Une plongée profonde sur le conservationniste


Jacques Cousteau dans Devenir Cousteau

Jacques Cousteau dans Devenir Cousteau
photo: National Geographic

Lors d’un montage introductif vers le début du documentaire de Liz Garbus Devenir Cousteau, un animateur de talk-show se tient devant un public, avec Jacques Cousteau assis derrière lui sur la scène, et insiste sur le fait que son invité ce soir-là n’aura pas besoin d’être présenté. Le clip semble dater des années 1970 – une époque, maintenant révolue, où Cousteau était largement reconnaissable non seulement par son nom mais aussi par son visage. L’une des célébrités les plus improbables, cet explorateur aquatique et fervent écologiste deviendrait, au cours de sa vie, un cinéaste oscarisé, une star de la télévision et la première personne que beaucoup de gens photographiaient en pensant au poisson.

Comme le titre l’indique, Devenir Cousteau est en partie sur la façon dont son sujet est devenu célèbre. Avec une multitude de séquences des expéditions de Cousteau parmi lesquelles choisir, ainsi que de nombreux commentaires de Cousteau tirés de ses journaux et articles, lus à voix hautepar Vincent Cassel—Garbus raconte comment l’ancien officier de marine français a transformé sa fascination pour la plongée sous-marine en une activité lucrative. Entre l’aide au développement de nouveaux équipements de pointe et l’exploration de parties de l’océan auparavant invisibles aux humains, Cousteau était un éminent dans son domaine avant même de se présenter sur les écrans de cinéma et de télévision. Longtemps fasciné par le cinéma, il tourne des films de ses expéditions tout au long des années 40 et années 50. Un de ceux-là, Le monde silencieux—réalisé aux côtés du jeune réalisateur Louis Malle—a remporté la Palme d’Or et l’Oscar.

Mais Cousteau a vraiment captivé l’imagination du public avec sa série d’émissions spéciales télévisées, diffusées comme Le monde sous-marin de Jacques Cousteau entre 1968 et 1976 (puis succédé par plusieurs suites dans les années 70, 80 et 90). Via la télévision, le monde a connu ses enfants, Jean-Michel et Philippe-Pierre, ainsi que l’équipage du bateau Calypso et la casquette rouge signature de leur capitaine. Garbus n’entre pas dans l’hommage du réalisateur Wes Anderson à Cousteau dans son film La vie aquatique avec Steve Zissou, mais les fans de ce film peuvent toujours être étonnés par certains des parallèles couverts dans Devenir Cousteau, y compris la vie privée désordonnée de son sujet (impliquant une deuxième famille secrète) et la mort tragique de l’un des ses fils. Une chose que le documentaire montre clairement, c’est que « Jacques Cousteau » était dans une certaine mesure un personnage dans une histoire d’aventure en cours. Et tandis que les fans de ses émissions avaient l’impression de le connaître, Cousteau a gardé certaines parties de sa vie hors écran.

Garbus est une réalisatrice de documentaires accomplie, surtout connue pour ses nominations aux Oscars La Ferme : Angola, USA et Que s’est-il passé, mademoiselle Simone ? Mais ses films ne se plient pas beaucoup aux conventions du documentaire. La séquence la plus frappante visuellement de Devenir Cousteau présente une colorisation sélective d’anciennes images sous-marines en noir et blanc, pour souligner les merveilles que Cousteau voyait lorsqu’il s’aventura sous l’eau. Mais il est possible que même cette floraison expressionniste inhabituelle soit venue directement des archives Cousteau. Pour la plupart, Garbus et son équipe montrent beaucoup de respect pour les propres compétences de leur sujet en tant que documentariste, et partagent simplement ce que lui et son équipe ont tourné.

Devenir Cousteau

Devenir Cousteau
photo: National Geographic

Pourtant, la conservation par Garbus de ces vieux clips est superbe, tout comme sa narration. Devenir Cousteau est rempli d’images saisissantes, comme un chien endormi qui glisse d’avant en arrière sur le banc d’un bateau à bascule, des clichés trop rares de la première épouse lumineuse et timide de Cousteau, Simone Melchior, et de nombreuses photos de sous-marins d’apparence extraterrestre paysages. Garbus se penche également sur certains des mouvements les plus discutables de Cousteau, notamment en aidant les compagnies pétrolières à trouver de nouveaux endroits pour forer et en poursuivant le fantasme d’évasion selon lequel l’humanité pourrait un jour vivre dans l’océan. Cousteau lui-même finit par regretter ces deux choix, les considérant comme une abdication de sa responsabilité de protéger les mers de la pollution et de l’exploitation. Il a même eu des doutes sur Le monde silencieux, dans lequel il a vu tuer des poissons sans discernement, pour les étudier de plus près.

Qu’est-ce qui est finalement le plus convaincant à propos de Devenir Cousteau n’est pas tant que cela rappelle une époque où un marin et un scientifique pouvaient être un nom familier, mais plutôt qu’il s’intéresse à la façon dont l’homme a utilisé cette renommée. Au cours des dernières décennies de sa vie, Cousteau était un défenseur infatigable de l’environnement, sonnant l’alarme sur ce que les gens faisaient à la planète. Son image publique a peut-être été fixée comme «le gars qui fait de beaux films sur l’océan», mais à mesure que le ton et le message de ces films ont changé, sa place a changé. Ce documentaire fascinant et réfléchi est vraiment sur la façon dont même une icône peut évoluer. La partie « devenir » d’une vie ne se termine jamais vraiment.

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