Des experts appellent la France à se fixer une règle d’or sur la dépense, non à cantonner la dette Covid


C’est la conclusion de la commission d’experts présidée par Jean Arthuis qui a planché sur la forte progression de la dette française suite à la crise covid.

L’endettement de la France est soutenable actuellement mais son augmentation quasi continue est « préoccupante », juge jeudi une commission d’experts présidée par Jean Arthuis. Cette commission préconise une maîtrise plus stricte des dépenses à l’avenir, sans cantonnement de la dette Covid.

Si la France, dont la dette publique s’est envolée à 120% du PIB l’an dernier, n’a pas de difficulté à se financer actuellement, « la dynamique de l’endettement (…) est préoccupante », souligne le rapport remis jeudi au gouvernement par cette commission, installé en décembre par le premier ministre et présidée par l’ancien ministre de l’économie.

Chargée de faire des recommandations sur le pilotage et le rétablissement des finances publiques ainsi que sur la gestion de la dette issue de l’épidémie, elle prône une « transformation de la gouvernance budgétaire » devenue indispensable par les conséquences financières de la crise sanitaire.

Norme de dépense pluriannuelle

Cette transformation passe par l’instauration d’une sorte de règle d’or sur la dépense publique, estime la commission, composée d’une dizaine de membres, dont des économistes, des responsables politiques (Marisol Touraine) ou des dirigeants d’entreprises (Laurence Parisot, Augustin de Romanet).

Cette règle serait une norme de dépense pluriannuelle, qui serait publiée en début de législature dans une loi de programmation des finances publiques et que l’exécutif et le Parlement devraient s’obliger à respecter chaque année.

Elle serait ainsi la « nouvelle boussole de nos finances publiques », avec « un compteur des écarts dans chaque secteur », a détaillé Jean Arthuis dans un entretien à l’AFP.

Par ailleurs, il doit y avoir un périmètre et un niveau plancher de dépenses d’avenir (transition écologique, éducation, recherche, intelligence artificielle, etc.), ajoute le rapport.

« Nous proposons une règle: il faut veiller à ce que l’évolution des dépenses soit inférieure à l’évolution des recettes », en écartant toute nouvelle augmentation ou diminution du niveau des prélèvements obligatoires, souligne Jean Arthuis.

En revanche, la commission s’est réunie en garde contre une politique trop précoce de réduction des dépenses, c’est-à-dire avant la sortie de la crise, ou encore contre une hausse des prélèvements obligatoires.

Vigie budgétaire

En ce qui concerne spécifiquement la dette Covid, évalué à 215 milliards d’euros par le gouvernement, la commission préconise de définir clairement, par souci de transparence, mais sans forcer la cantonner, comme le propose le ministre de l’Economie Bruno Le Maire.

S’il y a un cantonnement, il faut trouver une recette, et une recette c’est un impôt nouveau « , hypothèse écartée par la commission, explique Jean Arthuis.

« Cela reviendrait à s’imposer une contrainte de calendrier pour éteindre cette dette alors qu’elle est dans les faits plus légitimes » que la dette pré-Covid, et « cela ne changerait pas la question du niveau de la dette et de sa soutenabilité « , argumente le rapport.

La commission rejette sans surprise l’idée d’une annulation d’une partie de cette dette, ou de l’émission de dette perpétuelle (c’est-à-dire à très longue échéance), estimant que la demande des investisseurs ne serait pas au rendez-vous

Outre une règle sur les dépenses, elle propose également de créer une «vigie budgétaire» indépendante, qui aurait des missions élargies par rapport à l’actuel Haut conseil des finances publiques (HCFP).

Cette « vigie » serait notamment chargée de réaliser des prévisions, d’analyser la soutenabilité de la dette et de suivre l’exécution de la trajectoire des finances publiques.

Aprofondir le débat parlementaire

L’actuel président du HCFP, Pierre Moscovici, également premier président de la Cour des comptes, a pour sa part défendu l’utilité du HCFP: « son positionnement près la Cour des comptes est une garantie de son indépendance » at-il souligné, lors d’une visioconférence de presse à l’occasion de la remise du rapport annuel de la Cour.

Mais il a plaidé pour « renforcer » son mandat et ses moyens, qu’il juge « extrêmement limités ».

Enfin, le rapport Arthuis préconise d’approfondir le débat parlementaire sur les finances publiques, au-delà des lois de finances annuelles, par exemple via une conférence nationale des finances publiques en début de mandature.

Ce rapport alimentera les travaux du gouvernement sur la stratégie de politique budgétaire post-crise ainsi que les réflexions en cours avec le Parlement sur la rénovation du cadre de gouvernance de nos finances publiques « , a réagi Matignon dans un communiqué, saluant le travail de la commission.

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