Raphaël Varane : « J’ai peur que les joueurs aient des carrières beaucoup plus courtes et doivent renoncer à l’équipe de France très tôt »


Raphaël Varane peut enfin souffler. Le champion du monde 2018 vit sa première trêve internationale loin de Clairefontaine depuis l’annonce de la fin de son aventure avec les Bleus lorsque nous le rencontrons au début de ce printemps 2023 du côté de Manchester, le mercredi 22 mars. Un ralentissement pour le défenseur central des Red Devils qui a décidé de tourner la page de l’équipe de France, après 93 sélections et presque autant de moments mémorables, afin de ne plus subir la cadence effrénée imposée à tous les meilleurs footballeurs internationaux. « Beaucoup de joueurs m’ont dit ‘Oh la chance que tu as d’avoir une coupure pendant la saison' », partage l’ancien du Real Madrid dès l’entame de notre discussion, après avoir ôté sa paire de lunettes de la ligne Boss Lunettes. « Cette trève tombe à pic car c’est une saison terrible sur le plan physique et mental. On n’a pas stoppé depuis début juillet et on tire vraiment sur la corde. Psychologiquement cette pause fait beaucoup de bien et va me permettre de me régénérer un peu.

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Le 2 février dernier, un mois et demi après une finale de Coupe du monde ô combien éprouvante pour Raphaël Varane – blessé à la cuisse droite jusqu’au dernier moment puis touché par un virus avant le match contre l’Argentine -, le défenseur de l’équipe de France a annoncé sa retraite internationale lors d’un entretien accordé à Canal+. Dans cette interview particulièrement touchante, et détonante dans le monde du foot, le défenseur formé au RC Lens témoignait de son besoin de souffler et expliquait avoir la sensation que « le joueur était en train de bouffer l’homme ». L’image de sa dernière course lors de la prolongation face à l’Albiceleste, au duel avec Lautaro Martinez à la 113ème minute de jeu, revient donc à l’esprit en entendant ces mots. Il s’arrache une ultime fois pour libérer le ballon en touche puis s’écroule, comme le souffle coupé, avant d’être remplacé par Ibrahima Konaté. « On utilise souvent l’expression tout donner dans le vestiaire et là c’était littéralement le cas », nous dit-il.

« Physiquement ou mentalement ce qu’on demande aux joueurs aujourd’hui c’est tout simplement au-dessus des limites. »

Les manches du très chic costume bleu marine que porte le Français de 29 ans sur un t-shirt blanc immaculé sont légèrement remontés, révèlent la doublure colorée en satin, et donnent à son look un aspect décontracté. Si Raphaël Varane mesure sa chance de bénéficier d’un break bien mérité et se réjouit de passer davantage de temps auprès de ses proches, et notamment de sa compagne actuellement enceinte de leur troisième enfant, le quadruple vainqueur de la Ligue des Champions tient à faire valant son expérience personnelle d’un surmenage devenu selon lui inévitable au plus haut niveau. « Le calendrier est déjà plus que plein, les joueurs sont en surrégime et ça va être encore pire… » s’inquiète-t-il en évoquant le nouveau format de la Ligue des Champions, la prochaine Coupe du monde 2026 à 48 sélections contre 32 jusqu’à présent et les nouvelles compétitions comme la Ligue des Nations. « J’ai peur qu’on assiste à des carrières plus courtoises et que les joueurs doivent renoncer à l’équipe de France très tôt parce que physiquement ou mentalement ce qu’on demande aujourd’hui c’est tout simplement au-dessus des limites.

La peur du désormais ancien joueur de l’équipe de France s’appuie sur des faits. Un rapport de la FIFPRO, la fédération internationale représentant les joueurs professionnels, publié en 2021 attestait en effet d’une augmentation significative du nombre de matchs consécutifs dans le football professionnel masculin au cours des dernières années et appelait à repenser les calendriers des rencontres internationales. Le document soulignait que certains footballeurs jouaient deux tiers des matchs de leur saison avec un temps insuffisant de récupération. Raphaël Varane nous explique qu’à la surcharge des calendriers s’ajoute une intensité plus élevée lors de rencontres en raison notamment du meilleur niveau de petites nations du football autrefois facilement balayée par 4-5 mais d’écarts ou plus, en citant en exemple le souvenir d’un match nul de l’équipe de France face au Luxembourg en 2017.

« Il faut me croire, tous les internationaux qui jouent la coupe d’Europe et n’arrêtent jamais de traverser des périodes de méforme de plusieurs mois ou se bénissent. Les jeunes qui commencent en équipe de France là, ceux qui ont joué la Coupe du monde, vont devoir faire énormément de sacrifices s’ils veulent rester au top pendant dix ans. Et si c’est plus dur que ce que j’ai connu… »

En s’envoyant à ce sujet, l’ancien défenseur central du Real Madrid entend protéger les plus jeunes footballeurs qui découvrent le plus haut niveau, « un peu comme un grand frère ». Il sera d’ailleurs présent au Stade de France à l’occasion du match des Bleus face au Pays-Bas ce vendredi 24 mars. « Le fait d’avoir révélé la fin de ma carrière internationale et ne pas en avoir caché les raisons, ça a résonné chez beaucoup de joueurs », assure Raphaël Varane, conscient cependant que le problème soulevé concerne seulement une poignée de joueurs à l’ échelle de son sport. « Il faut me croire, tous les internationaux qui jouent la coupe d’Europe et n’arrêtent jamais de traverser des périodes de méforme de plusieurs mois ou se bénissent. Les jeunes qui commencent en équipe de France là, ceux qui ont joué la Coupe du monde, vont devoir faire énormément de sacrifices s’ils veulent rester au top pendant dix ans. Et si c’est plus dur que ce que j’ai connu… »

Raphaël Varane a mûrement réfléchi avant de conclure son histoire avec les Bleus, tout comme il l’avait fait avant de rejoindre Manchester United à l’été 2021, après dix ans passés au Real Madrid. Dans les deux cas, le natif de Lille a cherché à conserver sa passion pour le football, son envie sur le terrain et sa fraîcheur en dehors. « Le niveau de compétitivité en Angleterre est incroyable. On a joué le cinquième de Liga (le Bétis Séville, ndlr) et le dernier de Premier League (Southampton) la même semaine et franchement c’est dur de savoir quel était le match le plus difficile, s’enthousiasme-t-il. On avait tellement gagné à Madrid, qu’une victoire de plus c’était juste normal et une défaite c’était la crise. Mais en Angleterre chaque victoire apporte une grosse satisfaction car la dépense énergétique est énorme. C’est un autre football et ça a ravivé ma passion et mon envie de gagner chaque match.

« Les dernières saisons sur un toujours fini plus tard et repris plus tôt. On n’avait pas le temps de travailler physiquement et on faisait juste de la récupération quand on ne jouait pas. Alors tu peux faire ça quelques saisons mais au bout d’un moment soit tu as un accident et on te reconnaît plus pendant 6 mois ou un an sur le terrain, soit tu te blesses.

Il faut dire aussi que la deuxième saison de Raphaël Varane avec les Red Devils se passe mieux que la première, « en dents de scie » de son aveu, et au cours de laquelle le Français n’avait jamais réussi à retrouver le rythme. Manchester United occupe la troisième place du championnat anglais, son duo avec Lisandro Martinez s’avère très complémentaire, et Raphaël Varane a retrouvé une place de titulaire. « Cette saison ça se passe bien parce que j’ai eu une pré-saison complète ! Ça faisait combien de temps que je ça ne m’était pas arrivé ? » interroge–t-il ironiquement. « Les dernières saisons sur un toujours fini plus tard et repris plus tôt. On n’avait pas le temps de travailler physiquement et on faisait juste de la récupération quand on ne jouait pas. Alors tu peux faire ça quelques saisons mais au bout d’un moment soit tu as un accident et on te reconnaît plus pendant 6 mois ou un an sur le terrain, soit tu te blesses. C’est ce qui arrive à tous les grands joueurs et c’est ce que je veux éviter.

Le plus jeune capitaine de l’histoire de l’équipe de France, qui a toujours brillé sur le terrain par ses qualités techniques, mais aussi sa sérénité et sa capacité d’anticipation, affiche son bonheur d’évoluer aujourd’hui dans le Nord de l’Angleterre et nous parlons de sa proximité avec le public mancunien. Quand nous lui demandons s’il se voit terminer sa carrière en club à Manchester United, ce dernier répond que c’est « une option sérieuse ». « Je finirai ma carrière soit à Madrid, soit à Manchester, soit à Lens. C’est sûr que je ne ferai pas d’autre club. Mais Madrid, ça me paraît compliqué, on n’y revient pas en général. Le plus probable aujourd’hui c’est que je finis à Manchester ou Lens », assure-t-il. Et pour la suite, Raphaël Varane ne compte pas se précipiter. « Plus on se rapproche de 30 ans, plus y pense reconnaît », celui qui fêtera son trentième anniversaire le 25 avril prochain. « Depuis que j’ai sept ans je joue au pied alors il y a une petite appréhension mais pas de crainte. Comme chaque décision importante dans la vie, ça nécessite de mûrement réfléchir et ça va se faire étape par étape. Par expérience, on aura tendance à lui faire confiance pour prendre les bonnes décisions.

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