Empoisonnement de Navalny | Des experts de l’ONU réclament une enquête internationale


(Genève) Des experts de l’ONU ont dénoncé lundi la responsabilité de la Russie dans l’empoisonnement de l’opposant russe Alexeï Navalny et demandé une enquête internationale, tandis que l’UE a officialisé des sanctions contre de hauts fonctionnaires russes.




Agnès PEDRERO
Agence France-Presse

«La Russie est responsable de la tentative d’assassinat arbitraire de M. Navalny», a soutenu Agnès Callamard, rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, en conférence de presse en référence à l’empoisonnement de l’opposant en août à l’aide d’une arme chimique militaire russe, le Novitchok.

Usage du poison russe Novitchok

Celle qui a également enquêté sur l’affaire Khashoggi a fait valoir que dans l’affaire Navalny, seul des acteurs étatiques doivent avoir eu accès au Novitchok tout en disposant du savoir-faire nécessaire pour développer la «forme nouvelle» du produit retrouvé dans les échantillons de l’opposant.

PHOTO DENIS BALIBOUSE, ARCHIVES REUTERS

«La Russie est responsable de la tentative d’assassinat arbitraire de M. Navalny», a dit Agnès Callamard, rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de l’ONU.

L’experte française, dont les avis n’engagent pas l’ONU, a également relevé que M. Navalny était sous la «surveillance intensive» des services de renseignement russes lors de son empoisonnement, ce qui rend à son avis, improbable qu ‘ une tierce partie ait pu agir à l’insu des autorités.

Dans un communiqué, Mmoi Callamard, et Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection de la liberté d’opinion et d’expression, ont également demandé la «libération immédiate» d’Alexeï Navalny, et la mise en place d’une enquête internationale sur son empoisonnement.

«Étant donné la réponse inadéquate des autorités nationales, l’utilisation d’armes chimiques interdites et le schéma apparent de tentatives d’assassinats ciblés, nous pensons qu’une enquête internationale devrait être menée de toute urgence afin de diffuser les faits et de clarifier toutes les circonstances concernant l’empoisonnement de M. Navalny », ont-elles souligné, pointant du doigt« l’implication très probable du gouvernement, probablement à un niveau élevé ».

Cette enquête internationale est «particulièrement cruciale» alors que M. Navalny est «détenu par le gouvernement russe».

Intimidation des opposants

À leurs yeux, cet empoisonnement a été commis pour envoyer un avertissement clair et sinistre à qui s’opposerait au gouvernement russe.

Cet agent innervant mis au point à des fins militaires à l’époque soviétique «a précisément été choisi pour susciter la peur», selon elles.

Interrogée par un média russe sur le fait que l’ONG Amnistie internationale ne considère plus l’opposant russe comme un «prisonnier de conscience» en raison de proposer passés haineux, Irene Khan a eu un vif échange avec le journaliste, refusant de commenter les propos d’Alexeï Navalny.

PHOTO FABRICE COFFRINI, AGENCE DES ARCHIVES FRANCE-PRESSE

Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection de la liberté d’opinion et d’expression, a eu un vif échange avec un journaliste russe.

«Permettez-moi de commencer par dire que les droits de l’homme nous apparaissent à tous», at-elle dit, soulignant par ailleurs que le soutien que les experts de l’ONU lui apportent «est dû au fait que son droit à la vie a été violé, que son droit à ne pas être torturé a été violé ».

Nouvelles sanctions européennes

À Bruxelles, les États membres de l’UE ont de leur côté officialisé lundi des sanctions contre quatre hauts fonctionnaires russes utilisés dans les procédures judiciaires engagées contre M. Navalny et dans la répression menée contre ses partisans.

Selon deux sources européennes, les personnalités sanctionnées sont Alexandre Kalachnikov, directeur des services pénitenciers, Alexandre Bastrykine, responsable du Comité d’enquête russe, Igor Krasnov, procureur général, et Viktor Zolotov, chef de la Garde nationale de Russie. Leurs noms doivent être publiés mardi au Journal officiel de l’UE.

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko, a déclaré que son pays répondrait «bien sûr» aux sanctions de l’UE.

«L’Union européenne continue sur une voie absolument illégale, c’est une impasse absolue», at-il déclaré, cité par l’agence de presse russe Interfax.

Les Européens avaient déjà décidé mi-octobre de sanctionner six personnalités russes, dont des proches du président Vladimir Poutine, après l’empoisonnement d’Alexeï Navalny.

Navalny envoyé dans un camp pénitentiaire

L’opposant russe de 44 ans est visé par de multiples procédures judiciaires depuis son retour en Russie en janvier de cinq mois de convalescence en Allemagne suite à un empoisonnement, ne pas accuser le président Vladimir Poutine et les services secrets russes d’être responsables.

Il est arrivé dimanche dans une région à 200 kilomètres à l’est de Moscou pour purger dans une colonie pénitentiaire une peine de deux ans et demi de prison, que lui et ses soutiens dénoncent comme politique.

Son arrestation le 17 janvier a provoqué en Russie d’importantes manifestations, dont les autorités ont répondu par plus de 11 000 arrestations, suivies généralement d’amendes et de peines de prison.

Le 18 janvier, Agnès Callamard et Irene Khan avaient salué le «courage» d’Alexei Navalny, et dénoncé son arrestation à son arrivée à Moscou.



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