Joséphine Baker sera la première femme noire immortalisée au Panthéon en France


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Paris (AFP) – Joséphine Baker, la danseuse, chanteuse et actrice franco-américaine qui a fasciné la France avec des performances se moquant du colonialisme et a ensuite rejoint la Résistance française, deviendra mardi la première femme noire à être immortalisée dans le mausolée du Panthéon en France.

Baker ne sera que la sixième femme à rejoindre les quelque 80 grandes figures nationales de l’histoire de France dans le temple profane de la rive gauche de Paris.

Elle sera également la première figure du showbiz à être honorée d’une place symbolique dans le sanctuaire laïc, dernière demeure d’une longue liste de sommités du monde politique, culturel et scientifique, dont Victor Hugo, Emile Zola et Marie Curie.

La « panthéonisation » de la première superstar féminine noire au monde, qui a milité pour les droits civiques aux côtés de Martin Luther King, couronne des années de campagne de sa famille et d’un groupe d’intellectuels pour qu’elle reçoive le rare honneur posthume.

Le président français Emmanuel Macron a finalement accédé en août à la demande « parce que c’est une femme née noire et américaine dans une société fermée… qui est devenue l’incarnation des valeurs des Lumières de la République française tout au long de sa vie », a expliqué son bureau cette semaine. .

« C’est une femme dont toute la vie a été consacrée à la double quête de liberté et de justice », a ajouté un responsable de la présidence.

« La France m’a fait »

Née Freda Josephine McDonald dans l’extrême pauvreté au Missouri en 1906, Baker a quitté l’école à 13 ans.

Après deux mariages ratés – elle a pris le nom de Baker de son deuxième mari – elle a réussi à se faire une place dans l’une des premières comédies musicales entièrement noires de Broadway en 1921.

Comme de nombreux artistes noirs américains à l’époque, elle a déménagé en France pour échapper à la ségrégation raciale dans son pays.

La chanteuse-artiste née aux États-Unis, Joséphine Baker, pose à Paris dans les années 1920
La chanteuse-artiste née aux États-Unis, Joséphine Baker, pose à Paris dans les années 1920 – AFP/Fichier

La femme surnommée la « Vénus noire » a pris Paris d’assaut avec ses performances de danse exubérantes, qui ont capturé l’énergie de l’ère du jazz.

L’un des moments marquants de sa carrière est survenu lorsqu’elle a dansé le Charleston au cabaret des Folies-Bergère, vêtue uniquement d’un collier de perles et d’une jupe en bananes en caoutchouc, dans un envoi sensationnel de fantasmes coloniaux sur les femmes noires.

Chanteuse et comédienne ainsi que danseuse, elle adopte la France de tout cœur, prenant la nationalité française lors de son mariage avec l’industriel Jean Lion en 1937.

Elle divorcera et se remariera deux fois de plus, adoptant 12 enfants en cours de route.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, elle rejoint la Résistance française contre l’Allemagne nazie, devenant lieutenant dans le corps auxiliaire féminin de l’armée de l’air française libre.

Elle est devenue une espionne du chef de guerre français en exil, le général Charles de Gaulle, et a utilisé ses compétences relationnelles et ses contacts pour obtenir des informations sur les plans du leader fasciste italien Benito Mussolini.

« La France a fait de moi qui je suis », a-t-elle déclaré plus tard. « Les Parisiens m’ont tout donné… Je suis prêt à leur donner ma vie. »

« Vrai antiraciste »

Tout au long de sa vie, elle a combattu la discrimination, adoptant des enfants de différentes origines ethniques pour former une famille « arc-en-ciel » dans son château du sud-ouest de la France.

Pascal Bruckner, un romancier qui a fait campagne pour qu’elle obtienne une place convoitée sous le célèbre dôme du Panthéon, a déclaré que Baker « est le symbole d’une France qui n’est pas raciste ».

« Josephine Baker est une vraie antiraciste, une vraie antifasciste », a-t-il déclaré à l’AFP lors d’un entretien en début d’année.

Baker est décédée le 12 avril 1975, à l’âge de 68 ans, d’une hémorragie cérébrale, quelques jours après un dernier spectacle de cabaret à succès à Paris célébrant son demi-siècle sur scène.

Elle est la deuxième femme à être intronisée par Macron au Panthéon après l’ancienne ministre Simone Veil, qui a survécu à la Shoah pour lutter pour le droit à l’avortement et l’unité européenne.

L’ancien mentor et prédécesseur de Macron, François Hollande, avait refusé les appels à immortaliser Baker dans l’ancienne église, transformée en temple des « grands hommes » après la Révolution française.

« Il trouvait que c’était une idée stupide », a confié l’un des conseillers de Macron.

Signe de l’affection dans laquelle Baker est toujours détenu en France, il n’y a eu aucune critique publique de la décision de lui rendre hommage, y compris de la part de commentateurs d’extrême droite qui sont généralement cinglants pour les gestes antiracistes.

Une tombe symbolique sera transportée au Panthéon par des membres de l’armée de l’air française, un clin d’œil à son rôle dans l’armée de l’air française libre en temps de guerre.

La dépouille de Baker restera cependant à Monaco, où elle est enterrée.

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