Ce quartier qui élève mes petits


J’habite sur le chemin de l’école. J’adore ça. Vu que je travaille de la maison, comme beaucoup d’entre vous en pandémie, l’horaire de l’école rythme ma vie. J’entends les enfants qui y vont le matin et les petits qui rentrent le soir, selon leur groupe d’âge. J’entends les conversations, les parents qui font savoir ce que l’on mangea pour souper, les gamins qui rouspètent… Et puis j’entends aussi chaque matin le fracas des pas qui battent l’asphalte à toute allure. Les retardataires. Ceux qui filent comme le lapin d ‘Alice au pays des merveilles. De la confiture au coin de la bouche et une manche de manteau pas encore enfilée. Ceux-là s’affolent.

Tous les matins, un ami de mon fils cogne à la porte pour venir le chercher. Au début, il sonnait. Mais un coup de sonnette à 8 h, c’est un peu intense. Alors j’ai dit à mon fils de gentiment lui demander de frapper à la place. La routine, c’est ce que certains redoutent peut-être dans la vie, que tous les jours se ressemblent. Pourtant, en famille, la routine est une roue dorée que je chéris. C’est cette roue qui m’avait été enlevée l’an passé pendant le premier confinement. Quand, tristement, le moteur du quartier ne ronronnait plus. Le premier ministre et ses acolytes semblent tout faire pour que les écoles ne ferment pas, et j’avoue que cette lanterne dans le long tunnel que nous traversons est celle qui me certifie.

L’école est le cœur de mon village, comme du vôtre peut-être. Un microcosme qui bourdonne depuis 100 ans. Il y a un siècle que le chemin de l’école est sillonné par de petites jambes. Il a tout vu, tout entendu à travers les décennies, et rien ne me rassure plus que d’élever mes petits dans un coin de la ville qui en a vu d’autres. Un vieux quartier résidentiel te rassure. Les vieux arbres te murmurent que ça va aller. Comme des sages qui ont vu le temps passer. Ce quartier, ce voisinage, je l’affectionne devant plus qu’il est pendant cette période trouble le poumon qui nous fait respirer. Sans les voisins, sans les parents des amis, sans les ruelles, je ne m’en sortirais pas. Ce train-train est ce qui me rappelle que la vie est toujours là.

Mes enfants n’auront jamais passé autant de temps à l’extérieur qu’en période de pandémie. Le dehors est leur ticket vers les amis. Aucun d’entre eux n’a le droit de pénétrer chez nous, les enfants traînent donc dans les rues comme avant. Comme quand les écrans n’existaient pas. Que ta mère te foutait dehors pour ne pas que tu sois dans ses pattes, et qu’ensemble, toutes les mères élevaient tous les enfants du quartier. Ma mère m’a raconté qu’en Abitibi, où elle a grandi dans une ferme, la voisine criait souvent après ses enfants, alors les petits aboutissaient tous chez mes grands-parents. Ma mère a neuf frères et sœurs. Vous imaginez donc le groupe.

Des enfants qui grouillent comme dans le temps, des conversations de corde à linge, on se croirait dans un roman de Michel Tremblay. Devant chez moi, avec ma voisine du troisième, on fera bientôt un potager. Les plus petits joueurs dans la terre pendant que les plus grands vaquent à leurs activités dans le quartier. Ils reviennent sales avec des aventures plein la tête, toujours avant le couvre-feu, mais parfois en retard pour souper. C’est aussi ça, la vie en ville.

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