Paris appelle ses ressortissants à quitter le pays


Le parti islamiste radical Tehrik-e-Labbaik Pakistan (TLP) a partiellement bloqué les deux plus grandes villes du pays, Lahore (est) et Karachi (sud), ainsi que la capitale, Islamabad (nord), pour réclamer l'expulsion de l'ambassadeur de France.

La France a recommandé, jeudi 15 avril, à ses ressortissants et aux entreprises françaises de quitter provisoirement le Pakistan, après de violentes manifestations antifrançaises en début de semaine. «En raison des menaces sérieuses qui pèsent sur les intérêts français au Pakistan, il est recommandé aux ressortissants français et aux entreprises françaises de quitter provisoirement le pays», a fait savoir l’ambassade de France.

Le sentiment antifrançais est exacerbé au Pakistan depuis que le président Emmanuel Macron a défendu le droit à la caricature, au nom de la liberté d’expression, lors de l’hommage rendu à Samuel Paty, un enseignant tué le 16 octobre après avoir montré des dessins satiriques à sa classe, dans la foulée de la republication de représentations du prophète Mahomet par l’hebdomadaire Charlie Hebdo.

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Sur Twitter, le hashtag #FrenchLeavePakistan («Français, quittez le Pakistan») a été utilisé dans 42 000 tweets jeudi.

Le parti islamiste radical Tehrik-e-Labbaik Pakistan (TLP) a partiellement bloqué, en début de semaine, les deux plus grandes villes du pays, Lahore et Karachi, ainsi que la capitale, Islamabad, pour réclamer l’expulsion de l’ambassadeur de France. Les manifestations ont été violemment réprimées par la police et ont fait au moins deux morts du côté des forces de l’ordre. Le gouvernement pakistanais a annoncé, mercredi, son intention d’interdire le TLP.

Sécurité renforcée

La sécurité a été renforcée auprès de l’ambassade de France à Islamabad, a constaté, jeudi, un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP). Des conteneurs maritimes ont été ajoutés le long du mur extérieur de l’enceinte pour en protéger l’accès et des Rangers, une force paramilitaire pakistanaise, ont été réalisés à proximité.

En 2020, 445 personnes étaient inscrites sur le registre des Français résidant au Pakistan, soit moins qu’en 2019 (525). L’inscription n’est cependant pas obligatoire et ce chiffre n’est donc pas forcément le nombre exact de Français vivant dans ce pays. Selon l’ambassade, 35 entreprises françaises sont présentes au «pays des poursuites», essentiellement de grands groupes actifs notamment dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie pharmaceutique, de la distribution, du transport maritime, du bâtiment public.

«Notre police et nos Rangers sont capables de gérer la situation», a assuré le ministre de l’intérieur, Sheikh Rashid Ahmed, au cours d’une conférence de presse. «Tous les citoyens français sont en sécurité ici et il n’y a pas de menace contre eux. »

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Le leader du TLP arrêté

Lundi, les partisans du TLP ont réagi avec colère à l’arrestation, à Lahore, de leur leader, Saad Rizvi, quelques heures après son appel à une marche, le 20 avril à Islamabad, pour demander l’expulsion de l’ambassadeur de France. Il exige ce départ depuis que M. Macron a déclaré que la France ne renoncerait pas aux caricatures, y compris celles du prophète Mahomet.

Les propositions du président français ont déclenché des manifestations au Pakistan, à l’appel du TLP, et dans plusieurs autres pays musulmans, ainsi que des appels au boycottage de produits français. Dans son interprétation stricte, l’islam interdit toute représentation de Mahomet, considérée comme blasphématoire. Au Pakistan, même des allégations non prouvées d’offense à l’islam peuvent provoquer assassinats et lynchages.

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Escalade des violences

A la fin d’octobre, le premier ministre pakistanais, Imran Khan, avait accusé M. Macron d ‘«Attaquer l’islam» et de mener une «Campagne islamophobe systématique sous le couvert de la liberté d’expression», chagrin pour lequel l’ambassadeur de France au Pakistan, Marc Baréty, avait été convoqué. Les relations restent à ce jour tendues entre les deux pays.

En novembre, le Quai d’Orsay a fermement condamné les propos «Détestables et mensongers» de la ministre des droits de l’homme pakistanaise, Shireen Mazari; dans un tweet, elle avait annoncé: «Macron fait aux musulmans ce que les nazis infligeaient aux juifs. » En février, le Quai d’Orsay a convoqué le chargé d’affaires de l’ambassade du Pakistan et appelé Islamabad à une «Attitude constructive» à la suite des déclarations du président pakistanais, Arif Alvi, à propos d’un projet de loi visant l’islam radical en France. M. Alvi avait estimé que ce projet de loi sur le «Séparatisme» portait atteinte aux musulmans. «Changer des lois (…) pour isoler une minorité constitue un précédent dangereux », avait-il notamment dénoncé.

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Le Monde avec AFP

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