Actualit Bande Dessine: Entretien avec Olivier Speltens


« Je me documente le plus de précision possible sur le parcours d’une unité relle, et j’y intègre mes personnages »

Aprs sa très impressionnante Arme de l’ombre (ditions Paquet), Olivier Speltens consacre une srie l’Afrikakorps. A nouveau, l’auteur nous amne au plus près de l’action. Il nous fait cette fois partager hauteur (s) d’homme (s) l’itinraire d’un quipage de char fictif mais appartenant à une unité bien relle, et ce dans des conditions différentes mais tout aussi extrmes que celles du front de l’Est. Document, précis, efficace, Croisé, tome 2 du triptyque Afrikakorps ne peut que sduire les amateurs de BD historique et ceux d’histoire et de matriel militaire. Olivier Speltens, passionn par son sujet, a répondu à nos questions.

Pourquoi avoir choisi de consacrer une srie l’Afrikakorps?

Olivier Speltens : Aprs avoir trait du front de l’Est dans L’arme de l’ombre, j’avais envie d’aborder un aspect relativement mconnu de la deuxième guerre mondiale. Les combats en Afrique du Nord n’ont évidemment pas eu le même impact sur le conflit que ce qui s’est droul en Russie, mais je voulais nouveau raconter un du côté allemand. En entamant la ralisation d ‘Afrikakorps, j’ai mesur que je passais, d’une certaine manire, d’un extrme l’autre, ne ft-ce que du point de vue mtorologique. Côté températures, il existe en effet pratiquement 100C de différence entre les deux histoires!

Comment construisez-vous votre rcit?

OS : En fait, je me documente le plus de précision possible sur le parcours d’une unité relle, ici la 5e division légère de panzers, et j’y intègre mes personnages. En rsum, dans le cas d ‘Afrikakorps, je glisse l’aventure d’un quipage de tank fictif dans l’Histoire relle de l’unit.

En se penchant sur l’histoire de la deuxième guerre mondiale, sur mesure que l’Afrikakorps et son chef, Erwin Rommel, y bnficient sorte d’une d’aura particulire … Qu’est-ce qui peut l’expliquer?

OS : Je pense que chacun trouvera sa réponse à cette question, mais au niveau de sa stratégie, Rommel tait un cran au dessus de ses adversaires anglais. De plus, il a toujours remport ses victoires en tant en infriorit numérique, ce qui a donné l’Afrikakorps une réponse d’invincibilit.

Il est d’ailleurs intéressant de savoir qu’une note circulant pami les troupes britanniques interdisait aux soldats d’employer -mme dans leurs conversations- le surnom de renard du dsert gagn par Rommel en rfrence sa voyance. Les historiens s’accordent galement souligner que jamais Rommel n’a t accus de crimes de guerre. Il existait aussi un respect mutuel entre les deux armes, et c’est ce que j’essaye de matrialiser dans cette scène o un char britannique croise le panzer de Von Richter, et o les officiers se saluent.

Une séquence qui rappelle les attitudes de pilotes certains de la premire guerre mondiale … Vous écrivez aussi ce poste de secours italien dans lequel des mdecins des diffrents camps oprent des blesss des diffrents camps …

OS : C’était une réalité. Tous étaient gaux devant la douleur et le malheur. On ne laissait pas mourir les blesss dans le dsert, ni les prisonniers. Et on ne laissait personne mourir de soif, mme si l’eau tait un bien extrmement prcieux dont l’approvisionnement d’influences certaines dcisions prises.

On pense aussi la voiture des personnages principaux qui se retrouve dans un convoi anglais …

OS : L aussi, je me suis inspiré d’une histoire vridique en inversant les rôles. Il est arrivé un char anglais de se mler un convoi allemand. Une colonne de l’Afrikakorps dépassait les anglais et dans le sable, la poussire, avec une absence de visibilit quasi-totale, un tank britannique s’est retrouvé brivement intégré au convoi ennemi … Ce genre d’histoire, qui peut sembler incroyable, est typique de ce front.

Vous voquez la poussire, le sable … Comment un dessinateur procde-t-il pour ne pas lasser le lecteur dans des décors de dsert?

OS : C’est une des difficultés principales d ‘Afrikakorps. Je dois pallier ce manque de diversité des décors naturels. J’essaye de multiplier les points de vue, car rien ne ressemble plus une dune qu’une autre dune. Je tente donc de varier les ambiances, les moments au cours desquels l’action se droule. La journe, la nuit, le lever de soleil … j’ai beaucoup travaill sur les ciels et les lumires pour Croisé, mais je reconnais que parfois il faut déployer certains trésors d’imagination. Rien n’est plus beau qu’une belle image de dsert, mais de l’exploiter sur 46 planches …

Vous mettez en scène un quipage de char, ou sur une impression qu’on commence seulement à découvrir ce que pouvait être le quotidien de ces hommes, notamment travers un film comme Fureur ou certaines sries documentaires …

OS : Il est très difficile de trouver de vrais témoignages de tankistes. Souvent a se rsume « Nous avons fait route vers … o nous avons affront … » mais ce que l’équipage a vcu l’intrieur du vhicule pendant ces moments-l, on en parle trs peu. Ou alors, au contraire, on tombe sur une compilation d’anecdotes dont l’intrt est fort relatif. Dans la plupart des bouquins, ce qui se droule au coeur de l’action n’est pas voqu. Que se passe-t-il quand un char est touch? Comment ragit l’équipage ce moment-l? On n’en parle pratiquement pas. On trouve beaucoup de documentation sur le matriel, mais finalement très peu quant à ceux qui l’utilisaient.

Evoquer les blinds s’imposait pour voquer l’Afrikakorps?

OS : Oui, le contraire aurait été quasi impossible. Le dsert constituait un terrain de jeu idal pour les chars, il autorisait pratiquement tous les mouvements, et Rommel basait une grande partie de sa stratégie sur leur rapidit. A côté de cela, leur faiblesse pouvait venir de problèmes de ravitaillement. Le Panzer III mis en scène dans les albums consommait 600 l / 100 km. Pour information, le clbre Tigre Iconsommait lui 1200 l / 100 km, et le Tigre II …1800 l / 100 km!

Comment avez-vous ngoci la jonction entre la ralisation de L’arme de l’ombre et Afrikakorps?Vous documentiez-vous dj pour la deuxième srie en achevant la premire?

OS : En partie, oui, et je me suis accord un petit dlai de transition entre les deux. De plus j’ai la chance d’être en relation avec quelques passionns qui me rapportent normment de documentation. Cela me permet de gagner beaucoup de temps et en finissant le tome 4 de L’arme de l’ombre, j’effectuais déjà un tri dans ce que j’allais utiliser pour Afrikakorps.

Afrikakorps sera un triptyque. Crusader, son deuxième volet, est paru récemment. Vers quoi vous dirigerez-vous aprs le troisime tome?

OS : Il s’agira nouveau d’un grand changement géographique puisque j’voquerai les pilotes japonais dans le Pacifique. Encore une fois je me pencherai sur les « mchants » qui, finalement, n’étaient pas très différents de nous, mais sur ne connat pas leur point de vue et c’est montrer une qui m’intresse. Comment aurais-ragi si j’avais vcu ce conflit? Quels choix aurais-je d faire? Ces questions sont un peu le fil conducteur de mes BD … mais illustrent aussi l’absurdit de la guerre.

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