Des décennies plus tard, le «George Floyd français» reçoit un traitement à l’écran


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Paris (AFP)- Le nom résonne profondément parmi les minorités françaises comme symbole des violences policières, mais il aura fallu 35 ans pour que la mort de Malik Oussekine soit relatée à l’écran.

Dans la nuit du 6 décembre 1986, deux policiers battent à mort le franco-algérien de 22 ans en marge d’une manifestation étudiante à Paris.

Il n’avait pas été impliqué dans la manifestation et son assassinat a marqué un tournant, déclenchant des semaines de troubles et aboutissant à la condamnation sans précédent des officiers.

Alors que le nom d’Oussekine a continué à résonner parmi les minorités, son histoire n’a jamais été adaptée à l’écran jusqu’à présent.

Comme pour rattraper le temps perdu, deux versions sortent ce mois-ci : un film, « Nos frères », présenté en avant-première au Festival de Cannes, et une mini-série Disney+, « Oussekine », sort mercredi dans le monde entier.

« Il a été agressé à cause de la couleur de sa peau. C’est l’Arabe George Floyd de France », a déclaré à l’AFP l’historien Pascal Blanchard, faisant référence à l’Afro-Américain dont la mort aux mains de la police en 2020 a déclenché des manifestations internationales massives.

Il a dit qu’une grande partie de la société française avait permis à l’histoire d’Oussekine d’être passée sous silence, tout comme une grande partie de son histoire troublée avec les populations immigrées.

Une manifestation après la mort d'Oussekine en 1986
Une manifestation après la mort d’Oussekine en 1986 Michel GANGNEAFP

« Il ne s’agit pas de savoir si Malik Oussekine a été oublié, mais par qui ? » dit Blanchard.

« Cancers historiques »

La France est toujours aux prises avec le traumatisme de sa période coloniale, en particulier la sanglante guerre d’indépendance en Algérie de 1954 à 1962.

Parmi ses moments les plus sombres, il y a eu le massacre de jusqu’à 200 manifestants algériens par la police à Paris le 17 octobre 1961 – dont beaucoup ont été abattus et leurs corps jetés dans la Seine.

Les événements de cette journée sont restés officiellement non reconnus pendant des décennies jusqu’à ce que le président Emmanuel Macron les qualifie finalement de « crimes inexcusables » lors du 60e anniversaire l’année dernière, mais sans s’excuser.

La mort d’Oussekine a été cruciale pour marquer la fin de l’impunité totale de la police – la première fois que des officiers ont été condamnés pour ce type de crime, selon l’avocat de la famille, Georges Kiejman.

Il a fallu jusqu’à présent, alors que les petits-enfants de la première vague d’immigrants nord-africains arrivent à maturité, pour qu’il y ait suffisamment de distance et de confiance pour aborder le passé.

« Pour notre génération, il est important de dire que ces histoires individuelles font partie de l’histoire nationale française. Elles ne sont pas séparées. Ce sont des histoires françaises », a déclaré Faiza Guene, 36 ans et née de parents algériens, qui ont participé à l’écriture du scénario de « Oussekine ».

Son réalisateur, Antoine Chevrollier, faisait partie de l’équipe à l’origine de la série d’espionnage à succès « Le Bureau » et de la célèbre saga politique « Baron Noir ».

Chevrollier, connu pour son travail sur 'Le Bureau', planifie depuis de nombreuses années un projet sur Oussekine
Chevrollier, connu pour son travail sur ‘Le Bureau’, planifie depuis de nombreuses années un projet sur Oussekine JULIEN DE ROSA AFP

« L’important est de faire résonner ce nom et cette histoire pour qu’on n’oublie jamais », a-t-il déclaré à l’AFP.

Chevrollier, qui a grandi dans un petit village de la vallée de la Loire, dit qu’il n’a pris pleinement conscience de la puissance du nom d’Oussekine que lorsqu’il a déménagé à Paris et a commencé à fréquenter des personnes d’horizons différents.

« J’espère que la série contribuera à apaiser les tensions qui agitent le pays. Il est temps que nous, en France, commencions à soigner ces cancers historiques. »

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