qui entraînera inévitablement les États-Unis vers l’intérieur plutôt que vers l’extérieur et prouver à la Chine qu’elle a tort de penser que la volonté des États-Unis s’affaiblit

Dissuader et empêcher la Chine de franchir les lignes rouges des États-Unis

La liste des lignes rouges des États-Unis doit être courte, ciblée et applicable. Depuis de nombreuses années, la tactique de la Chine consiste à brouiller les lignes rouges qui pourraient conduire à une confrontation ouverte avec les États-Unis trop tôt au goût de Pékin. Les États-Unis doivent être très clairs quant aux actions chinoises qu’ils chercheront à dissuader et qui, en cas d’échec de la dissuasion, entraîneront une intervention directe des États-Unis. Ces actions doivent être communiquées sans ambiguïté à Pékin par des canaux diplomatiques de haut niveau, afin que la Chine en soit avertie. Cette liste de lignes rouges devrait inclure les éléments suivants :

  • toute action en matière d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques menée par la Chine contre les États-Unis ou leurs alliés, ou par la Corée du Nord, lorsque la Chine n’a pas pris de mesures décisives pour empêcher une telle action nord-coréenne
  • toute attaque militaire chinoise contre Taïwan ou ses îles au large, y compris un blocus économique ou une cyberattaque majeure contre les infrastructures et les institutions publiques taïwanaises.
  • toute attaque chinoise contre les forces japonaises dans leur défense de la souveraineté japonaise sur les îles Senkaku et la zone économique exclusive (ZEE) qui les entoure en mer de Chine orientale
  • toute action hostile majeure de la Chine en mer de Chine méridionale visant à réclamer et à militariser davantage des îles, à déployer la force contre d’autres États demandeurs ou à empêcher les opérations de pleine liberté de navigation des États-Unis et des forces maritimes alliées
  • toute attaque chinoise contre le territoire souverain ou les moyens militaires des alliés conventionnels des États-Unis

Domaines d’intérêt national majeur

Il existe une autre catégorie de préoccupations majeures de sécurité nationale pour les États-Unis qui justifieront également une réponse américaine, mais pas nécessairement de nature militaire. Il s’agit d’intérêts de sécurité nationale de nature non vitale, mais néanmoins très importante.

Les États-Unis disposent d’une panoplie d’outils qui peuvent être déployés à cette fin et qui non seulement feront comprendre aux échelons supérieurs de la direction chinoise qu’une ligne a été franchie, mais qui administreront également une douleur réelle et mesurable. Une fois encore, ces préoccupations doivent être communiquées à l’avance par le biais d’une diplomatie privée de haut niveau. Cette liste devrait inclure :

  • le refus persistant de la Chine, dans un délai déterminé, de participer à des pourparlers bilatéraux ou multilatéraux de fond sur la réduction des armes nucléaires stratégiques, dans le but d’obtenir une limitation du programme de modernisation et d’expansion nucléaire de la Chine
  • toute action de la Chine qui menace la sécurité des moyens spatiaux ou des systèmes de communication mondiaux des États-Unis
  • toute cyberattaque chinoise majeure contre un gouvernement américain ou allié sur une infrastructure critique, économique, sociale ou politique.
  • tout acte de belligérance militaire ou économique à grande échelle contre les alliés conventionnels des États-Unis ou d’autres partenaires stratégiques essentiels, dont l’Inde.
  • tout acte de génocide ou de crimes contre l’humanité à l’encontre de tout groupe en Chine

Domaines de concurrence stratégique déclarée

Dissuader certains comportements stratégiques chinois, notamment dans le domaine de la sécurité, est une chose. Punir d’autres comportements lorsque d’autres intérêts majeurs de la sécurité nationale américaine sont en jeu en est une autre. Toutefois, permettre une forme plus large de concurrence stratégique, notamment dans les domaines diplomatique et économique, constitue également un élément important d’une stratégie pleinement calibrée. Il est possible de réunir ces trois catégories dans un seul cadre stratégique.

La raison d’être de l’inclusion de la « concurrence stratégique » est d’aborder les domaines où les deux pays ont des programmes politiques clairement contradictoires, mais où l’on estime que ces conflits peuvent être résolus par des moyens autres que la menace ou l’usage de la force, ou par d’autres mesures coercitives ou punitives importantes. Il en découle que si les intérêts en jeu sont importants, ils ne sont ni existentiels ni critiques par nature. Ces intérêts peuvent encore concerner des domaines d’activité politique qui préparent le recours éventuel à la force, comme les domaines liés à la préparation militaire et économique à long terme.

Ils peuvent aussi inclure des domaines qui, de par leur nature, n’impliqueront jamais l’utilisation de moyens létaux. Néanmoins, la caractéristique commune à tous ces domaines de concurrence stratégique doit être la confiance dans le fait que les États-Unis peuvent et vont l’emporter, les forces et les valeurs sous-jacentes des États-Unis fournissant toujours la main la plus forte à jouer dans ce qui reste un environnement international ouvert et compétitif. Ces domaines de compétition stratégique contre la Chine devraient inclure les éléments suivants :

  • maintenir des niveaux de forces américains actuels dans la région indo-pacifique (parce qu’en agissant autrement, la Chine pourrait conclure que les États-Unis ont commencé à se retirer de leurs engagements en matière d’alliance), tout en modernisant la doctrine, les plates-formes et les capacités militaires afin de garantir une dissuasion solide à l’échelle régionale
  • stabiliser les relations avec la Russie et encourager la même chose entre la Russie et le Japon
  • conclure un Dialogue de sécurité quadrilatéral (Quad) pleinement opérationnel avec l’Inde, le Japon et l’Australie en amenant l’Inde à abandonner ses dernières réserves politiques et stratégiques contre un tel arrangement
  • faciliter la normalisation des relations entre le Japon et la Corée du Sud pour empêcher la Corée de continuer à dériver stratégiquement en direction de la Chine.
  • donner la priorité aux relations en matière de commerce, d’investissement, de développement, de diplomatie et de sécurité entre les États-Unis et chacun des États d’Asie du Sud-Est, en particulier avec les alliés des États-Unis que sont la Thaïlande et les Philippines, afin d’empêcher toute nouvelle dérive stratégique de l’Asie du Sud-Est vers la Chine
  • protéger le statut de monnaie de réserve mondiale du dollar américain
  • protéger les nouvelles technologies critiques, tant américaines qu’alliées, de l’acquisition chinoise
  • intégrer dans toute la mesure du possible, les économies américaine, canadienne et mexicaine dans un marché homogène de cinq cents millions d’habitants, afin de soutenir la puissance économique à long terme par rapport à la Chine
  • renégocier l’accord de partenariat transpacifique puis y adhérer
  • négocier un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement avec l’Union européenne et y adhérer, ainsi que d’autres accords potentiels sur la technologie ou d’autres questions
  • faire respecter les engagements de la Chine en matière de libéralisation du commerce et des investissements, de subventions publiques, de dumping et de protection de la propriété intellectuelle, en partenariat avec les amis et les alliés, grâce à un mécanisme multilatéral réformé de règlement des différends commerciaux
  • réformer et relancer l’Organisation mondiale du commerce (OMC), son mécanisme de résolution des différends et l’intégrité du droit commercial international plutôt que de permettre une nouvelle dérive progressive vers le protectionnisme mondial
  • investir à grande échelle, aux côtés des alliés des États-Unis, dans la Banque mondiale et les banques régionales de développement, afin de fournir aux économies émergentes un moyen efficace de financer le développement de leurs infrastructures nationales, encourageant ainsi le recours à la Banque mondiale (y compris ses normes de gouvernance transparentes) comme alternative crédible à la Route de la soie)
  • revitaliser l’ONU et les autres institutions multilatérales et internationales en tant que pierres angulaires de la gouvernance politique mondiale
  • reconstruire le Département d’État, y compris ses budgets opérationnels et ses effectifs, pour être en mesure de rivaliser diplomatiquement avec la Chine au niveau mondial
  • augmenter l’aide américaine au développement à l’étranger par l’intermédiaire de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) et des agences humanitaires établies des Nations Unies (ONU) afin, avec les alliés américains, de maintenir la domination des donateurs sur la Chine par la fourniture d’une aide mondiale coordonnée
  • renforcer, conformément aux traités internationaux existants, les arrangements institutionnels multilatéraux en matière de droits de l’homme afin de maintenir une pression multilatérale à la fois sur les pratiques nationales de la Chine en matière de droits de l’homme et sur la légitimité politique internationale du parti communiste.

Domaines de coopération stratégique continue

Il existe un autre ensemble de défis politiques pour lesquels il est dans l’intérêt des États-Unis, ainsi que dans celui des alliés, de continuer à s’engager dans une coopération stratégique bilatérale ou multilatérale avec la Chine. Ce n’est pas pour que les Américains se sentent mieux ou pour être gentils avec les Chinois. C’est parce que, dans ces domaines, les intérêts américains sont mieux servis en travaillant avec Pékin plutôt que contre lui. Dans les circonstances actuelles, les domaines de coopération stratégique avec la Chine seraient les suivants :

  • négocier un accord de contrôle des armes nucléaires avec la Chine afin d’intégrer pour la première fois la Chine dans le régime mondial de contrôle des armes et d’empêcher une nouvelle course aux armements nucléaires
  • collaborer à la dénucléarisation effective de la Corée du Nord
  • négocier des accords bilatéraux sur la cyberguerre et le cyberespionnage
  • négocier des accords bilatéraux sur l’utilisation pacifique de l’espace
  • négocier des protocoles sur les futures limitations des systèmes d’armes autonomes contrôlés par l’IA
  • coopérer au sein du Groupe des vingt (G20) en matière de stabilité macroéconomique et financière mondiale afin de prévenir de futures crises et récessions mondiales
  • coopérer de manière multilatérale par l’intermédiaire du G20 et de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, de manière bilatérale en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre au niveau mondial, et de manière trilatérale avec l’Inde, troisième plus grand émetteur mondial
  • collaboration à un projet de recherche mondial sur les technologies climatiques révolutionnaires, notamment le stockage à long terme de l’énergie solaire, dans le cadre d’un consortium de recherche mondial.
  • coopérer dans le domaine de la recherche médicale et pharmaceutique future basée sur l’IA afin de développer de nouvelles réponses aux principales catégories de maladies qui touchent les deux pays, notamment le cancer
  • coopérer à la mise au point d’une notification et d’une gestion efficaces des futures pandémies mondiales, ainsi qu’au développement de vaccins

Et que le meilleur gagne dans la bataille mondiale des idées.

Les idées comptent toujours en politique et dans les relations internationales. Il ne s’agit pas seulement d’une question d’équilibre des forces, aussi crucial soit-il. La façon dont un peuple se perçoit, les types de sociétés qui se construisent, les économies en cours de développement et les régimes qui évoluent pour résoudre les différends sont autant de facteurs qui façonnent profondément les visions du monde.

Ce concours d’idées va se poursuivre. Xi a déjà lancé le défi idéologique aux États-Unis et à l’Occident avec son concept de modèle capitaliste autoritaire et sa soi-disant communauté avec un avenir commun pour l’humanité. Pour les Nord-Américains, les Européens et les autres personnes qui croient en des économies ouvertes, des sociétés justes et des systèmes politiques compétitifs, le défi consiste à garder confiance dans l’efficacité inhérente des idées sur lesquelles ils reposent.

Mise en œuvre : Le rôle essentiel des alliés

Cette stratégie en sept parties doit être mise en œuvre aux niveaux national, bilatéral, régional, multilatéral et mondial. Telle est l’approche adoptée par la Chine depuis des décennies. Encore une fois, c’est là que les alliés ne sont plus facultatifs mais cruciaux, étant donné qu’ils peuvent souvent réaliser ce que les États-Unis ne peuvent pas faire, que ce soit dans certains pays, régions ou institutions. Les États-Unis doivent toujours garder à l’esprit que la Chine n’a pas d’autres alliés que la Corée du Nord, le Pakistan et la Russie, ce qui place Pékin dans une situation stratégique mondiale très défavorable par rapport aux États-Unis.

Des alliés sont un grand avantage. Une telle approche nécessitera un niveau sans précédent de coordination de la politique nationale et internationale des États-Unis. Elle nécessitera la reconstruction du Service extérieur des États-Unis et de l’USAID. Elle nécessitera l’intégration complète des efforts des départements d’État, de la Défense, du Trésor et du Commerce, du Bureau du représentant américain au commerce, de l’USAID et de la communauté du renseignement. Cela signifie que les futurs conseillers en sécurité nationale (renforcés par le personnel de soutien de haut niveau le plus compétent et le plus brillant) devront être individuellement responsables de la coordination complète et de l’exécution finale de la stratégie à long terme des États-Unis à l’égard de la Chine.

Conclusion

Il n’y a aucune raison de croire qu’il est impossible, si une telle stratégie est suivie avec succès, que Xi soit remplacé à terme par la forme plus traditionnelle de direction du Parti communiste. Xi, comme indiqué précédemment, provoque déjà d’importantes réactions contre lui-même et son orientation stratégique actuelle. À plus long terme, le peuple chinois lui-même pourrait bien en venir à remettre en question et à contester la proposition centenaire du parti selon laquelle l’ancienne civilisation chinoise est à jamais vouée à un avenir autoritaire.

Toutefois, cette question relève en fin de compte du peuple chinois lui-même, plutôt que de la stratégie américaine. L’ambition de la stratégie américaine pour les décennies à venir devrait plutôt être d’amener les dirigeants du Parti communiste chinois à changer de cap stratégique ; avec ou sans Xi à la barre.

En dernière analyse, le principal problème auquel sont confrontés les États-Unis face à la Chine de Xi n’est pas un problème de capacités militaires, économiques ou technologiques. C’est un problème de confiance en soi. Il existe une force subtile mais corrosive qui est à l’œuvre dans la psychologie nationale des États-Unis depuis quelque temps déjà, qui suscite le doute quant à l’avenir de la nation et encourage le sentiment que, en tant que pays, les meilleurs jours de l’Amérique appartiennent peut-être au passé. Les adversaires et les alliés le sentent également.

Objectivement, un tel désespoir n’est pas fondé. Les États-Unis, en tant que pays, sont jeunes, et leur capacité d’innovation est inégalée. Les valeurs qu’ils défendent ont résisté à l’épreuve du temps. C’est là que les dirigeants de la nation doivent une fois de plus relever le défi, non seulement pour donner à la nation une vision, une mission et un objectif, non seulement pour définir la stratégie et la mettre en œuvre, mais aussi pour amener le peuple américain à croire à nouveau en la nation et en sa capacité à assurer un leadership mondial efficace pour le siècle à venir. Ce faisant, la nation doit également amener ses amis et alliés à croire à nouveau en elle.

Une version détaillée est disponible en anglais sur le site de l’Atlantic Council

Source : Atlantic Council, Frederick Kempe, 28-01-2021

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