Terres rares. Domination chinoise, menaces et contrefeux. – Informations et actualité Chine




Mine de terres rares au Sichuan. (Photo de ChinaFotoPress/Getty Images) datant de 2011. La restructuration annoncée le 23 décembre a créé le premier groupe mondial de terres rares contrôlées par un État. Outre de mettre l’industrie chinoise à l’abri des fluctuations du marché, le but était aussi de restructurer le secteur, d’éliminer les rivalités internes et de riposter à la compétition créée par l’Australie et les États-Unis. Il faudra quelques délais pour que ces trois objectifs soient atteints.

*

Après l’annonce le 23 décembre que Pékin avait créé un « géant des terres rares », par le regroupement de Ganzhou Rare Earth Group associé à deux développeurs de technologies de séparation et aux filiales terres rares de Chinalco et de China Minmetals Corporation, nombre de les commentaires avaient glosé sur la domination chinoise.

On y lisait la menace que suscite la concentration industrielle du secteur en Chine pour des pans entiers de l’industrie moderne, depuis les alliages métalliques construits la résistance à la corrosion, aux composants des véhicules électriques en passant, entre autres, par les pots catalytiques , le raffinage pétrolier, les diodes électroluminescentes, les éoliennes, les instruments d’optique ou les capteurs solaires.

Less ne sont pas nouvelles et répondent aux intentions déjà émises par Deng Xiaoping en 1986, qui a décidé du programme « 863 », avec le slogan « Au Moyen Orient le pétrole, à la Chine, les terres rares ». L’initiative laissait déjà planer l’intention d’utiliser ces minéraux comme un levier d’influence stratégique. En 2009, une première alerte avait eu lieu quand la Chine qui disposait de près de 38% des réserves mondiales avait été instituée des quotas d’exportation.

Aussitôt réfutée par une plainte de l’UE, des États-Unis et du Mexique à l’OMC obligeant la Chine à y mettre fin en 2015, l’affaire des quotas chinois avait jeté la lumière sur la réalité d’une industrie d ‘extraction très polluante utilisant des techniques radioactives ou chimiques corrosives dont le monopole avait été laissé à la Chine qui procédait à l’exploitation des gisements à bas coûts et sans précaution écologique.

Cette désinvolture environnementale attisée par l’appât du gain de l’ouverture économique avait placé la Chine en tête de la production jusqu’en 2009.

Lire à ce sujet : Terres rares. La face cachée du monopole chinois.

*

Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, on observe à la fois une remise en ordre du secteur en Chine et une confirmation de la menace. Simultanément, la riposte des concurrents se traduit par une restructuration du marché mondial marquée par une baisse significative de la part chinoise dans la production globale et la prise de conscience, en Europe et aux États-Unis, de l’urgence de réduire la dépendance à la Chine.

Pékin et le levier stratégique des terres rares.



Répartition des ressources de terres rares. En 2019, les médias chinois avaient laissé flotter la menace d’une riposte aux impôts américains par un embargo sur les terres rares.

*

En 2017, deux années après la faillite de l’exploitant américain Molycorp, le groupe public chinois Shenghe (extraction, fusion, séparation, traitement et distribution des terres rares en Chine et à l’étranger), avait pris le contrôle de 8% de la mine de « Mountain Pass », le seul grand gisement américain de terres rares dont 51,8% des parts restaient détenues par deux fonds spéculatifs de la finance internationale, animés par des spadassins américains du NYSE.

Le 29 mai 2019, en pleine montée des tensions portées au rouge par D. Trump, entre Washington et Pékin, dans une tribune intitulée « États-Unis, ne sous-estimez pas la faculté de la Chine à riposter – 美国, 不要 低估中国的 报复能力 », le Quotidien du Peuple, évoquait la « dépendance gênante » de Washington « aux terres rares chinoises » [1].

L’article qui laissait planer la menace d’une riposte par embargo, glosait autour de la formule « 勿谓言之不预也 – wu wei yan zhi bu yu ye – Ne dites pas qu’on ne vous avait pas prévenus ».

En réalité la prévalence chinoise sur le secteur doit être appréciée de manière diverse selon la nature des terres rares. La Chine exploite plus de 70% des terres rares lourdes et de poids atomique intermédiaire du monde et est responsable de 90% du processus complexe de leur transformation en aimants.

En revanche, selon les statistiques chinoises elles-mêmes, la production totale toutes terres rares confondues – lourdes et légères – ne compte que pour 40% de la production globale, tandis que selon une étude de l’US Geological Survey du 24 déc. 2021, elle serait de 60 %.

Réactions américaines.



La photo montre le site de Mountain Pass aux États-Unis. Abandonné à la suite de la prévalence chinoise acquise au prix de la destruction de l’environnement en Chine, le site a été réactivé en 2020, alors que Washington promettait de reconstituer la filière complète d’ici 2025. Le défi est complexe compte tenu de la rareté des sociétés de raffinage aux États-Unis. L’accord avec l’Australien Lynas pour une usine au Texas est une solution à long terme. Elle est cependant handicapée par le coût de transport du minerai vers les ports américains australiens.

*

Un an après la menace du Quotidien du Peuple, les concurrents de la Chine se sont réveillés. Leur intérêt était logiquement attisé par la montée des coûts qui facilitait les investissements, mais aussi par la crainte rappelée par les grands journaux de « l’établissement » d’un monopole chinois utilisé comme moyen de pression stratégique. Le branle-bas impliqua les pouvoirs publics américains touchés au vif.

En décembre 2020, alors que Washington exprimait ouvertement le souci d’une manipulation stratégique des terres rares par Pékin, la société Mountain Pass aidée par le gouvernement fédéral planifiait de restaurer d’ici 2025 aux États-Unis toute la chaîne industrielle du secteur, y comprennent le raffinage, la séparation par solvants chimiques et la production d’aimants.

En février 2021, le Pentagone concluait un accord d’investissement technologique avec l’Australien « Lynas Rare Earths Ltd » pour la construction d’une usine de traitement des terres rares au Texas. En même temps, le président Biden signait un décret désignant les terres rares comme un des quatre domaines où il était prioritaire de réduire les risques de rupture d’approvisionnement.

Dans le même temps, marché global se restructurait le monopole chinois. Selon une enquête de « US Geological Survey », la part de la Chine dans la production mondiale est passée de 86% en 2014 à 58,3% en 2020.

Plus encore, l’année suivante, en Chine la forte demande industrielle en aval attisée par le secteur des aimants dont la demande avait explosé, renversa le rapport de forces et obligea les sociétés chinoises à augmenter brutalement leurs importations de terres rares américaines.

Le volume total des achats chinois à l’Amérique atteint 71 000 tonnes en 2021 au prix en hausse de 26% depuis 2019. La tendance s’est même accélérée fin 2021 avec une augmentation des prix de 50% à 2172 $ la tonne, facturés au groupe Shenghe, celui-là même dont les investissements s’étaient infiltrés dans le n°1 américain du secteur.

Remarques) :

[1] Depuis 2017, l’élaboration progressive d’une loi sur le contrôle des exportations, finalement approuvée par l’ANP en octobre 2020, au nom de « l’intérêt de la Nation et de sa sécurité » essentiellement en riposte aux sanctions américaines, laissait flotter la menace d’un embargo sur l’exportation des « terres rares ».


• Commenter cet article

• À lire dans la même rubrique

Le sommet mondial des démocraties invite Taïwan et enflamme les nationalistes chinois qui fustigent les ratés de la démocratie américaine

Huitième sommet Chine-Afrique. Vaccins et promesses d’une communauté de destin. Au-delà du rêve, les réalités

Xi Jinping – Biden : une vidéo-conférence tendue et sans substance réelle

L’illusion de l’apaisement par le commerce

Meng Wanzhou est rentrée à Shenzhen. Les deux Canadiens prisonniers en Chine ont été libérés

Laisser un commentaire