L’Europe ne devrait pas revenir aux règles budgétaires d’avant la pandémie


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L’écrivain est professeur à l’Université Columbia et lauréat du prix Nobel d’économie. Il s’exprimera à la Questions fiscales conférence en ligne, 27-30 septembre

Avant les élections fédérales allemandes de dimanche, les sondages d’opinion suggèrent qu’Olaf Scholz, chef du SPD de centre-gauche et actuel ministre des Finances, succédera à Angela Merkel comme chancelière. Mais de nombreuses questions demeurent sur la forme de la coalition que Scholz dirigerait et la direction que prendront l’Allemagne, et par extension l’Europe, dans l’ère post-Merkel.

En réponse à l’urgence du coronavirus, les pays européens ont abandonné les règles budgétaires de l’UE régissant les déficits et le ratio dette/produit intérieur brut, les emprunts et les dépenses pour maintenir leurs économies à flot. Il y aura et devrait y avoir un débat sur la façon dont ces fonds empruntés sont dépensés. Mais peu diraient que les dépenses étaient la mauvaise ligne de conduite.

L’Allemagne a longtemps été perçue comme le partisan le plus enthousiaste de règles strictes sur l’emprunt, même si elle n’a pas toujours été le plus strict. En 2004, par exemple, le déficit budgétaire de l’Allemagne s’élevait à 3,7 pour cent du PIB, nettement au-dessus des 3 pour cent stipulés par les règles post-Maastricht.

Maintenant, alors que les Européens espèrent un certain retour à la «normale» d’ici la fin de 2021, la question est de savoir si les principes régissant les dépenses et les emprunts devraient revenir aux normes d’avant la pandémie.

Avec le programme de relance Next Generation EU, l’Europe a déjà signalé sa volonté d’aller bien au-delà des règles. L’Italie, dont l’économie a été gravement touchée par la pandémie, cherchera à investir 235 milliards d’euros dans les années à venir dans le cadre de son plan de relance national. Après deux décennies au cours desquelles son économie s’est lentement contractée suite à l’adoption de l’euro, cela représente une énorme opportunité d’expansion. Les données à ce jour suggèrent que le programme bien conçu fonctionnera.

Tous les pays de l’UE bénéficieront de subventions et de prêts Next Generation, mais les États membres du sud et de l’est du bloc seront particulièrement désireux de voir ces dépenses comme un précédent plutôt qu’une exception.

Naturellement, avec l’énorme augmentation du ratio dette/PIB, beaucoup s’inquiètent de la viabilité d’un programme économique basé sur une rupture avec les anciennes règles. La réponse courte est un oui sans ambiguïté. Il existe deux manières de ramener le ratio dette/PIB à un niveau plus raisonnable : réduire le numérateur par l’austérité ou augmenter le dénominateur par les investissements. Il y a dix ans, l’UE a emprunté l’ancienne voie pendant la crise de la zone euro et cela s’est avéré un énorme échec. Les États-Unis ont emprunté cette dernière voie après la seconde guerre mondiale et cela s’est avéré un grand succès. Face aux crises auxquelles l’Europe est confrontée aujourd’hui, l’austérité serait doublement calamiteuse.

Certains se demandent si toutes ces dépenses entraîneront une flambée de l’inflation, mais la grande leçon des 30 dernières années est que les craintes de dépenses excessives dans un pays donnant lieu à des pressions inflationnistes dans la zone euro étaient largement exagérées. Même les déficits massifs de l’Allemagne n’ont pas eu cet effet. En effet, pendant une grande partie du temps, l’inquiétude en Europe a été la déflation, à tel point que l’on craint que la Banque centrale européenne ne perde sa crédibilité en raison d’une inflation tellement inférieure à son objectif de 2 %.

Même sans la pandémie, les règles strictes sur les ratios d’endettement, l’inflation, etc. n’atteignaient pas la « stabilité et la croissance » promises. Certains des pays qui ont le plus souffert du krach de 2008 – l’Irlande et l’Espagne, par exemple – étaient obsessionnellement rigides dans le respect des règles. Mais lorsque la crise a frappé, les règles ne les ont pas protégés.

La pandémie a montré qu’au lieu de s’inquiéter de ratios arbitraires, les sociétés auraient été plus sages d’investir davantage dans la santé et de renforcer les chaînes d’approvisionnement pour rendre l’économie plus résiliente.

L’UE prendrait un risque énorme si elle revenait aux anciennes règles discréditées. Ramener rapidement le ratio dette/PIB à 60 % alors que certains pays sont à deux fois ce ratio pénaliserait à nouveau par une fiscalité plus élevée et une baisse de bien-être une génération qui est en danger depuis 2008. La cohésion sociale, qui est vitale partie de tout plan de relance, serait sacrifié sur l’autel d’un nombre peu justifié. Rééquilibrer le système en faveur des jeunes et des bas salaires nécessitera des investissements soutenus. Avec des populistes prêts à se nourrir du mécontentement, les dangers pour le projet européen sont évidents.

C’est maintenant l’occasion de tracer une meilleure voie pour l’Europe. Les anciennes règles ne maintiendront pas à flot un navire naviguant dans des eaux agitées. Ce qu’il faut, c’est une nouvelle approche plus souple et plus réfléchie de la gestion macroéconomique et budgétaire.

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