En préparation de la loi d’expulsion, la France vise l’imam Hassan Iquioussen


Vendredi, un juge d’un tribunal administratif a suspendu l’arrêté d’expulsion d’urgence du gouvernement français contre l’imam et ancien enseignant Hassan Iquioussen. Iquioussen est né à Dadian dans le Nord de la France et vit ici depuis 58 ans. Il risque l’expulsion vers le Maroc, où il n’a jamais vécu et a publiquement critiqué le roi.

Iquioussen a cinq enfants et neuf petits-enfants qui résident tous en France et sont citoyens. Son père l’a forcé, lui et ses frères et sœurs, à refuser leur droit à la citoyenneté française à 18 ans. Depuis, il a tenté en vain de demander la citoyenneté à deux reprises, une fois en 1984 et une fois en 1990. Il a auparavant enseigné la langue française au niveau secondaire.

Le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin (AP Photo/Michel Euler)

Le 31 octobre de l’année dernière, la maison d’Iquioussen a été perquisitionnée et perquisitionnée par des gendarmes, qui n’ont rien trouvé d’incriminant. Plus tôt cette année, la préfecture du Nord a refusé de renouveler le titre de séjour d’Iquioussen, alléguant qu’il tenait « des discours haineux contre les valeurs de la République, notamment la laïcité », niait « l’égalité entre les femmes et les hommes » et développait des « comportements antisémites » et « théories du complot sur l’islamophobie.

Le 3 mai, le gouvernement Macron a entamé une procédure d’expulsion à son encontre. Puis le 28 juillet, ministre de l’intérieur et ancien membre du parti royaliste Action Française, Gérald Darmanin a déclaré à l’Assemblée nationale qu’Iquioussen « sera expulsé ». Après que les autorités marocaines ont confirmé qu’elles accepteraient l’imam, le 1er août, Darmanin a déclaré qu’Iquioussen serait « expulsé manu militari [by force] du territoire national ».

Iquioussen a nié toutes ces allégations. Lucie Simon, l’avocate de l’imam, a déclaré : « Il conteste fortement et sérieusement chacun des éléments contenus dans l’arrêté d’expulsion, qui sont non seulement anciens mais aussi sortis de leur contexte, tronqués par des phrases coupées et souvent invérifiables.

Hier matin, il semblait que la campagne du gouvernement serait couronnée de succès : la Cour européenne des droits de l’homme, devant laquelle les avocats d’Iquioussen avaient également fait appel, a refusé d’intervenir dans l’expulsion d’urgence de l’imam par le gouvernement français.

Cependant, le plan de Darmanin a été stoppé plus tard vendredi matin, lorsqu’un juge du tribunal administratif de Paris a suspendu l’arrêté d’expulsion du gouvernement, au moins temporairement. Ce jugement a ensuite été rapidement porté en appel par Darmanin, qui a répété les allégations d’antisémitisme, de sexisme et d’extrémisme religieux dans un communiqué tweeté vendredi après-midi.

Selon le journaliste Camille Polloni, qui a vu le texte de l’ordonnance du juge, le juge s’est prononcé contre le gouvernement parce qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui des accusations d’antisémitisme ou d’extrémisme religieux portées par l’État contre Iquioussen. Le juge a convenu avec les avocats de l’imam que toutes les citations, sauf une qui lui sont attribuées par le gouvernement, ont été sorties de leur contexte et ne constituaient pas une « provocation à la haine ».

Le seul commentaire que le juge a trouvé contrevenant à cette norme était une remarque invitant les femmes à rester à la maison. Cependant, le juge a conclu que cela ne « justifiait pas l’arrêté d’expulsion ».

Darmanin a très publiquement poursuivi Iquioussen dans le cadre d’une nouvelle offensive contre les immigrés par le gouvernement Macron. Le gouvernement avait prévu d’introduire cette semaine une nouvelle loi draconienne sur l’immigration visant les droits démocratiques fondamentaux, mais a maintenant reporté l’examen de la législation à la fin du mois d’août. Cette action visait apparemment à faciliter le « débat ».

Le projet de loi propose de supprimer le droit des immigrés de faire appel de l’expulsion, seul moyen légal par lequel Iquioussen a pu, pour l’instant, rester en France. Elle propose également la suppression des dérogations aux expulsions, par exemple le mariage avec un Français ou l’arrivée en France avant l’âge de 13 ans. Dans une interview avec Le Figaro le 3 août, Darmanin s’est dit « prêt à imaginer des quotas supplémentaires pour chaque métier ou secteur sous tension [from a lack of available labor].”

La vraie raison pour laquelle le projet de loi a été retardé n’est pas pour un débat, mais pour que Darmanin et le gouvernement Macron mènent une campagne anti-immigrés très médiatisée afin de préparer l’opinion publique à une attaque de grande envergure contre les droits des immigrés.

Marion Ogier, avocate de la Ligue des droits de l’homme, a noté que la poursuite de l’imam par Darmanin visait à « créer un écho médiatique pour promouvoir son projet de loi sur l’immigration » en annonçant l’expulsion de l’imam « publiquement, sur les réseaux sociaux, avant même de le notifier ».

La poursuite d’Iquioussen n’est qu’une facette de cette campagne criminelle. Depuis fin juillet, Darmanin mène une sale campagne contre la population du quartier de La Guillotèrie à Lyon, où le 20 juillet a eu lieu une altercation entre trois policiers en civil et une vingtaine d’individus.

Les agents étaient à la poursuite d’un homme qu’ils accusaient de larcin dans le quartier. Voyant trois personnes à la poursuite d’un homme, des membres de la population locale sont intervenus pour protéger l’homme en fuite, ce qui a entraîné des combats entre la police et les habitants. Cet incident, au cours duquel personne n’a été grièvement blessé, a ensuite été hystériquement saisi par la presse pro-Macron et d’extrême droite comme un « lynchage », bien que personne n’ait été tué pendant l’événement.

Darmanin s’est rendu à Lyon, où il a expliqué aux habitants la nécessité de renforcer les mesures d’expulsion des « criminels étrangers ». Darmanin a également profité de l’incident pour augmenter considérablement le nombre de policiers dans la ville, envoyant 70 flics supplémentaires dans le quartier pour « reprendre le contrôle ».

Dans son entretien avec Le Figaro, Darmanin a blâmé l’immigration, et non la pauvreté généralisée et la détresse parmi les couches les plus pauvres de la société française, pour le crime, « Aujourd’hui, les étrangers représentent 7 % de la population française et commettent 19 % des actes de délinquance. Refuser de voir cela serait nier la réalité. Le 4 août, sur CNews, il déclare : « Si [immigrants] ne respecte pas nos valeurs et nos lois, ils doivent partir. Bon sens. »

Ce qui se déroule est une attaque draconienne contre les droits démocratiques fondamentaux par un gouvernement qui attise les sentiments d’extrême droite. L’État a cherché à expulser un résident d’origine française, qui n’a pas été inculpé, et encore moins reconnu coupable d’un crime, en raison de son prétendu désaccord avec les « valeurs » de l’État français. Seul le recours réussi de l’imam contre l’ordre, un droit que le gouvernement cherche à renverser, a temporairement empêché son expulsion.

L’affaire Iquioussen et la campagne anti-immigrés de Darmanin montrent comment, enhardis par sa victoire d’avril, Macron et ses alliés cherchent à approfondir et à étendre la campagne anti-musulmane de l’État français. C’est dans tous ses traits la même politique fasciste proposée par le Rassemblement national (RN) d’extrême droite de Marine Le Pen.

La loi de Macron va à une Assemblée nationale bourrée de députés de son propre parti, du RN et de la Nouvelle Union populaire de Jean Luc Mélenchon, qui a soutenu les précédentes législations anti-musulmanes. Il y a clairement un énorme danger que le droit des immigrés à faire appel de leur expulsion soit supprimé.

Dans le cas d’Iquioussen, malgré le verdict du juge, il reste exposé à un risque énorme d’expulsion vers le Maroc dans les jours et la semaine à venir. Embarrassé par la décision contre sa poursuite très médiatisée de l’imam, le gouvernement Macron fera tout ce qui est en son pouvoir pour annuler la décision.

La nouvelle campagne du gouvernement Macron confirme le bien-fondé de l’appel du SEP France au boycott du second tour de l’élection présidentielle française. Contrairement à l’affirmation selon laquelle Macron était une alternative «républicaine» à Le Pen, Macron lui-même met en œuvre un programme d’extrême droite basé sur l’incitation au racisme, pour construire rapidement un État policier. La défense de millions de musulmans et d’immigrés en France nécessite une mobilisation politique massive de la classe ouvrière.

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