Gare aux boutiques de dropshipping


Latda, Lerra, Tole, Bupo : au début de l’été, mon fil d’actualité sur X (jusqu’à tout récemment Twitter) s’est vu submergé de messages commandés provenant de boutiques en ligne qui se ressemblaient à toutes. Leurs logos étaient similaires, elles avaient toutes été fondées à peu près en même temps et offriraient toutes des produits du même genre, souvent des articles bas de gamme pour la maison, comme un couteau pour retirer les graines de poivrons ou un accessoire de rangement pour l’évier.

Les ressemblances étaient trop grandes pour que ce soit le fruit du hasard. Il m’a d’ailleurs suffi de quelques recherches dans le site de commerce en ligne AliExpress (qui propose des articles à peu de frais, directement des fabricants en Asie) pour y retrouver la plupart des produits, mais à une fraction du prix.

À gauche : un fusil à bulles offert dans l’une des boutiques de parachutage mises en avant sur X (ex-Twitter). À droite : le même produit, sur AliExpress, à une fraction du prix. (Captures d’écran : Maxime Johnson)

Qu’est-ce que le parachutage ?

Ces boutiques font ce qu’on appelle du livraison directe, ou parachutage. « Le livraison directe est un phénomène où une plateforme en ligne n’est pas propriétaire de la marchandise qu’elle vend. Elle n’est qu’une vitrine pour les consommateurs », explique Sandrine Prom Tep, professeure au Département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

Les boutiques qui font du parachutage n’ont aucun stock à gérer et ne sont pas responsables de l’envoi des achats. Elles ne font que prendre l’argent de l’acheteur afin de passer une commande auprès d’une autre entreprise (probablement par l’intermédiaire d’AliExpress, comme dans le cas mentionné plus haut). C’est un peu comme demander 40 dollars à quelqu’un pour commander une pizza de 20 dollars à sa place.

La pratique est notamment populaire auprès des influenceurs sur les réseaux sociaux, qui peuvent ainsi monétiser leur auditoire. La plateforme de commerce électronique canadienne Shopify offre même des tutoriels pour créer une boutique, la relier à AliExpress et vendre ses produits directement sur TikTok.

Notons qu’Amazon permet également de faire du parachutage dans sa boutique en ligne, sans qu’il soit nécessaire de créer un site Web. Ici aussi, je n’ai eu besoin que d’une recherche pour y retrouver les produits affichés par les boutiques citées plus haut, proposés par d’autres revendeurs utilisant le parachutage sur Amazon.

Est-ce dangereux ?

Le parachutage n’est pas illégal ni dangereux en soi, mais il facilite la tâche aux fraudeurs qui veulent dérober vos informations personnelles. « C’est plus facile de créer un site Web que d’ouvrir une boutique physique », souligne Sandrine Prom Tep.

En général, il vaut mieux ne pas envoyer d’argent ni donner ses informations personnelles (numéro de carte de crédit, nom, adresse, etc.) à une boutique qu’on ne connaît pas.

Le fait que le parachutage soit réalisé par l’intermédiaire d’une plateforme connue, comme Amazon, Best Buy Marketplace ou eBay, limite les risques. Mais même en ne faisant aucune fraude, nombre de vendeurs profitent des consommateurs. « Un vendeur peut afficher un produit à un prix terriblement plus cher que sa valeur normale et espérer qu’un concombre soit prêt à l’acheter », illustre la professeure de marketing.

Comment reconnaître ces boutiques ?

Comment s’assurer de ne pas être ce concombre ? Certains indices peuvent laisser croire qu’une boutique effectue du parachutage. De longs délais de livraison (d’une à quatre semaines environ), l’absence de marques connues et l’impression que les produits sont d’une basse qualité indiquant souvent qu’il s’agit de cette forme de commerce électronique.

Dans le doute, il est également possible de faire une recherche directement sur AliExpress (en entrant le nom du produit ou une description, par exemple), pour voir si les mêmes objets y figurent à plus bas prix. Vous pouvez également sur les sites d’autres fournisseurs de parachutage, comme SaleHoo, Spocket, DHgate, Chinabrands et DX.

Sur Amazon, s’il est écrit qu’une entreprise est à la fois responsable de l’expédition et de la vente d’un produit (informations inscrites dans la boîte d’achat à droite sur l’écran), il s’agit probablement de parachutage. Vous savez ainsi que ce n’est pas Amazon qui s’occupe de la livraison (en fait, le vendeur la confiera sans doute au fabricant de l’objet plutôt que de s’en occuper lui-même).

Amazon permet également le parachutage. (Capture d’écran : Maxime Johnson)

Vous pouvez également télécharger une photo d’un des produits que vous soupçonnez de faire l’objet de parachutage et lancer une recherche inversée par image sur Google, ou encore sur le moteur de recherche russe Yandex, plus efficace pour ce type de requête. Il vous sera alors possible de consulter tous les sites utilisant cette photo (la marche à suivre pour effectuer une recherche par image est ici pour Google et ici pour Yandex).

X sévit

Le couperet semble être tombé au cours des dernières semaines sur de nombreux comptes X de boutiques de parachutage. Près de 1 000 boutiques douteuses recensées par le compte X StoreScams ont en effet été bloquées par l’ex-Twitter depuis le début juillet, dont celles dans les captures d’écran présentées ici.

Ce n’est pas la fin du livraison directe pour autant. Les pubs de ces boutiques polluent moins mon fil d’actualité, mais beaucoup sont toujours accessibles directement par leur adresse Web. De nouvelles boutiques sont également apparues dans les semaines suivantes, ce qui laisse présager un jeu du chat et de la souris qui risque de continuer longtemps, tant sur X que sur les autres réseaux sociaux, comme Facebook et Instagram.



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