TOUT COMPRENDRE – En quoi l’accord du G7 Finances sur la fiscalité internationale est « historique »


Les ministres des Finances du G7 ont annoncé samedi un accord « sans précédent » sur un impôt mondial minimum et une meilleure répartition des recettes fiscales provenant des multinationales, particulièrement les géants du numérique. Un vrai changement de cap. Explications.

C’est la première étape pour une modification en profondeur de la fiscalité internationale, voire une révolution. Après des années de négociations et de blocages, les ministres des Finances des sept et les grandes puissances économiques de la planète sont parvenus à un accord autour de l’imposition minimale des entreprises dans le monde. Et d’une meilleure répartition des recettes fiscales afin de lutter contre le recours aux paradis fiscaux.

• Quelle est la teneur de cet accord ?

Le G7 Finances s’est engagé sur l’objectif d’un taux d’impôt mondial sur les sociétés d' »au moins 15% », soit un niveau plancher, « un point de départ », comme l’a expliqué Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie. Objectif : mettre fin à la course vers le bas de la fiscalité des entreprises.

• Pourquoi c’est important ?

Aujourd’hui, une entreprise peut choisir le pays où elle souhaite être imposée, quand bien même elle tirerait l’essentiel de ses revenus à l’étranger. Résultat, de nombreuses sont celles qui installent leur siège dans les pays à la fiscalité avantageuse, voire dans les paradis fiscaux et qui paient des impôts dérisoires malgré des profits énormes.

Avec ce taux minimal et global, il s’agit de mettre fin à une concurrence fiscale qui a conduit à une chute drastique des recettes fiscales issues des entreprises depuis le milieu des années 80. Une situation politiquement intenable à l’heure où les caisses des États ont été vidées par la pandémie de Covid-19 tandis qu’à l’inverse les géants du numérique affichent des bénéfices faramineux.

• Comment est-on parvenu à un accord ?

Après s’être opposé pendant des années à cette réforme, l’administration américaine a changé son fusil d’épaule sous l’impulsion du président Joe Biden. Ce dernier à rapidement appelé à parvenir à un accord, soutenu par la présidente de la banque centrale du pays, Janet Yellen.

Ce revirement n’est pas dénué d’intérêts. A l’heure où Joe Biden prévoit d’augmenter le taux d’impôt national sur les pour financer son plan de rénovation des infrastructures, les États-Unis ont tout intérêt à pousser la réforme de la fiscalité internationale pour décourager les entreprises américaines tentées de délocaliser leurs profits.

• Qui sont les entreprises visées ?

L’accord ne précise pas les entreprises ciblées évoquant seulement « les plus grosses et les plus rentables ». Pour autant, sont particulièrement visés les géants technologiques, les fameux GAFA qui usent et abusent de l’optimisation fiscale depuis des années en transférant leurs bénéfices vers les pays plus avantageux fiscalement (à travers une domiciliation) et en payant peu d’impôts dans les pays où ils opèrent en réalité.

Ces pratiques, jugées de plus en plus inacceptables par les États, ont conduit à la création de taxes GAFA nationales, comme en France, qui ont vocation à être abandonnées si la réforme est définitivement adoptée.

L’accord définit donc les modalités de taxation des bénéfices des entreprises pour une répartition plus juste des recettes fiscales. La mesure s’applique aux entreprises internationales qui réalisent au moins 10% de la marge bénéficiaire. L’accord prévoit qu’au-dessus de ce seuil, 20% des bénéfices réalisés soient taxés dans les pays où le groupe opère.

• 15% c’est assez ?

Les États-Unis avaient d’abord évoqué un taux de 20% avant de fixer à 15%. Pour Gabriela Bucher, de l’ONG Oxfam, un taux minimal de 15% est « bien trop bas » si l’on veut lutter contre le « recours aux paradis fiscaux ». L’association Attac estime que « le bénéfice à attendre de cette mesure est marginal à court terme » et qu’un taux à 25% « aurait constitué une avancée majeure ».

La France estime qu’il y a encore de la place à la négociation. « C’est un point de départ et dans les mois qui viennent nous allons nous battre pour que ce taux d’imposition soit minimal soit le plus élevé possible », a réagi le ministre français des Finances Bruno Le Maire.

Pour autant, selon une étude publiée par l’Observatoire européen de la fiscalité, l’instauration d’un taux minimal à 15% autorise à l’Union européenne de percevoir 50 milliards d’euros de recettes supplémentaires, dont 4,3 milliards pour la France. Loi d’être négligeable.

• Commentaire réagissent les GAFA ?

Pour le moment, l’accueil semble bienveillant malgré le risque pour leurs marges. Google a ainsi déclaré qu’il soutenait vigoureusement le travail effectué pour mettre à jour les règles de la fiscalité internationale. « Nous espérons que les pays vont continuer à travailler pour garantir qu’un accord équilibré et durable soit finalisé prochainement », a dit José Castañeda, porte-parole du géant internet américain, dans une déclaration transmise par e-mail à Reuters.

Facebook de son côté veut que « la réforme fiscale internationale réussisse », selon un de ses porte-parole. Il « reconnaît que cela pourrait signifier que Facebook paie plus d’impôts et dans différents endroits », selon une déclaration sur son compte Twitter.

• Pourquoi le chemin sera encore long avant une application concrète ?

C’est une première étape déterminante, un élan, mais le processus sera encore long. L’accord devra être validé lors du G20 cet été puis il faudra convaincre les 140 pays qui travaillent sur le projet de réforme fiscale dans le giron de l’OCDE.

Les pays comme l’Irlande ou la Hongrie qui appliquent une fiscalité basse pour les entreprises ne se laisseront pas faire. Ils cherchent que leur politique fiscale attractive est le pilier de leur développement.

« Nous avons de très sérieuses réserves. (…) Je suis fier du rôle que (ce taux) a joué dans notre développement », a ainsi déclaré le ministre irlandais des Finances, Paschal Donohoe.

Quant aux paradis fiscaux, excepté Jersey, ils sont particulièrement discrets sur la question, conscients sans doute d’être de plus en plus isolés. Au sein de l’Europe, même des pays à la fiscalité avantageuse comme les Pays-Bas ou le Luxembourg se montreraient constructifs et plutôt favorables au principe d’impôt mondial.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business

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